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Je ne sais pas si c’est la génétique de nos ancêtres colonisés qui restaient enfermés tout l’hiver dans un rang de campagne pas déneigé qui nous amène à virer fous quand le printemps se pointe le nez, mais depuis quelques années, j’observe que la saison des bourgeons vient avec une envie, bien alimentée par les commerçants, de transformer sa cour arrière en deuxième maison à ciel ouvert.
Quand sommes-nous passés d’une “table à pique-nique avec deux-trois balançoires gossées par le talentueux de la famille” à, “j’veux que ma cour arrière ait l’air d’un palais princier”?
L’an dernier j’ai acheté une petite piscine hors terre. À travers les spaghettis en styromousse, le chlore et les ballons de plage, j’ai vu des meubles d’extérieur qui coûtent plus cher que le salon d’intérieur de Gregory Charles. Deux, trois, cinq mille dollars pour des ensembles qui vont se faire chier dessus par des oiseaux.
À ça on nous propose d’ajouter un bar extérieur, l’éclairage, les chaufferettes sur pied, la décoration… Une pergola avec ça? Ça prendrait une table pour 10 personnes pour nos BBQ, on aime ça recevoir! Et une p’tite table pour deux aussi ça serait pratique pour notre café le matin. As-tu de la vaisselle en plastique aux couleurs estivales avec des napperons assortis?
Bien sûr, faudrait surtout pas sortir notre vaisselle d’intérieur à l’extérieur, elle va exploser.
As-tu des torchères à la citronnelle? Une chute éclairée dans ta piscine? Des paravents pour ne pas voir les voisins? Des coussins en mousse de cumulus? Le carillon qui sonne ben quand le vent souffle? …Une marge de crédit avec une grosse limite?
C’était quoi le problème avec les chaises de camping carrelées de ma grand-mère? Bon à part le fait qu’en m’assoyant en costume de bain j’avais des beignets de gras qui sortaient par chaque carreau, mais on mettait une serviette pis on en parlait plus.
Depuis que j’ai fait l’achat d’une maison, je me fascine pour tous ces nouveaux besoins qu’on tente de m’enfoncer dans la gorge à grands coups de “Vous le méritez, c’est votre confort” et “Vous aimez vos enfants, offrez-leur ce qu’il y a de mieux”. Des beaux slogans lancés sur des images de parents bronzés épanouis qui regardent leur progéniture se prélasser dans le dernier modèle de piscine au sel. Si je me fie à leurs sourires, un divan rouge en plastique pis du sel, ça torche en ta!
J’en conviens : tous les goûts sont dans la nature; certains préfèrent investir pour des vacances en famille à la maison au lieu de voyager avec la marmaille OU ils ont tout simplement l’argent pour faire les deux, mais j’en pense pas moins que le besoin du luxe extérieur a surement été inventé par un zélé. Dites-moi qu’y’a quelqu’un quelque part qui était tanné de décorer pour la 8e fois son salon pis qui se cherchait une autre pièce quitte à ce qu’elle n’ait pas de plafond?
Dans l’fond, les commerçants pis moi on a peut-être juste pas la même définition de ce qu’on mérite.
Je crois que des enfants, ça mérite de jouer dehors sur du gazon avec des bébelles dont je vais me foutre qu’ils tachent ou non. C’est de manger des sandwichs assis dans l’herbe entre deux slides sur une banane en plastique, c’est de faire un fort pour jouer à la guerre en basculant la table qui leur servira de bouclier et de pouvoir enfin lancer des couteaux sur… OK je m’emporte.
Ce que je veux dire, c’est que lorsque je passe devant ce que je qualifie de “faux besoins”, j’essaie avec ardeur de me rappeler que mon futur enfant et moi, on ne mérite pas du beau, de l’impressionnant, du sultan; on mérite de s’amuser sans que je perde patience dans mon corps imbibé de stress parce que je dois payer mon salon d’extérieur pendant 5 ans à 19 % d’intérêt.
Love xx
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Pour lire un autre texte de Mélanie Couture : “Genoux mous et bad boys”