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Xavier Dolan à la ferme

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J’haïs ça faire ma gouine offensée. Mais comme ça fait au moins dix billets que j’ai pas parlé d’homosexualité, je peux le faire ici sans trop me faire traiter de chroniqueuse lesbienne. Ou peut-être pas.

Je ne sais pas pour vos réseaux sociaux à vous, mais jeudi dernier, à l’annonce du projet de Xavier Dolan de réaliser l’adaptation cinématographique de Tom à la ferme, les miens donnaient une couple de conseils paternalistes à notre petit génie du cinéma. C’était enrobé de commentaires mielleux, de «j’adore ses films», de «c’est beau l’homosexualité», mais en gros, ça se résumait à «il devrait arrêter de faire des films gais, le petit». «Il va se ghettoïser». «Moi j’aime ça, là, mais il risque de s’aliéner le grand public».

La gouine offensée en moi avait envie de répondre qu’on ne dirait jamais à un réalisateur hétéro de cesser de faire des films sur les relations hommes-femmes. C’est super cliché comme réaction, mais c’est vrai pareil. Dire à Xavier Dolan d’arrêter de faire des films gais, c’est comme de dire à Fabienne Larouche de cesser d’écrire des fictions sur la santé ou l’éducation. Sauf qu’à un moment donné, on choisit ses combats et on décide de ne pas se porter à la défense de 30 vies quand on lit «Fabienne devrait arrêter de faire des téléromans d’école».

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La gouine offensée en moi avait aussi envie de dire que les films de Xavier Dolan, ils sont gais pour ceux qui n’ont jamais entendu parler d’homosexualité de leur vie. Ils auraient été gais en 1993. Ils seraient gais s’ils ne parlaient pas d’autre chose que de gaité. Aujourd’hui, si vous trouvez que J’ai tué ma mère est un film gai, c’est parce que vous êtes tellement à l’aise avec l’homosexualité que le simple fait que le personnage principal soit gai vous empêche de réaliser qu’il s’agit d’un film sur l’adolescence, la quête identitaire et la relation mère fils. Remplacez François Arnaud par Bianca Gervais et vous avez exactement le même film. Sauf que si Xavier Dolan a casté François Arnaud au lieu de Bianca Gervais, c’est parce que nous ne sommes pas en 1993, justement. Et quand on est gai, on ne remplace pas un personnage gai par un personnage pas gai juste pour ne pas tourner un film gai. On tourne un film et ça s’arrête là.

La gouine offensée en moi avait envie de dire «Michel Tremblay».

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Surtout, la gouine offensée en moi avait envie de dire «vos gueules». S’exprimer sur ses préoccupations, c’est le rôle même de l’artiste. Et on n’a RIEN à dire là-dessus. En aucun cas, d’aucune façon, pas même si on a gagné la Palme d’or et encore moins si on ne l’a pas gagnée, on devrait recommander à quelque artiste que ce soit de se préoccuper plus ou moins d’un sujet. Le fait d’enrober ses commentaires de compliments n’y change rien.

En fait, même pas gouine, j’aurais dit «vos gueules». C’est tellement facile, de donner des conseils à Xavier Dolan, il est tout jeune. Comme si notre grande expérience de la vie, notre 10 ans, notre 20 ans de plus que lui, nous donnait tous les droits, et parmi eux, surtout, le droit de le prendre sous notre aile, le pauvre chéri. En lui montrant le droit chemin, comme si nous, nous y étions, dans le droit chemin. J’avais ça sur le cœur depuis jeudi. Décidément, j’ai accordé beaucoup trop d’importance à ceux qui s’expriment sur les réseaux sociaux.

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Hier, Fabienne Larouche recevait le Prix de lutte contre l’homophobie, de la Fondation Émergence. Pour souligner l’événement (je profite un max de la chronique lesbienne que je m’alloue aux six mois), j’ai cherché sur YouTube la scène de Virginie où le personnage d’Anne Dorval dit à celui de Joëlle Morin, «c’est décidé, je m’essaye lesbienne», mais comme YouTube n’existait pas dans ce temps-là, vous devrez vous fier à ma mémoire. Bravo Fabienne!

Suivez @JudithLussier sur Twitter.

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