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Yorick et Pierrick, les plus grands ménestrels du Moyen Âge

(ou comment j’ai percé à une autre époque).

Par
Charles Beauchesne
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Duché de Bicolline, an de grâce 1018.

À l’intention d’URBANIA Musique et sa menuaille de fripons musicouilleux et autres amateurs d’aubades et bruissements,

Or i allons! Je suis Yorick le fou (Charles Beauchesne) et avec l’inqualifiable compagnie de mon ostentatoire ami Pierrick le barde (Jessy Sheehy) dont les flatuosités déchirent les vêpres, nous sommes:

YORICK ET PIERRICK TROUBADOURS DE GRANDEUR NATURE MÉDIÉVAL FANTASTIQUE! (vivas et moult youpi!)

En vérité, c’est un concours de circonstances bien étranges qui nous a menés à l’existence précaire de musiciens ambulants au Moyen Âge des trolls, orques et autres créatures en colère avec des objets coupants qui te ruinent prestement un après-midi de pique-nique. Je me souviens, c’est en l’an 1014, suite à une sinistre dépression doublée d’un mal de vivre chronique en trame de fond, qu’un groupe de compagnons firent germer en mon coeur (cet organe responsable de la pensée et des émotions comme tout le monde le sait) une idée. Laquelle? Celle de prendre quelques vacances au plus grand site de grandeur nature médiéval fantastique (en Amérique du Nord), le prestigieux Duché de Bicolline, histoire de faire le vide des angoisses du monde moderne à une époque où une personne sur trois meurt de s’être assise fesses nues au mauvais endroit.

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Terrifié par le combat à l’épée, et ne sachant véritablement faire autre chose que souligner les travers médiévaux à grand coup de phrases improbables telles « Dieu merci nous sommes au Moyen Âge où ils servent des pizza-ghettis à la taverne! », le métier de fou du roi me sembla tout indiqué.

Le philtre d’amour fut instantané! Ce furent les vacances de toutes les vacances, le décrochage de tous les décrochages, à un point tel que je ne pus faire autre chose qu’inviter mon meilleur ami (et gros nerd amateur de GN depuis les temps ancestraux de « Vampire the Masquerade ») l’année suivante : le tonitruant Pierrick le barde et son ukulele (cet instrument qui a bigtime été inventé à notre époque faut-il croire).

Le métier de fou du roi me sembla tout indiqué.

Ayant déjà quelques années d’expérience de scène derrière la cotte de mailles (certains diraient même humoristes underground depuis des lustres) l’idée d’unir nos talents respectifs (ainsi que nos sens de l’humour de joueurs de Donjons & Dragons des temps anciens) fut presque instantanément mise sur la grosse table moyenâgeuse pleine d’échardes qui donnent la gangrène. Pour autant que je me souvienne, le plan fut toujours bien simple et sans prétention : former un duo pour le plaisir et devenir (dans nos temps libres) les plus prestigieuses rock stars de l’âge des ténèbres et des chaudières de merdaille chaude. Yorick et Pierrick étaient nés (ce qui est quand même digne de mention compte tenu des statistiques aberrantes de mortalités pendant la grossesse relatives à notre époque)!

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C’est en 1015 que nous fîmes notre début fracassant sur les planches médiévales, avec à l’époque un arsenal réduit de trois ou quatre chansons seulement. Nous avions développé au cours de l’année un improbable amalgame de pièces musicales farfelues relatant toutes un peu les travers et désagréments d’une époque où les Goblins et la peste bubonique existent côte à côte avec la répression de l’église.

Naquirent ainsi de cet utérus purulent nos premiers « hits médiévaux » tels: «Blabla bla Moyen Âge», « La calembredaine du troll qui vomechie », « La balade des trépassés (Oh Hé) », ainsi que « La complainte du droit de cuissage » un plaidoyer incendiaire sur le droit acquis des seigneurs d’avoir des relations sexuelles avec les femmes de leurs serfs le jour de leur nuit de noces (je n’inventions point, iriez voir sur Wikipedia). Évidemment aucun d’entre nous n’avait les connaissances ni les instruments nécessaires à l’élaboration d’un son médiéval authentique, nous avons donc opté pour l’invention de notre propre style scandaleux incitant les gens à bouger les hanches en simulant l’acte sexuel et même les personnalités dures comme le roc à sortir de leur rôle, une sorte de… «Roc and Rôle» si vous me permettez l’expression. Les mouvements de hanches nous ont attiré beaucoup de problèmes avec l’inquisition… Mais je m’égare!

