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J’écris sur le bord de la rivière Neretva, sous le vieux pont de Mostar, en Bosnie et Herzégovine. L’eau vive d’un bleu profond glisse entre les rives rocheuses vers la mer Adriatique. Les lueurs de l’aube commencent à illuminer les clochers et les minarets qui se disputent les premiers rayons du soleil.
Le pont de Mostar a vécu 400 ans sans faillir. En 1993 il a été détruit en quelques minutes par la folie des hommes. Reconstruit en 2004 par la volonté des habitants de Mostar et l’aide internationale, c’est un symbole qui relie l’Est et l’Ouest, l’Orient et l’Occident, le quartier musulman et le quartier chrétien.
Les deux rives d’un même monde.
Partout à Mostar, les cicatrices d’une guerre difficile à comprendre. Une guerre qui a eu lieu il y a vingt ans à peine, à moins de 2000 km de Bruxelles, de Paris ou de Berlin, dans une région qui avait organisé, quelques années auparavant, les Jeux Olympiques, symbole de paix et de fraternité. Pas à l’autre bout du monde! En Europe!
Les murs sont remplis d’impacts de balles. Des maisons entières encore en ruines au centre ville. Des cimetières pleins de jeunes. Des amputés qui déambulent dans les rues. Des photos du conflit. Des gens qui parlent furtivement de ses funèbres conséquences. Des familles chassées de chez elles. Des gens déplacés pour toujours. Des terres que des « étrangers » se sont appropriées. Des voisins qui vivaient ensemble et qui soudain se détestaient tellement qu’ils étaient près à s’entretuer.
La faute à qui? À quoi?
À l’histoire, aux peuples, aux religions, aux politiques, à la cupidité, aux marchands d’armes…
À l’inconnu, à l’incompréhension, à l’ignorance.
En Bosnie, les hommes se battaient pour des croyances… Vraies ou fausses. Ça a été un carnage. Imaginez la violence, le jour où ils se battront pour des places de stationnement ou des soldes d’après Noël.
Dans ce chaos d’après guerre, la vie reprend sa place. Des pêcheurs au bord de la Neretva, des touristes sur le vieux pont reconstruit, des vendeurs de souvenirs inutiles, des enfants qui jouent au foot dans la rue, des femmes qui magasinent, des hommes à la terrasse d’un café. Au loin, la silhouette grise du squelette de béton de la Glass Bank, la tour en ruine des snipers.
Il y a quelques jours nous étions à Dubrovnik, la perle de l’Adriatique, magnifique ville fortifiée comme un écrin au bord d’une mer d’azur précieux. Les touristes s’y bousculent. Il y a vingt ans, les bombes détruisaient les maisons, incendiaient la ville, tuaient des innocents, mettaient en ruine ce patrimoine mondial. Une autre guerre pour d’autres raisons. Là, des hommes qui voulaient étendre leurs pouvoirs, s’approprier des villes, envahir de nouveaux territoires, élargir leurs possessions.
Qui étaient ces snipers qui tuaient sans distinction les innocents qui passaient dans leur ligne de mire en Bosnie? Qui étaient ces militaires qui donnaient l’ordre de bombarder Dubrovnik? Qui étaient ces soldats qui exécutaient les ordres sans réfléchir? Est-ce que le serveur qui apporte nos bières tenait un fusil auto-mitrailleur? Est-ce que le livreur de boissons gazeuses conduisait un char d’assaut? Est-ce que ce pêcheur tranquille a tiré sur des passants? Et ce grand père qui apprend à sa petite fille à faire du vélo? Est-ce qu’il a lancé des bombes?
Et aujourd’hui? Comment se sentent ces hommes (car il y avait peu de femmes) qui avaient le pouvoir au bout du fusil et qui désormais sont redevenus des gens comme nous?
La folie guerrière n’a d’égal que la mémoire défaillante des hommes. Qui se souvient de la guerre de Bosnie? Qui sait qu’au Kosovo, à la frontière avec l’Albanie, il y a encore des milliers de mines qui traînent? Et que l’ex-république yougoslave de Macédoine est encore aux prises avec des conflit ethniques? Qui se rappelle qu’il y a peu un rideau de fer imaginaire et une guerre froide isolaient les pays que nous avons traversés durant notre eurotrip2CV? Qui a retenu les leçons du passé?
Aujourd’hui, l’Égypte répète le même scénario. Et nous, on regarde de loin, sans comprendre.
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