La saga Bobba, célébrer son divorce et le soccer féminin
La saga Bobba, célébrer son divorce et le soccer féminin
Saison 1 | Épisode #4
Cette semaine, Gab se demande pourquoi c’est si difficile d’arrêter de parler pour écouter les autres, Flo ne sait pas si on devrait aller au party de divorce des gens qui nous ont chargé 200$ pour assister à leur mariage, et elles invitent leur collègue Naomi Auger, cheffe de contenu éditorial de Dehors, qui est allée cruiser les nouvelles recrues de l’équipe de soccer féminine des Roses de Montréal.
Gabrielle : 👂 prendre le temps d’écouter les autres
Cette semaine, Flo, je te parle de quelque chose qui semble vraiment difficile à faire pour beaucoup de gens : s’asseoir et écouter.
Le 10 octobre dernier, à l’émission Dragon’s Den, donc la version anglo de Dans l’antre des dragons, les Montréalais Sébastien Fiset et Jessica Frenette, deux personnes blanches – c’est important dans l’histoire – venaient pitcher leur entreprise Bobba à de potentiels investisseurs. Bobba produit du bubble tea en bouteille et les entrepreneurs présentaient leur produit comme une version santé de « cette boisson sucrée et à la mode qu’on ne sait jamais vraiment ce qu’il y a dedans ».
Parmi le panel de juges ce soir-là se trouvait l’acteur et entrepreneur canadien Simu Liu, d’origine chinoise, qui semblait assez irrité de la présentation des entrepreneurs, les accusant d’appropriation culturelle et soulignant le côté problématique, à son sens, de prendre une recette taïwanaise traditionnelle pour « l’améliorer ».
L’extrait a été diffusé sur TikTok et est rapidement devenu viral, avec presque 10 millions de vues. Depuis, Bobba s’est excusé dans une publication sur les réseaux sociaux.
Ce que j’ai trouvé intéressant, avec un débat comme ça, mais surtout avec tous les vidéos TikTok qui s’en sont suivis, c’est que ça a forcé les gens à faire quelque chose : s’asseoir et écouter. Écouter le point de vue des personnes asiatiques qui se sentent blessées par des dizaines d’années de stéréotypes sur la cuisine asiatique – qu’on qualifie souvent de sale, bizarre – et de hiérarchisation des cuisines, qui met la cuisine française et italienne dans la catégorie « élégante » et la cuisine indienne dans la catégorie « réconfortante », par exemple.
On a toustes à apprendre de ce que les populations marginalisées, ou opprimées par des années de colonialisme, ont à nous dire. Et pour reconnaître ses biais et ses privilèges, pour reconnaître ses erreurs, souvent, il ne suffit que d’une affaire : s’asseoir et écouter. TikTok nous forge peut-être un algorithme à notre image, mais il nous permet aussi d’entendre les histoires et les points de vue de gens avec qui on ne serait probablement jamais rentré en contact.
Florence : 💍 Célébrer son divorce
Gab, je sais pu si je t’ai raconté ça, j’ai une amie qui a récemment perdu un proche de manière assez tragique pis un peu injuste : t’sais quelqu’un qui était jeune et en santé, pis qui a juste été malchanceux. Elle pis ses ami.e.s ont décidé que pour entamer leur deuil, ils allaient se réunir pis faire un pas pire party dans une buvette de Montréal, avec une pancarte grandeur nature de leur ami. J’ai trouvé ça tellement rafraîchissant. J’capotais. Pis ça m’a fait réaliser que « célébrer » quelque chose qui t’arrive, ça veut pas dire se réjouir, ou se dire « YES, C’EST EXACTEMENT CE QUE J’VOULAIS », ça veut juste dire de choisir l’option la moins déprimante, parmi plusieurs options déprimantes.
C’est ça qui m’a donné envie, cette semaine, de te parler d’une autre grand deuil de la vie dans lequel il y a de plus en plus de gens qui réussissent à trouver un peu de fun, et j’ai nommé : les divorces.
Le contenu qui a retenu mon attention cette semaine, c’est un article de Vox qui s’intitule « Et si on célébrait les divorces comme les mariages? ». On y parle essentiellement de « divorcemoons » la nouvelle take sur les « honeymoons », et de toutes sortes d’entreprises qui offrent des services festifs ou juste administratifs (parce que quand tu as des enfants pis une maison, divorcer, c’est compliqué) à des personnes récemment séparées.
On dirait que les évènements plus tristes de nos vies, on a le réflexe de les vivre tout seuls dans notre coin, mais ce que cet article-là souligne, c’est qu’au contraire, c’est souvent dans ces moments-là qu’on a le plus besoin des autres. Pis des moments poches comme des divorces, bin y’en a pas mal.
J’ai des chiffres pour toi : de façon générale, ce serait entre 40 et 50% des mariages qui se termineraient en divorce. Selon les plus récentes données de Statistique Canada, l’âge moyen d’un divorce serait à la mi-quarantaine, les mariages qui se terminent en divorce dureraient en moyenne 15 ans, et y’aurait eu 40 000 divorces au pays en 2020. Ça fait beaucoup d’opportunités de se faire faire un gâteau écrit « Thank you, next », dessus.
Mais cette tendance-là à prendre des moments poches de notre vie pis d’en faire une genre de satire on dirait qu’elle s’observe pas juste dans le contexte du divorce. T’as sûrement vu passer, toi aussi, les gens qui font des présentations PowerPoint récapitulatives annuelles de leur dating life un peu déprimantes, où ils présentent des graphiques pis des diagrammes du nombre de personnes qui les ont ghostés. (J’adore ça). Y’a aussi l’industrie des funérailles qui se réinvente. Judith Fetzer, la fondatrice de Cookit, qui a dit récemment au podcast Sans Filtre qu’elle voulait peut-être lancer une nouvelle business dans l’industrie de la mort pour rendre ça moins glauque.
C’est à se demander si ce réflexe-là qu’on a de plus en plus de célébrer la marde, c’est pas de la positivité toxique? T’sais, la semaine dernière, on parlait de performer ses amitiés, d’avoir la misère à avoir des moments imparfaits avec nos proches. Bin est-ce que ce serait pas un peu la même chose ici? Pas question de se rassembler autour d’une boite de mouchoirs et de vivre notre peine, quand il se passe quelque chose de poche, faut en rire pis passer à autre chose vite. Je sais pas toi, mais je connais une couple de psy qui diraient que c’est pas une mauvaise idée de prendre le temps de baigner dans son caca.
En même temps, je trouve que l’auto-dérision c’est vraiment salvateur, pis que pas accepter qu’une fin puisse être une bonne chose (surtout dans le cas de relations toxiques, de dynamiques abusives, ou juste de relations devenues platoniques) ça aussi, c’est peut-être essayer de performer ses relations. Fidèle à mes habitudes, JE SUIS PARTAGÉE ET JE SAIS PAS trop ce que j’en pense.