Les amis de marde, dater un conservateur et comment faire l’amour
Les amis de marde, dater un conservateur et comment faire l’amour
Cette semaine, Flo se demande comment dater un conservateur (mais surtout, si on devrait vraiment faire ça), Gab réalise qu’on est tous.tes devenu.e.s des ami.e.s de marde, et elles invitent leur collègue réalisatrice Marie-Christine Roussel pour jaser d’une série vidéo qui prouve qu’il n’y a pas de bonne, ou de mauvaise, réponse à la question « Comment faire l’amour? ».
Florence : 😬 Dater un conservateur
Gab, moi cette semaine j’avais envie qu’on parle d’une affaire qui me fascine : les vox pops aux États-Unis, de personnes qui se font demander, dans la rue, pour qui ils vont voter, et qui répondent tous Trump. Ça me brasse à chaque fois, parce que ça me confronte au fait que les Trumpistes ressemblent à mes ami.e.s, ma famille, mes collègues. Genre, c’est pas juste des vieux Texans avec une calotte MAGA. Les 75 millions de personnes qui ont voté pour Trump en 2020, bin, surprise, elles existent pour vrai, même si j’ai l’impression que ça se peut pas, vouloir ce gars-là comme président.
Si je fais des grandes déductions, ce que ces vox pops-là nous disent aussi, c’est que tout ce beau monde-là ont sûrement des partenaires amoureux, et donc qu’il y a des personnes qui datent des républicains. Crois-le ou non. C’est le sujet de l’article dont je veux te parler cette semaine, qui s’intitule « Should I break up with my Trump-loving partner? », donc « Je devrais-tu laisser mon chum Trumpiste ». Comme moi, ma Gabri, t’as sûrement envie de répondre « Bin oui » pis de passer ta chronique mais pour les besoins de la cause on va creuser la réflexion OK?
On va creuser parce que je trouvais ça pertinent d’en parler sachant que notre prochain gouvernement fédéral risque d’être conservateur. Selon un récent sondage Léger sur les intentions de vote, ce serait 43% des Canadiens et 22% des Québécois qui voteraient pour Pierre Poilievre si des élections fédérales avaient lieu aujourd’hui. Pis au Québec, ce serait quand même 12% des Québécois qui voteraient pour le Parti conservateur du Québec d’Éric Duhaime si des élections provinciales étaient tenues aujourd’hui.
Bref, des conservateurs, on n’est pas à veille d’en manquer. Ils occupent de plus en plus d’espace dans les lieux de pouvoir et d’influence, mais aussi dans nos vies, nos quotidiens, nos cercles. Quand on est de gauche, quand on est progressistes, qu’est-ce qu’on fait avec ça? C’est quoi la place des opinions politiques dans nos rapports intimes?
C’est une grande question qui me fascine. Personnellement, j’y ai été beaucoup confrontée dans les dernières années. Moi j’avais des amies antivax pendant la COVID, j’ai des ami.e.s qui ont des valeurs plus conservatrices, notamment sur la question de la langue et de l’immigration, pis évidemment, je les aime pareil. Gab, je sais que tu as des ami.e.s hétéros.
Fidèle à mes habitudes, je suis partagée. D’un côté je me dis hey, me semble que de dire « oui, tu devrais casser avec ton boy trumpiste », c’est un peu commencer à dire que les conservateurs devraient se reproduire juste avec des conservateurs, pis des progressistes juste avec des progressistes. Y’a quelque chose là-dedans que je trouve inquiétant. Déjà qu’en ligne, on se fait feeder beaucoup des contenus qui correspondent déjà à nos valeurs pis nos idées – je te confirme que j’ai pas vu passer d’article intitulé « Should I break up with my Kamala-loving girlfriend? » dans mon algorithme – si on côtoie plus, dans la vraie, vie, du monde qui pensent pas comme nous, bin on manque un gros morceau de notre société, qu’on l’aime ou non, ce morceau-là. Je sais qu’on est pas d’accord ici ma Gabri.
De l’autre côté, je pense que de penser que la sphère politique et nos vies intimes ne sont pas des vases communicants, c’est vraiment de se LEURRER raide. L’avortement, le réseau des garderies, la gestion du patrimoine familial, notre système d’éducation. C’est toute des grandes discussions politiques qu’on a sur l’espace publique, et qui ont des impacts très sérieux dans nos couples, nos familles. On peut tu vraiment partager sa vie avec quelqu’un qui est à un l’autre opposé du spectre politique sans avoir de gros conflits de valeurs au quotidien? Malheureusement, je pense pas.
Faque j’ai envie de dire « Yes, dump-le ton chum pro-Trump », mais peut-être fais-toi un ami conservateur, par simple curiosité intellectuelle.
Gabrielle : 💩 est-ce qu’on est devenu des amis de marde?
Te considères-tu comme une bonne amie ? Moi pas tout le temps.
Cette semaine, j’ai lu un article sur le média américain DAZED qui s’intitule « Y’a tu du monde qui ont encore le temps d’être des bons amis ? » qui parle du fait que les jeunes professionnels – donc nous – manquent de temps pour entretenir leurs amitiés.
Pourquoi ? Parce qu’on est fatigués socialement, Florence : de parler à nos collègues toute la journée, de s’occuper des enfants, quand on en a, ou de passer du temps avec notre partenaire à jaser du travail.
Les gens n’ont pas moins d’amis qu’avant, mais passent beaucoup moins de temps avec eux (3 heures par semaine en moyenne contre 6 heures par semaine il y a dix ans).
En vieillissant, on a toustes moins de temps, moins d’espace mental (occupé par la job, les factures à payer, la to-do list) et moins d’énergie à consacrer à nos amitiés qu’avant, et ça rend l’organisation avec nos potes plus compliquée.
C’est peut-être pour ça qu’on traite nos amitiés comme des tâches, en rentrant nos sorties avec des amis dans nos calendriers Google ou en s’organisant des petites séances de coworking dans un café les après-midis. (Je fais les deux).
L’autre affaire qui nuit à nos amitiés, c’est la pression de performance amicale. Moi on dirait que si je vois mon amie pour un café à 7$, mais que je me sens un peu down, ou moins sociable cette journée-là, donc que je sens que je ne vais pas performer ma sortie, j’ai envie d’annuler.
C’est vrai : on se met de la pression pour performer nos amitiés, pis c’est peut-être à cause des représentations idéalisées qu’on voit sur les médias sociaux – genre les groupes d’amis sur Instagram qui se font des beaux soupers – ou même à la télé, dans des séries comme Bellefleur au Québec, ou Broad City aux États-Unis.
On veut tous plus de temps, des relations et des conversations plus profondes, mais on met nos efforts ailleurs, on dirait. Je réponds à ma boss direct quand elle m’écrit sur Slack, mais parfois, ça me prend 2 jours à répondre à mon amie sur Messenger. Sont où, mes priorités? C’est tu le travail, le problème ? Au Québec, en 2020-2021, la proportion de personnes les plus satisfaites de leur vie sociale, c’était les 65 ans et plus (44 %), donc les retraités, les gens qui ont du temps.
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Le Micromag « Comment faire l’amour » de Marie-Christine : https://urbania.ca/micromag/comment-faire-lamour-micromag-92