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Y’a des dudes qui jouent à Donjons et Dragons

le vendredi dans un Tim Hortons à côté de chez nous

Par
Simon Delisle
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Comment je sais ça? Et bien voyez-vous j’ai une blonde enceinte à la maison (c’est sa maison aussi à la fille en question, elle n’est pas là contre son gré) et il n’est pas rare qu’en fin de soirée après un show je reçoive des SMS du genre :

“Ce serait bon un bagel.”

“En fait je veux vraiment un bagel.”

“Amène-moi un bagel cream cheese sinon je fais brûler tes testicules pendant la nuit.”

Je me retrouve donc souvent chez notre ami le-joueur-de-hockey-ontarien-qui-n’est-pas-reconnu-pour-son-slap-shot-mais-bien-pour-sa-crème-Boston, Tim Hortons.

Temple du beige, acropole du café fade et seul endroit au monde où le pain est considéré comme un bon choix de bol.

Et c’est dans cette arène du diabète juvénile que j’ai été témoin d’une des choses les plus belles et les plus tristes en même temps.

Car depuis quelques semaines, ce Tim Hortons est occupé par une gang. Pas une gang de rue ou une gang de motards criminalisés, ou une gang bang (oui oui j’ai dit ça!).

Non, une gang de geeks.

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Tous les vendredis, la meute se regroupe. Un mélange de jeunes ados, d’adultes et/ou d’enfants (ouais pour certains c’est pas clair) à la moustache molle, coupe de cheveux farfelue et t-shirt de Call of Duty. Même le mot cliché trouverait que c’est over.

Ils collent quelques tables ensemble, garnissent le tout d’un tapis rouge-pourpre (probablement la couleur officielle de leur guilde “Les dragons de Chambly”). Ils sortent alors des accessoires de toutes sortes (je pourrais en faire l’énumération, mais tous les lecteurs sexuellement actifs ne comprendraient probablement rien).

Et ils jouent à Donjons et Dragons, cartes Magic, Pokemon, Naruto… En fait, je ne sais pas trop, ça n’a jamais été ma tasse de thé ce genre de jeu (je devrais dire ma tasse de latte, j’aime pas vraiment le thé).

Par contre, je reconnais très bien ce type de personne, parce qu’il n’y a pas si longtemps j’en faisais partie.

Les rejets.

Ceux qui vivent en marge des modes d’une génération. Bien loin de leur Snapchat, Instagram et “Entk full genre tsé comme” qui caractérisent leurs semblables, les rejets inventent eux-mêmes les paramètres de leur réalité.

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Ils sont tantôt des paladins, tantôt des voleurs, tantôt des nains (no offence aux nains, mais c’est souvent un des types de personnages possibles dans le monde de jeu de Donjons et Dragons). Dans cet univers, personne ne les ostracise. Il n’y a aucun wedgie, aucun doigt mouillé dans l’oreille et aucun “HEILLE SAMUEL, TU PUES LES POUBELLES!” (Ouais, y’a pas beaucoup d’ados fans de Baudelaire).

Le soir, chez Tim Hortons, ils sont à l’abri de la vraie vie. Bien emmitouflés dans leur fiction, ils peuvent passer des heures à brasser leurs cartes, lancer leurs dés et croiser les doigts pour ne pas tomber dans la fausse du Santor.

Mais un jour ou l’autre, ils feront face à la vie. Cette salope de vie qui ne te donne aucun dé, aucune carte Black Lotus et surtout pas de point de Mana. Un monde sans pouvoir magique ni dons surnaturels. Et alors là, la chute sera longue et sans filet.

Peut-être que pendant leur vertigineuse chute vers le réel ils se demanderont pourquoi ils ont passé autant de temps à jouer. Toutes ces nuits à faire avancer le chevalier Farator dans les marais de Plastrak auront-elles été jouées en vain? Est-ce qu’un jour une princesse m’attendra dans mon royaume pour me donner mon élixir éternel au retour de ma quête? (Traduction : Est-ce qu’un jour je vais avoir une blonde qui va me donner une Coors Light après mon shift chez IGA?)

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La vérité c’est que peu importe le trajet que tu prends, la vie te fait toujours faire une chute vertigineuse. Tôt ou tard, que tu sois un sportif, un métaleux, un geek, un bolé, un rappeux ou un gothique, la réalité te rattrape, peu importe ton déguisement, tes points de puissance de feu ou tes habiletés au basket.

Un jour, tu auras changé pour le mieux, je te le souhaite.

Et tu ne seras plus celui qui vient jouer aux cartes Magic chez Tim Hortons, tu seras celui qui vient chercher un bagel pour sa princesse, qui porte en elle le prochain prince de ton royaume.

***Note de l’auteur : Mon texte a offusqué plusieurs d’entre vous. De nombreux messages de haine m’ont même été envoyés. Il faut juste comprendre une chose, je suis moi même un geek dans la vie. Je vais au Comiccon, je suis un gamer, je collectionne les BD et les films de superhéros, etc. Ce que je voulais démontrer dans le texte c’est qu’il existe encore un regard plein de jugements et de stéréotypes sur la communauté geek. C’est d’ailleurs aussi vrai pour d’autres gangs; les personnes qui vont au gym sans arrêt, celles qui s’habillent juste avec des gilets de Pantera, et autres.

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J’ai pris l’exemple des geeks parce que je le connais. Je suis allé voir des jeunes qui jouaient à Donjons et Dragons dans un McDo et ils m’ont dit qu’ils allaient là pour avoir la paix, pour arrêter de se faire écoeurer par des gens de l’école ou même leur propre famille. Et que leurs rencontres étaient le seul moment de la semaine où ils se sentaient vraiment bien. Je crois que personne ne devrait se sentir ainsi. Le jeu est une façon de décrocher et non de créer une autre réalité pour cacher le reste.

Peut-être ai-je été maladroit, peut-être ai-je blessé quelques personnes, mais ce n’était pas mon intention. Le message était destiné aux personnes qui ne trouvent le bonheur que dans une seule sphère de leur vie. Si tu joues et que tu as une vie heureuse, je ne peux être que content pour toi. Mais n’oublie pas que CERTAINS jouent pour oublier la douleur qui les entoure. C’est à eux que j’avais envie de dire que la vie arrange les choses et qu’il ne faut pas croire que tout est mauvais en dehors des séances de D&D.

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Aussi, j’ai pris un exemple personnel, celui d’avoir un enfant, parce que c’est ce qui m’arrive, mais cela pourrait être autant d’autres exemples qu’il y a de types d’individus. Ne me lisez pas, ne likez pas ma page si vous voulez, mais de grâce ne répandez pas la haine sous prétexte que je ne comprends pas, en particulier en vous attaquant à ma famille. Après tout, il ne s’agit que d’un billet d’humeur.

PS Si vous voulez débattre avec moi, me parler, connaître mes idées, je suis ouvert à le faire dans le respect et la courtoisie. Merci.