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Xavier Cafeïne fait une scène

Par
Stéfane Campbell
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Xavier Cafeïne est un pirate. Voici la “grande” conclusion que j’ai tirée au sortir de ma soirée avec lui par une froide nuit d’octobre sur une terrasse de la rue St-Denis.

Une discussion qui suivait un rendez-vous avorté à l’Espace GO pour voir PEEPSHOW, de Marie Brassard, jouée sur scène par Monia Chokri. Ou plutôt entrevoir puisque nous avons quitté la salle après 30 minutes de spectacle.

Si le geste peut sembler vulgaire aux yeux de certains, pour ma part, je dois dire que, de un, j’adore l’homme et, secundo, ce type de comportement m’amuse au plus haut point.

Et il faut bien mal connaitre le Samouraï pour ne pas s’attendre à ce genre de comportements lorsqu’à ses côtés. Après tout, il y a bientôt vingt ans de cela – et ÇA, ça te ré-enligne un coup de vieux – l’homme s’accompagnait de ses Bodums et titrait son premier LP Mal Éduqué mon Amour. Vous n’aviez qu’à prendre des notes.

Et tenant compte que le but de l’exercice actuel est de passer une soirée avec un musicien en le sortant de sa zone de confort, mon plaisir en est décuplé et frôle ici le malsain.

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Mais revenons à notre guerrier : “Dès le premier tableau, j’ai vu que je n’étais pas à la bonne place.” Voilà qui donne le ton.

“Je sais pas exactement ça allait où […] Il y a quelque chose d’un peu premier degré dans la façon de regarder l’homme et ça, ça me gosse. Et surtout le ‘faux trash’ de toute l’affaire […] t’sais, à 20 ans, t’aspires à devenir quelque chose, à vivre des trucs et quand tu as des qualités le moindrement artistiques, tu as besoin de quelque chose pour te diriger, te conforter… Et quand je vois ça aujourd’hui je me dis ‘careful what you wish for, you might just get it’.”

“Souvent, les gens qui en parlent ne sont pas les gens qui le vivent, ceux qui le vivent n’en parlent juste pas. Donc, souvent, devant ce genre de théâtre là, j’abdique. Moi, ma vie est 100 fois plus excitante. Quand j’étais plus jeune, le fait d’aller voir ce genre de théâtre me définissait comme une personne bizarre, j’avais le prétexte de dire que j’allais au théâtre expérimental, je voyais des shows punks, je fumais du Drum, etc. Il y a un âge pour ça, et c’est parfait. Mais c’est fini.”

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Xavier était un abonné du Théâtre Expérimental d’Ottawa dans sa jeune vie d’adulte : “J’ai souhaité la vie d’artiste, pauvre, beatnik […] parce que c’est ce qui était vrai pour moi à l’époque. Le trip Tom Waits, Camus, les vieux punks de New York… Et ce qu’on faisait, c’est d’aller observer des fresques de ce que ces gens-là pouvaient être […] À 18-20 ans, j’ai été beaucoup au théâtre précisément pour ça. Et j’y allais à chaque nouveau spectacle. J’aimais l’idée d’y aller, j’aimais vivre le moment par le théâtre parce que je ne l’avais pas vécu. Mais à partir du moment où j’ai commencé à vivre pour vrai, où je suis parti vers Montréal.”

Difficile d’imaginer notre protagoniste vivre par procuration quand on le regarde aller aujourd’hui.

Il précise : “À ce moment-là, j’étais le modèle du petit garçon poli, je ne fumais pas, ne buvais pas, j’avais peur d’aller en montagne russe […] j’étais straight, féministe, je faisais du hardcore, et je buvais juste la bière que l’on fabriquait.”

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Jusqu’à ce qu’il frappe un nœud : “J’ai eu une expérience fuckée à l’âge de 17 ans, j’ai perdu un bébé très jeune. Mon enfant aurait 20 ans, j’ai eu un bébé mort-né. Et quand c’est arrivé, j’ai réalisé que la vie était beaucoup plus fragile qu’on pensait, et qu’elle n’était pas juste […], c’est là que j’ai compris que la nature est beaucoup plus forte que moi, que l’océan, le vent, et le froid peuvent nous tuer sans demander la permission.”

“J’étais un bon garçon, j’avais arrêté la musique à ce moment-là, je m’étais trouvé un emploi au salaire minimum, j’étais retourné à l’école. Et tout ça n’a rien donné.”

Récapitulons donc : Une tentative d’aller au théâtre qui échoue, une ‘ride’ en scooter pour se rendre à l’Esco – “La ride de scooter après la pièce était pas mal plus le fun. Et je te dirais que j’ai eu un rush quand on est sorti donc je ne peux pas dire que je n’ai pas aimé ça… j’ai aimé prendre la décision de me dire ‘fuck off’ j’ai pas besoin d’être ici moi […] Mais je ne peux pas dire que je n’ai pas vécu quelque chose.” – quelques bières, et une multitude de clopes à discuter du spectacle, puis de la vie en général, de ses origines, de ses intentions, de la philosophie qui le gouverne. Ou non. Puis toc : Un souvenir d’écueil revisité.

Sans contredit, le théâtre nous aura fait voyager ce soir.

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SEX, LOVE & ROCK ’N’ ROLL

“Donc au moment où je me suis libéré de ces enclaves punks là, que je suis allé vers quelque chose de plus artistique de façon globale, parce que je n’y croyais plus au trip de gang, j’ai un peu perdu intérêt au théâtre. […] Et ce soir, je me dis qu’il devait y avoir une gang de petites filles qui se disent ‘Ah mon Dieu, moi aussi, je suis spéciale’ et c’est tant mieux. Mais ce n’est pas pour moi […] PEEPSHOW, c’est un délire personnel de dire ‘Je suis spéciale… mais mon chum…’ Et la perception de l’homme, le méchant loup, c’est trop personnel pour que ça s’adresse à moi. Je ne me reconnais pas du tout là-dedans.”

Soudainement, le geste de se lever et quitter abruptement n’est peut-être pas si innocent que les airs qu’il arborait : “Il y a quelque chose de très stagnant pour moi là-dedans, je dis peut-être des conneries, mais personnellement, c’est un art vraiment emprisonnant. Pour moi, c’est une prise d’otage le théâtre. Particulièrement quand je sens que la pièce ne s’adresse pas nécessairement à moi.”

Et personne n’enclave un pirate, va sans dire.

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“En même temps, y’a des gens que je connais qui ne vont jamais à des shows punks. Et moi, ça fait partie de ma vie. J’ai besoin de bouger, de brasser, pis j’aime ça quand le bordel pogne en avant, qu’il y a une conversation physique avec une foule.”

Xavier Cafeïne est de cette trempe rare de gens dont les mots semblent défiler au rythme de sa pensée, sans filtre pour ‘nuancer’ la donne. Et c’est tout en son honneur. Lorsqu’il plonge son regard dans le vôtre, qu’il prend une bouffée de cigarette et qu’il vous lance : “C’est quelque chose de réel, c’est une danse, c’est de l’amour fort, et brut.” C’est quelque chose comme une tragédie qui vous traverse l’échine.

Qu’on le dise pirate, guerrier, samouraï ou dandy, Xavier plante un décor comme peu y arrivent.

Et ça, ça ne s’évoque pas, ça se vit.