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Weekend de rattrapage : « Muscles & Mayhem : An Unauthorized American Gladiator Story »

La « réalité » à la tété avant la télé-réalité.

Par
Benoît Lelièvre
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La télé-réalité est officiellement née en 1992 avec la série The Real World. Elle se voulait à l’époque être une sorte de fiction pour jeunes adultes comme Beverly Hills 90210 et Melrose Place, mais sans script ni filet, et avec du vrai monde qui n’avait pas d’autre job à l’écran que celle d’être « du vrai monde » dans les circonstances les plus artificielles imaginables.

C’était un changement de paradigme dans notre manière de regarder la télé, mais aussi dans notre rapport à la célébrité. Plus besoin de faire quelque chose d’incroyable pour passer devant les caméras; suffit d’une forte personnalité et d’un haut seuil de tolérance face au jugement populaire.

Ceci dit, monsieur et madame Tout-le-Monde ont eu leur place au petit écran bien avant l’avènement de la télé-réalité et pas toujours à cause de leurs talents extraordinaires

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On n’a qu’à penser à l’émission Double Défi ici où Gilles Payer et Gino Chouinard ensevelissaient vos enfants de matières comestibles ou encore à la mémorable American Gladiators où des armoires à glace étaient payées pour s’habiller en lycra et vous casser la gueule.

C’est drôle qu’une émission aussi barbare ait été habillée avec des couleurs si vives et soit devenue le divertissement par excellence du début des années 90. La série documentaire Netflix Muscles & Mayhem : An Unauthorized American Gladiator Story aborde justement ce drôle de chapitre dans l’histoire du « vrai monde » et de la télé avec un niveau d’incrédulité approprié au vu de notre capacité collective à être diverti par à peu près n’importe quoi.

Du lycra et des jeux

Pour les plus jeunes et pour ceux et celles qui n’avaient pas l’câble dans le temps où c’était moyennement acceptable de ne pas l’avoir, American Gladiators était une émission hebdomadaire où des gens comme vous et moi affrontaient des colosses sur les stéroïdes dans une série d’épreuves physiques plus faciles à gagner quand on est aussi un colosse sur les stéroïdes.

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Des épreuves comme le football-lutte (très américain) et la joute (très gréco-romain) était, et je ne vous niaise pas, l’idée d’un imitateur d’Elvis nommé Johnny Ferraro.

C’était les années 1980, l’époque où ça commençait à être cool d’utiliser le mot « american » comme préfixe pour n’importe quoi : American Warrior, American Ninja, American Gigolo, An American Werewolf in London et, dans le cas présent, American Gladiators.

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Comme l’explique bien Muscles & Mayhem, il n’y avait pas de plan. Pas de concept. La seule chose que Johnny Ferraro a vendue à Samuel Goldwyn Jr., c’est un titre. Un lien ténu entre la force du peuple américain et l’idée du gladiateur féroce et violent de la Rome antique. Tout le reste a été inventé sur le fly par le président de la division télé de la Samuel Goldwyn Company Dick Askin et son coordinateur, Branscombe Richmond.

Si le nom de ce dernier vous dit quelque chose, c’est parce qu’il a joué dans Mortal Kombat, The Scorpion King et l’immortelle série télé Renegade avec le plus immortel encore Lorenzo Lamas. Oui! Oui! Cette légende est aussi le concepteur des épreuves d’American Gladiator.

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Qui était assez fou pour participer à American Gladiator, me demanderez-vous? C’est là que ça devient intéressant et que Muscles & Mayhem s’arrime avec le présent : un peu tout le monde qui se présentait là-bas dans l’espoir de défaire l’armée de Goliath multicolore devant la nation entière. Les participants s’identifiaient aussi augladiateur insinué par le titre de la série, même si la plupart d’entre eux n’avaient aucune formation ou talent précis pour les épreuves physiques.

Bien sûr qu’il y a de l’argent à gagner au bout de la ligne, mais l’appel des caméras va au-delà de l’appât du gain. Le besoin de se mettre en valeur et de mettre ses limites à l’épreuve date d’avant The Real World et American Gladiator – même si ça demeure l’une des itérations les plus étranges.

Elden Kidd, Wendy Brown et les conquérants de l’Olympe

Un détail savoureux de Muscles & Mayhem est la rencontre avec Elden Kidd, Wendy Brown, Peggy Odita-Hodel et les autres participants d’American Gladiator qui ont été plus que de la simple chair à canon pour les autres personnages récurrents de la compétition.

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Kidd fait particulièrement sourire parce qu’à l’époque, il était déjà beaucoup plus vieux que les gladiateurs et pas nécessairement un athlète de pointe. La recette de son succès? Essayer de briser le plus de règles possibles et de la façon la plus spectaculaire possible afin de faire de la bonne télé, même si ça impliquait de faire saigner ses adversaires.

Regarder le natif d’Oklahoma faire fi des règlements de la compétition et refaire le portrait à des athlètes plus jeunes et vigoureux que lui fait réaliser que le charme d’une émission comme American Gladiators émerge justement là. La vraie confrontation David vs Goliath, c’était celle entre les participants et le réseau qui les recrutaient sur la base de leur apparence physique régulière afin d’épargner le physique des gladiateurs, mais accentuer aussi le sentiment d’injustice face à la compétition.

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Même histoire dans le cas de Peggy Odita-Hodel et Wendy Brown, deux athlètes olympiques au physique élancé qui ont vertement rincé la compétition lors de leur passage. Regardez Brown ici foutre une raclée à Zap, lors de l’épreuve de la joute :

Non seulement Muscles & Mayhem jette un regard inédit sur l’un des concepts les plus éclatés de l’histoire des compétitions télévisuelles, mais la série met aussi en lumière la raison pour laquelle on est si obsédé par ce besoin de réalité à la télé. On a besoin de héros. Une compétition aussi injustement mise en scène comme American Gladiators ne fait que du sens si, ne serait-ce qu’une fois, quelqu’un s’élève pour en triompher.

Les cinq épisodes de Muscles & Mayhem sont disponibles sur Netflix et vous pourriez faire pire que regarder ça en fin de semaine!

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