Balado
Psychopathe et fier de l’être, la biphobie dans Antigang et l’obsession du beau de Rébecca Colère
Si vous écoutez OD Chypre, vous vous souvenez certainement que notre ex-collègue Naomi a traité Arnaud de psychopathe avant de rétracter ses propos quelques épisodes plus tard. Traiter quelqu’un de psychopathe ou de narcissique, c’est pas ben ben gentil.
Personne ne veut être associé à ces diagnostics-là… or do they ?
Parce que oui, maintenant, suffit d’ouvrir TikTok pour tomber nez à nez avec une personne s’affichant fièrement avec sa petite étiquette de trouble de la personnalité narcissique.
Le créateur de contenu Lee Hammock, un américain qui a un diagnostic officiel, cumule 3 millions d’abonnés sur TikTok, où il publie des vidéos de son quotidien, des petit sketchs pour aider à comprendre son point de vue, et bien sûr, offre du coaching en 1:1 sur Zoom, tout ça sur un site web rempli de belles photos de lui.
Faut savoir que ce gars-là n’est pas le seul narcissique professionnel sur TikTok. On retrouve de plus en plus d’influenceurs du genre sur la plateforme, qui partagent tous leur cheminement en thérapie et disent utiliser leur contenu pour démocratiser leur trouble et cultiver la compassion chez le public. Sur TikTok, on retrouve aussi des influenceurs psychopathes comme Victhepath, une fille dont la bio s’intitule simplement « raising awareness on ASPD », donc « je sensibilise sur la psychopathie ».
Là, je pense que ça vaut la peine que je nous rappelle collectivement c’est quoi, un trouble de la personnalité narcissique. On en parle souvent dans les soupers de filles pour accuser nos ex, mais c’est un vrai diagnostic reconnu dans le DSM-5.
Les personnes qui ont le trouble vont avoir tendance à surestimer leurs capacités et leurs valeurs et donc à se considérer comme uniques ou spéciaux #maincharacterenergy. C’est des gens qui ont un grand besoin d’admiration et qui cherchent la validation partout, et qui réagissent donc mal à la critique ou à l’échec. Bref, c’est du monde qui ont une estime personnelle assez fragile.
Les personnes avec un trouble de la personnalité narcissique ne font donc pas nécessairement pitié. Ce sont des gens qui manquent d’empathie, et vont avoir tendance à faire du gaslighting, de la manipulation, de l’humiliation ou même des abus dans leurs relations personnelles et professionnelles.
Bref, ma question, ici, c’est on a tu vraiment besoin d’en parler ? Qu’est-ce qu’on doit vraiment démocratiser, ici ?
Les psychopathes et les narcissiques excellent à remodeler la réalité pour qu’elle serve l’image qu’ils ou elles ont d’eux. En les laissant littéralement faire du cash sur le dos de leur trouble, je ne pense pas qu’on aide ces gens-là à guérir. Je ne suis pas psy, mais à voir le nombre de selfies sur le site web de Lee Hammock, pas sûre que son besoin de valorisation soit 100% guéri.
Audrey : la biphobie dans Antigang
Le 23 septembre dernier était la journée de la visibilité bisexuelle. La visiBIlité, si vous voulez. Et c’est ce qui a inspiré cette petite chronique.
Aujourd’hui, j’aimerais vous parler de la série Antigang, où Luc Dionne a fait sous-traiter ses idées de mononc’ à Nadine Bismuth, et du trope du « bisexuel dépravé ». Selon un article sur Medium, le bisexuel dépravé est souvent hypersexualisé, constamment en quête de plaisirs hédonistes et ayant une ligne de conduite aussi fiable que le REM. Dans la culture pop, les exemples abondent, on peut penser à Villanelle de Killing Eve et mon premier crush, Frank-N-Furter du Rocky Horror Picture Show.
Un nouvel exemple peut désormais s’ajouter au panth éon : Gabriel Goulet de la série Antigang.
Sous ses airs de gentil jeune papa banlieusard, Gabriel est en réalité un gangster de bas étage qui travaille pour Denys Marchand, le chef d’un groupe de motards. Déjà, on se rapporte à l’idée voulant que les personnes bisexuelles sont des personnes auxquelles on ne peut pas se fier. Suite à une enquête de la police, on apprend que Gabriel entretient une liaison avec un autre fier à bras de Marchand. Aussitôt, l’inspecteur Tommy Nadeau, décrit Gabriel comme étant « à rames ou à vapeur ».
Dans les épisodes que j’ai regardés sans trop scroller sur mon cell, je le jure, la bisexualité de Gabriel semble honnêtement un plus gros problème que le fait qu’il trempe dans le crime organisé. La bisexualité est représentée comme une menace à la famille nucléaire et au couple hétérosexuel. Pour la conjointe de Gabriel, l’orientation de ce dernier est aussi représentée comme un plus gros problème que ses infidélités. Ce qui est étrange, puisque l’infidélité hétérosexuelle, elle, est représentée comme étant presque naturelle, comique, quelque chose qui va de soi.
Autre scène qui me choque : lors d’une conversation avec la conjointe déconfite de Gabriel, Léane Labrèche-Dor, son amie et coiffeuse, lui dit (je paraphrase) « Dis-toi que dans un trip à 3, c’est toi qui te tape tout le fun ». Cette ligne sort franchement de nulle part et transmet cette image néfaste voulant que les personnes bi sont forcément intéressées par les trip à 3 et qui nous ramène aussi à l’idée de la « licorne », soit des personnes bi ou queer qui se voient instrumentalisées par des couples hétéro tannés de passer leurs soirées à regarder Survivor Qc.
Si je salue le fait que la série utilise le terme « bisexuel », ce qui est assez rare dans les productions culturelles, on utilise aussi l’expression « à rames ou à vapeur », une métaphore qui laisse entendre qu’une personne bi est « un ou l’autre », ce qui invalide, efface et contribue à la marginalisation des personnes bisexuelles.

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