Le tourisme n’est plus cool, le dating locatif et gagner sa vie avec la mort
Le tourisme n’est plus cool, le dating locatif et gagner sa vie avec la mort
Gab : Quand les réseaux sociaux gâchent le tourisme
Sais-tu ce qui est devenu vraiment loser ? Se prendre en photo devant la tour Eiffel.
Maintenant, il faut voyager sans montrer qu’on visite des endroits où il y a beaucoup de touristes, et ce, même si, surprise surprise, on est nous-mêmes un ou une touriste.
Pas besoin d’annuler votre vol pour Rome ou New York, mais évitez quand même de poster une story devant la Fontaine de Trévi ou pire, à Times Square. Pour se voir remettre le badge de personne cool, il faut plutôt publier des carrousels avec des photos de cafés indépendants et une couple de selfies prises en 0.5 dans un magasin vintage.
C’est pas qu’on a pas le droit de visiter les grands monuments : c’est plus que de partager ces moments-là où on côtoie la plèbe, c’est rendu cringe. Le Colisée n’est pas moins impressionnant parce que tout le monde va le voir, il est juste moins cool parce qu’il est connu.
Pourtant, les réseaux sociaux ne manquent pas de contenu voyage qui nage dans les clichés. L’affaire, c’est que les « cool girls » essaient désespérément de s’en différencier, et c’est peut-être une affaire de statut social. On veut montrer qu’on s’y connait mieux que les autres, qu’on peut faire nos recherches et sortir des sentiers battus, qu’on est plus éduqués, plus cultivés que ceux et celles qui se contentent de visiter le Colisée et le Vatican, mais surtout, qu’on a le temps et l’argent pour chercher ces espaces-là.
Faut dire que les réseaux sociaux ont vraiment transformé le monde du tourisme. Avant, on devait acheter le même livre que tout le monde pour visiter une ville ou un pays. Maintenant, avec les réseaux sociaux et les nouveaux médias, on a accès à des suggestions d’endroits à visiter partagés par des gens qui nous ressemblent – ou auxquels on aspire à ressembler.
Bref, de plus en plus de gens recherchent à présenter leurs vacances à la fois sous le signe de l’authenticité et l’originalité, deux affaires qui ne sont pas toujours conciliables en voyage.
Flo : le dating locatif
Gab, si je te dis : fatigue du swipe, épuisement émotionnel, catfishing, tu penses sûrement à ta dernière expérience sur Hinge. Bin j’ai une bonne nouvelle pour toi : si tu veux te sentir angoissée et rejetée, tu peux aussi te tourner vers la recherche d’un 5 ½ dans Rosemont!
Mais pour vrai, faut qu’on se parle du seul marché qui est rendu plus difficile à percer et où tout est aussi personnel que celui de l’amour… le marché locatif. C’est-tu juste moi ou y’a quelque chose qui va bien au-delà de la simple entente de location, quand on se cherche un logement Montréal depuis quelques années – il y a quelque chose qui relève littéralement de la séduction.
Je sais pas toi, mais la dernière fois que j’ai fait une visite d’appartement, j’ai planifié mon lavage de cheveux en fonction de la date de la visite, j’ai préparé une liste de bonnes questions à poser et j’ai pensé trop longtemps à ce que je portais. Pour vrai, j’avais l’impression d’aller sur une date pis avec le recul, je trouve ça troublant d’avoir mis autant de stratégies en place pour répondre à un besoin si bas dans la pyramide de Maslow. Imagine si notre look et à quel point on vibe avec notre épicier, ça nous permettait d’avoir accès à des nouvelles allées à l’épicerie, avec des meilleurs produits, plus sains et nutritifs. Ça a l’air extrême dit de même, mais pour vrai la crise du logement, c’est un peu ça : l’offre est si petite, pis la demande si grande, que y’a une hyper-curation des locataires qui recrée un peu la notion de « ligue » dont on parle dans le monde du dating. Pis là ça, ça se rajoute à une hiérarchisation des locataires qui défavorise déjà les personnes racisées, les personnes queer, les parents, et j’en passe.
C’est une violence qui existait bien avant la crise du logement, mais me semble qu’on parle pas assez, de la vulnérabilité douloureuse à laquelle les locataires s’exposent quand ils doivent se vendre sans relâche à des inconnus qui, en plus de littéralement juger leur situation économique, peuvent se baser sur un vibe check tout à fait subjectif – ce dont un locataire a l’air, comment il s’exprime, ce qu’il porte – et lui dire l’équivalent de : « Désolée, y’avait comme pas la petite étincelle que je recherche. »