L’énergie masculine au travail, trop d’experts en toute, le tag de la murale de Rabagliati vu par les graffeurs
L’énergie masculine au travail, trop d’experts en toute, le tag de la murale de Rabagliati vu par les graffeurs
Cette semaine, Gab se demande si on a vraiment besoin de se faire désinfluencer, Flo s’intéresse à l’énergie masculine qui manque tant au monde corporatif, selon Mark Zuckerberg, et elles accueillent leur collègue journaliste Jean Bourbeau, qui a rencontré 5 graffeurs pour avoir leur point de vue sur l’affaire du tag de la murale de Michel Rabagliati.
Gabrielle : 😵💫 des experts qui veulent vous désinfluencer
Y’a comme une tendance que j’ai cru voir émerger sur TikTok récemment. C’est des experts et expertes de différents horizons qui publient des carrousels sous la thématique « laissez-moi vous désinfluencer ».
Je sais pas si toi aussi, tu as eu ça dans ton feed?
Le premier sur lequel je suis tombée était partagé par une décoratrice intérieure. Il y avait 3,6 M de vues. Sur la première slide, c’était écrit « Je suis designer intérieure, je dépense plus de 1 million de dollars pour décorer les maisons de mes clients et laissez-moi vous désinfluencer ». Elle donnait ensuite des trucs comme « Votre télé est accrochée trop haut », « Si vous n’installez pas de bidet, vous n’avez rien compris à la vie » ou « Il n’y a aucune bonne raison de choisir un évier en stainless ».
Bref, c’était des conseils assez crus. Dans tous les carrousels du genre que j’ai vu passer, peu importe le sujet – parce que j’en ai vu sur la nutrition, l’entraînement, le maquillage, name it – le ton est toujours assez ferme, limite condescendant, mais drôle en même temps. C’est comme une fine ligne.
Le tendance du « desinfluencage » roule quand même depuis un petit moment sur les réseaux sociaux. On en a même déjà parlé sur URBANIA. Cette idée d’empêcher les gens de faire des dépenses inutiles, de leur rappeler que certaines tendances qu’ils et elles voient passer sur les réseaux sociaux ne valent pas d’investissement en temps ou en argent, ben c’est super.
Mais tout ça m’a surtout amenée à réfléchir à quelque chose : la surdose d’informations qu’on reçoit en ligne de manière non-sollicitée, surtout avec la structure de l’algorithme TikTok ou la section « explore » d’Instagram.
J’ouvre l’application, pis je tombe sur une vidéo d’une psychoéducatrice qui me présente l’erreur que je fais tous les jours en voulant gérer les crises de ma fille, ou sur une prof de Pilates qui m’explique pourquoi je force tout croche pendant mes abdos.
Oui, c’est des informations qui pourraient m’être utiles, mais au final, ça fait souvent juste me créer du stress.
Puis surtout, comment on peut savoir que la parole de ces gens-là vaut plus que d’autres? Ces gens-là ont beau s’identifier comme experts et expertes dans leur domaine, mais on s’entend que c’est facile de s’inventer une expertise. En quoi leur avis est meilleur qu’une suggestion vue sur Pinterest ou le TikTok de quelqu’un d’autre ?
Là je parle de mon feed, mais j’imagine que toi, mettons, tu en vois passer, des contenus finances semblables.
Florence : 🧔🏻♂️ Zuckerberg a peur des féministes
Gab, cette semaine, faut que je te parle de la plus récente réflexion pseudo-philosophique sur le leadership et la culture d’entreprise de Mark Zuckerberg, le patron de Meta. Le 10 février, au balado de Joe Rogan, y’a dit, et je cite : « Je pense que le monde des affaires est assez castré sur le plan culturel. L’énergie masculine est bonne, et évidemment, la société en regorge, mais je pense que la culture d’entreprise essayait vraiment de s’en éloigner » Pis plus tard, il a ajouté : « Je pense qu’une culture qui célèbre un peu plus l’agressivité a des mérites qui sont vraiment positifs. »
Dans les jours qui ont suivi, ces phrases-là, y’étaient partout, pis y’ont choqué beaucoup de monde.
D’abord, bin les gens étaient choqués que Zuckerberg parle de masculinité comme si c’était une fragrance à vaporiser pour donner un petit peu de pep à l’ambiance de bureau. C’est parce qu’on a tous et toutes compris, qu’en fait, ce qu’il suggère, c’est de ramener à la mode un système qui prône l’agressivité, le pouvoir et la domination. Pis parler avec cette candeur-là d’un mot qui se rapproche drôlement de la violence, bin ça a pas passé.
Tout le monde s’est aussi un peu demandé d’où vient cette idée saugrenue que le monde corporatif manquerait de testostérone. Petit rappel des faits : 90 % des entreprises du Fortune 500 sont dirigées par des hommes. Chez Meta, son propre empire, 62 % de la main-d’œuvre est masculine, pis le portrait se dégrade encore plus quand on parle de leadership ou de diversité raciale.
Tout ça pour dire que, étant au fait de ces chiffres-là, beaucoup ont soulevé que Zuckerberg dénonce pas vraiment un déséquilibre ; il cherche plus à recentrer la discussion sur une domination qui a jamais disparue.
L’autre problème avec cette fameuse « énergie masculine » qui, selon Zuckerberg, relèverait du combat pis ferait référence à une sorte de virilité entrepreneuriale, c’est que pas tout le monde peut se la permettre. Les femmes, et surtout les femmes de couleurs, en ont parlé, en ligne : les femmes compétitives et directes sont encore qualifiées de « bossy » ou de « rude », des termes rarement utilisés pour décrire un homme en position de pouvoir. Bref, pour les femmes qui veulent peut-être incarner la bonne vieille « agressivité masculine », la ligne est plus fine, pis le backlash, pas mal plus violent.
Bref, moi ce que je me suis demandé, cette semaine, c’est si le sous-texte de la déclaration de Zuckerberg, ce serait pas… la peur? Une peur devant la montée des discours féministes, de la remise en question des structures de pouvoir, pis à la visibilité accrue des luttes pour l’égalité. En insistant sur l’agressivité comme qualité professionnelle, est-ce que Zuckerberg essaierait pas de camoufler un malaise profond : celui de devoir partager le pouvoir?