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Young Royals ou la série qui ramène à la réalité
Je ne mens jamais autant que lorsqu’on me conseille une série. « Oui, bien sûr que je la regarderai », peut-on m’entendre répondre après un pitch des plus enthousiastes. La seconde suivante, j’oublie déjà. Et même si j’ajoute le titre à cette liste de shows à rattraper qui prend la poussière dans mes notes d’iPhone, c’est pire encore. Personne ne sort jamais vivant de cette liste. The Handmaid’s Tale y croupit depuis début 2018.
Je connaissais tout de même la prémisse, à savoir l’envoi du prince cadet de Suède (Wilhelm) dans un internat pour enfants bling-bling après la bagarre de trop.
Si l’on creuse, toutefois, la véritable raison derrière ma réticence à entamer une nouvelle série n’est pas tant l’oubli ou la paresse. C’est plutôt la peur d’être déçue et réaliser à postériori le temps perdu à lui avoir donné sa chance — *tousse* Bridgerton *tousse*. Ainsi, lorsque je n’entendais parler que de Young Royals autour de moi, que tout le monde ne jurait que par ça et que Twitter était presqu’en feu, je me tenais au milieu des flammes dans l’ignorance la plus feinte.
Mais pas la plus totale non plus. Je connaissais tout de même la prémisse, à savoir l’envoi du prince cadet de Suède (Wilhelm) dans un internat pour enfants bling-bling après la bagarre de trop. Je savais aussi qu’il allait y vivre ses premiers émois amoureux avec un résident beaucoup moins fortuné que lui (Simon). Je ne savais pas qu’il y aurait six épisodes en tout et pour tout, par contre. Et je savais encore moins qu’en m’asseyant devant — au terme d’un travail au corps acharné de mes amis — j’allais finir par en redemander.
Je trouve important que des adolescents puissent se sentir représentés de façon réaliste dans un show qui leur est justement destiné.
Des adolescents qui en sont réellement
La première chose qui m’a frappée est sans conteste l’impression d’enfin regarder un show pour adolescents avec des adolescents. Ou, du moins, avec des acteurs dont la tranche d’âge pourrait s’y prêter.
C’est là une grande force de Young Royals, selon moi, car nombre de séries perdent en crédibilité lorsqu’un interprète très visiblement dans la trentaine se plaint à l’écran d’un prof du lycée. Loin de moi l’idée de faire de l’âgisme, abaissez sereinement vos fourches, mais je trouve important que des adolescents puissent se sentir représentés de façon réaliste dans un show qui leur est justement destiné. Je me rappelle l’avoir souvent souhaité étant plus jeune.
Tout est parfaitement dosé, aucune réaction n’est trop surfaite pour des enfants de seize ans et rien n’est non plus minimisé ou caricaturé.
Ce qui m’amène à mon second « wow » de spectatrice : l’acné. Aussi prince et héros principal qu’il soit, Wilhelm a les joues parsemées de boutons rouges et visibles, ce dont personne ne fait cas. Pourquoi ? Parce qu’une fois encore, ce sont des adolescents. Et durant cette période, notre visage passe par sa propre crise d’ado qui, parfois, dure même plus longtemps que la nôtre. C’est naturel. Le montrer sans tabou aide à normaliser cette réalité et, qui sait, décomplexer des spectateurs pour qui l’acné gâcherait le quotidien.
Des personnages auquel on croit
Quel plaisir d’être face à des acteurs qui savent jouer ! Et non, ceci n’est pas un tacle au reboot de Gossip Girl — enfin, si, mais juste un peu. Tout est parfaitement dosé, aucune réaction n’est trop surfaite pour des enfants de seize ans et rien n’est non plus minimisé ou caricaturé. On se retrouve dans les regards furtifs de Wilhelm pour Simon, on reconnaît la fébrilité qui précède leur premier baiser, on ressent le désarroi silencieux de Wilhelm lorsque la tragédie le frappe et, pour ne les avoir que trop expérimenté, on décode les sourires passifs-agressifs de ce suppôt de Satan nommé August. Mais je reviendrai à son cas plus tard.
Les méchants ne sont pas juste méchants et il n’y a pas de gentils; juste des adolescents qui font du mieux qu’ils peuvent.
Malgré le fait que la richesse soit au coeur même de ce monde, elle ne reste qu’en arrière-fond, la vulnérabilité des personnages volant à chaque scène la vedette. Ainsi, même la souveraine de Suède apparaît sans fioritures ou marques de pouvoir clinquantes. Mais dans sa posture digne et son regard fatigué, on reconnaît tout en subtilité une femme de haut rang qui a certainement souffert. Cette démystification humanise et rapproche un quotidien qui, d’ordinaire, nous est extrêmement lointain. Et d’aussi près, les personnages deviennent soudain palpables.
QUELQUES nuances de gris
Tout n’est jamais tout blanc ou tout noir, dans Young Royals. Les méchants ne sont pas juste méchants et il n’y a pas de gentils ; juste des adolescents qui font du mieux qu’ils peuvent. Prenons le cas d’August. Rarement ai-je haï un personnage fictif comme je le hais. Un article entier ne pourrait contenir les insultes dont je l’ai baptisé du premier au sixième épisode. Mais d’un point-de-vue purement objectif, je comprends le mal-être qui le pousse à agir ainsi. La série parvient à disséminer des indices qui permettent ensuite au spectateur de terminer seul son propre puzzle.
Car, à l’instar de la vie réelle, il n’y a pas souvent d’explication à toute chose ni de happy ending en fin de course. Il y a juste une fin.
Tout n’est pas rose non plus, surtout en matière d’amour. Regarder Simon et Wilhelm nous apprend qu’Hollywood a tort : deux battements de coeur synchronisés ne suffisent pas à faire un couple, surtout face aux forces inéluctables de la vie. Cela ne signe pas la fin de l’amour pour autant, juste un passage à l’âge adulte où la raison froide prône quelques fois sur les sentiments brûlants. En ce sens, regarder Simon et Wilhelm profiter de cette chose fragile et naissante qui les unit nous apprend aussi à apprécier l’instant présent et ignorer le compte à rebours.
« Il n’y a pas de gagnants », tentera d’expliquer la reine de Suède à son fils, encapsulant ici l’essence même de la série. Car, à l’instar de la vie réelle, il n’y a pas souvent d’explication à toute chose ni de happy ending en fin de course. Il y a juste une fin. Et pour cet ancrage rafraîchissant dans le réel, je suis contente d’avoir donné sa chance à Young Royals.