Faute d’avoir percé jusque là dans la vie, nous avions percé au temps des chevaliers imaginaires…

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La critique fut dithyrambique! Dès les premiers jours le tout Moyen Âge fut conquis, et sans respit nous fûmes prestement repérés par les hautes instances de l’administration du duché qui s’empressèrent de nous ajouter à l’équipe en tant que divertissement ambulant et (qui l’eut cru) hauts dignitaires de la culture et des arts sur le site… Des espèces de « mascottes » si vous me permettez une fois de plus le néologisme. Faute d’avoir percé jusque là dans la vie, nous avions percé au temps des chevaliers imaginaires… Et ainsi fut le début de notre bien improbable carrière.

La vie de ménestrel de grandeur nature médiéval fantastique en est une de petits plaisirs du quotidien tournoyants à même beaucoup de travail acharné à l’image du poison dans la coupe d’un Romain… Ce n’est pas une excellente analogie, mais vous voyez où je veux en venir. Chaque jour de la semaine nous mène à un campement différent, festoyer avec de vieux et nouveaux amis, chanter quelques nouveautés écrites dans l’année, quelques vieux hits aussi et le tout nous est bien souvent rendu en choppes bien pleines et en bonne compagnie… Nous sommes au Moyen Âge, le plus grand des trésors n’est-il pas un peu d’hydromel et de gros seins corsetés. « Bonne compagnie » dans le sens de « rencontrer des gens intéressants », des femmes ne nous sont pas littéralement offertes en paiement, n’ayez pas une mauvaise idée de ce que nous faisons, je vous en prie. D’ailleurs, pas que je sois pour le port du corset et la soumission des femmes à la douleur à des fins esthétiques, mais fouillez-moi c’est le genre de Moyen Âge où c’est un statement féministe et empowering de sexualité libérée (go médiéval féminisme!). À bien y penser nous vivons à une époque médiévale très BDSM… Mais je m’égare!

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Bref, les années passent et nous sommes toujours un peu surpris des contrats improbables qui nous tombent dessus. Eh oui, il n’y a pas que les sonnets et les aubades, Yorick et Pierrick sont, la plupart du temps appelés pour éteindre toutes sortes de feu relatifs à la gestion de vie culturelle médiévale. Jusqu’à maintenant nous avons été notamment maîtres de piste pour une troupe de cirque, nous avons animé des spectacles de cracheurs de feu, des combats de gladiateurs, nous avons été les hôtes d’un gala de lutte, une soirée dragqueen et un pyjama parté… Ventre-saint-gris, ces choses que l’on appelle DES GUIMAUVES sont un esti de flash si vous voulez mon avis.

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Nous avons également nos projets bébés, étant désormais à la barre d’un spectacle de stand-up « le Comédiéval Club », où depuis 1016 nous faisons venir d’un coin et de l’autre des landes les meilleures humoristes du Moyen Âge pour des numéros 100% immersion. Pas de jokes de skidoo c’est moi qui vous le dit! D’ailleurs qu’est-ce qu’un skidoo? Je ne sais pas et ça me fait très peur…

Bref, voilà l’étendue de notre aventure jusqu’à maintenant. Les années se succèdent et ne se ressemblent pas, alors que notre rôle au sein (corseté ou non) de cette microsociété prend chaque fois une forme un peu plus surprenante. Qui sait ce qui attend Yorick et Pierrick dans leurs prochaines aventures… En fait je sais exactement où nous mènent nos prochaines aventures, l’objectif serait d’enregistrer un (médiéval) album pour l’an prochain. Voilà Pierrick! Maintenant que tout ça a été publié dans un magazine de musique, nous sommes obligés de le faire!

Tudieu! Ne nous reste plus qu’à apprendre comment fonctionne iTunes…

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