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Weekend de rattrapage : « The Autopsy of Jane Doe »

Un petit bijou oublié du cinéma d'horreur qui va jouer avec votre tête.

Par
Benoît Lelièvre
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Pour le commun des mortels, l’horreur est un plaisir automnal. Un rituel de préparation à l’Halloween qui s’étend sur le mois d’octobre. Chaque 1er novembre, la quiétude revient et les monstres retournent docilement à leur néant primordial jusqu’à l’année suivante. Un peu comme les tricots et le latté à la citrouille de chez Starbucks.

Pendant les onze autres mois de l’année, la plupart des gens considèrent les films d’horreur comme l’imposition d’un stress non nécessaire dans leur vie. C’est malheureux, parce qu’il y a plein d’excellents films d’épouvante qui sortent toute l’année et qui disparaissent sous l’avalanche ininterrompue de contenu web. Tout ça parce que vous réservez seulement votre mois d’octobre pour regarder le nouveau Conjuring et toutes ses déclinaisons, comme mettons Annabelle la poupée maléfique. Y’a pas de mal à ça, hein? C’est bon, la série Conjuring, et je l’ai écoutée plus d’une fois moi aussi, mais y’a de meilleurs films qui sortent et que (presque) personne ne regarde.

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Des films comme The Autopsy of Jane Doe. Un petit trésor indépendant du réalisateur Norvégien André Øvredal qui a allumé le circuit des festivals l’année de sa parution en 2016. Le film est largement tombé dans l’oubli depuis, en raison de son caractère extrême et du manque d’opportunités de diffusion qui en découle. C’est fini, ce temps-là. En fin de semaine, on écoute The Autopsy of Jane Doe et on se fait peur.

Celle qui fait peur au monde

The Autopsy of Jane Doe raconte l’histoire d’une découverte macabre sur les lieux d’un multiple homicide en apparence inexplicable. Alors qu’un couple de personnes âgées et un travailleur semblent s’être entretués à l’étage, la police tombe sur le corps à moitié déterré d’une jeune inconnue au sous-sol. Malgré le fait que le corps soit en partie sous terre, il n’est ni sale, ni décomposé.

Craignant de ne pas avoir d’explications à fournir à la presse, le shérif demande au vieux médecin légiste du comté (interprété par le légendaire Brian Cox) et à son fils (le disgracié d’Hollywood Emile Hirsch) de lui trouver une cause du décès avant la levée du soleil. Les deux découvrent de multiples blessures, des marques de torture et une série d’indices qui ne concordent avec aucun crime qui aurait du sens. Et c’est juste le début de leur soirée. Plus ils creusent, plus ça devient difficile de creuser.

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Ce qui est génial avec ce film, c’est qu’il comprend un principe crucial que partagent tous les films d’horreur mémorables : il n’y a rien de plus épeurant que les histoires qu’on se raconte à soi-même. C’est beaucoup plus terrifiant d’être tout.e seul.e dans le noir sans trop savoir ce qui nous attend que d’être pourchassé.e par des monstres sanguinaires. Quand on ne connaît pas la nature exacte d’une menace, on pense toujours au pire, et chaque personne possède des peurs particulières. The Autopsy of Jane Doe exploite ce drôle de travers de l’imagination humaine au coton.

Par exemple, au début du film, le vieux médecin légiste explique sa job à la blonde de son fils et introduit le principe de la clochette attachée au pied des morts. Il s’agissait à l’époque d’une manière de s’assurer que la personne était morte et non pas seulement dans le coma.

Les personnages deviennent en quelque sorte nos alter ego. […] Ils sont spectateurs impuissants d’un phénomène inexpliqué, comme nous.

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On oublie ce curieux détail jusqu’à ce qu’une clochette se mette à sonner dans la cave glauque et silencieuse de la maison que le vieux médecin légiste partage avec son fils. C’est un petit détail. Peut-être même une hallucination sonore des personnages. Un bruit tellement fin qu’il est facile de croire qu’on l’a imaginé, mais les implications du contraire sont tellement lourdes et terrifiantes qu’elles nous forcent à projeter nos pires peurs.

The Autopsy of Jane Doe joue pendant une bonne partie du film sur cette ambiguïté. Les personnages deviennent en quelque sorte nos alter ego. Sont-ils en train de vivre une situation surnaturelle? Sont-ils simplement en train de perdre la raison? Ils sont spectateurs impuissants d’un phénomène inexpliqué, comme nous.

L’art de manipuler le système nerveux

Bon, le film d’André Øvredal se fie beaucoup à ce qu’on appelle dans le métier les jump scares pour raconter son histoire. Un jump scare, c’est un peu comme lorsque votre petit frère (ou petit cousin) se cachait derrière une porte pour vous faire un saut lorsque vous étiez petit.e. Ça fait crier, mais c’est pas vraiment épeurant. On n’y pense plus une heure après la fin du film. C’est un processus mécanique avant d’être un processus artistique.

Sauf que…

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L’ambiguïté ontologique dans laquelle baigne The Autopsy of Jane Doe rend le rapport aux jump scares beaucoup plus complexe. Le scénario joue sur la notion même et crinque les effets sonores dans le tapis lorsqu’il se passe des choses louches, comme lorsqu’il se passe des choses anodines.

Cette mécanique nous plonge vite en état de paranoïa et on se met à questionner notre propre connaissance des conventions de films d’horreur. Oui, The Autopsy of Jane Doe manipule notre système nerveux à fond, mais c’est dans l’optique de raconter une histoire et non pour couvrir l’absence de suspense.

Au fond, c’est quand même facile de faire peur aux gens avec un film d’horreur : il faut viser tout ce qu’ils tiennent pour acquis.

Ce qui fait de ce film un petit chef-d’œuvre (et je n’utilise pas ce mot souvent) c’est qu’il raconte l’histoire de deux hommes qui voient leur maison et lieu de travail se transformer sous leurs yeux. Leur quotidien devient hostile. Leur travail prévisible devient dangereux. Les règles de la réalité même prennent le bord.

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À mon avis, il n’y a rien de plus terrifiant que ça. Au fond, c’est quand même facile de faire peur aux gens avec un film d’horreur : il faut viser tout ce qu’ils tiennent pour acquis.

The Autopsy of Jane Doe est disponible en location sur la boutique en ligne de Cineplex et aux abonné.e.s de Amazon Prime Vidéo qui ont l’option AMC+. Pourquoi attendre octobre pour vivre des sensations fortes? Ce petit bijou dort sur les tablettes virtuelles depuis trop longtemps déjà.