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Ça ne serait jamais arrivé si j’avais pas téléchargé l’application de Radio-Canada. Pas Tou.tv, l’application qui ICI Télé pour Roku qui stream en direct. Honnêtement, je sais même pas pourquoi j’ai fait ça. Je crois que je m’ennuyais d’ouvrir la télé et de me faire suggérer quelque chose sans même que j’aie à choisir et peser sur PLAY. C’est comme ça que je suis tombé sur la série de Marie-Hélène Lapierre et Justine Philie Les Petits Rois.
En toute transparence, j’ai trouvé ça un peu ordinaire au départ. Comme une sorte d’Euphoria local, sans le style et la sensibilité de la génération Z, si confrontante. Une intrigue séduisante, mais un peu facile; une distribution trop large pour apprendre à connaître les personnages en profondeur et à s’y attacher. Certaines de ces critiques tiennent encore aujourd’hui, mais quelque chose a fait en sorte que j’ai poursuivi à l’épisode suivant. Avant même de savoir qu’est-ce qui venait de me frapper, je n’étais plus capable d’arrêter d’y penser. J’étais hors de la ville pendant la diffusion de la finale le 27 mai dernier et je l’ai regardé sur mon téléphone parce que je n’étais pas capable d’attendre.
Les Petits Rois m’ont laissé dans un brouillard enivrant, incapable d’expliquer pourquoi j’ai bravé vents et marées chaque vendredi à 21h pour suivre leurs aventures. Après m’être cassé la tête pendant plusieurs semaines pour trouver un moyen de vous en parler de façon cohérente et vous inciter à l’écouter (si ce n’est pas déjà fait, après tout, on est en mode rattrapage), j’y suis finalement arrivé.
Les cool kids d’aujourd’hui (sont plus cool que les cool kids d’avant)
Les petits rois en question, ce sont une bande d’amis beaux, intéressants et pleins de potentiel qui font un peu la loi dans leur école secondaire. Ils vivent leurs meilleures vies d’ados remplies de drame, trahisons et autres variables juvéniles auxquelles on réagit juste quand on les vit la première fois, jusqu’au jour où quelqu’un se met à les menacer anonymement. Les envolées tragédiennes de l’adolescence laissent alors place à une angoisse beaucoup plus sourde et profonde.
C’est peut-être moi qui suis un peu déconnecté de mon adolescent intérieur, mais j’ai trouvé toutes ces jeunes personnes magnétiques et attachantes. Julep (Pier-Gabriel Lajoie), Adaboy (l’excellent Alex Godbout), Basta (Chanel Mings) et autres personnages qui auraient pu être baptisés par la psychologue Jocelyne de Radio-Enfer, ne m’ont jamais vraiment parus cruels, suffisants ou manipulateurs. Du moins, pas plus que n’importe quels ados. Au contraire, ils m’ont paru intéressants et le personnage mystère censé les tenir en respect m’est apparu comme insensible aux nuances grandiloquentes de la vie d’adolescent bien vécue. Même le hockeyeur égoïste et arrogant Julep m’est (au départ) apparu sympathique parce que tout le monde a l’air de se foutre de sa carrière à part lui.
Ce qui rend Les Petits Rois plus inconfortable qu’elle ne devrait l’être, c’est que la série tourne autour d’un mystère dont elle n’a pas besoin. Les personnages sont assez forts pour vivre sans.
Ce qui rend Les Petits Rois plus inconfortable qu’elle ne devrait l’être, c’est que la série tourne autour d’un mystère dont elle n’a pas besoin. Les personnages sont assez forts pour vivre sans. S’ils étaient passés à travers une tragédie quelconque (une fusillade, un incendie, le suicide d’un camarade de classe, etc.) au lieu d’être liés par un mystère qui n’en était exactement un, Les Petits Rois n’aurait été que plus forte. J’ai pris un malin plaisir révisionniste à côtoyer ces personnages qui sont des visions hautement idéalisées de l’ado que j’étais.
D’un côté c’est un peu frustrant. De l’autre, il y a un charme indéniable à regarder une série qui ne semble pas comprendre pourquoi elle est excellente. Un peu comme il y a un charme indéniable à parler avec une personne qui ne comprend pas qu’elle est charismatique et captivante.
Adaboy, Basta et l’ombre d’Euphoria
Les Petits Rois m’a vraiment conquis à travers la romance entre Adaboy et Basta. C’est à travers ces deux-là que la série s’est mise à voler de ses propres ailes et s’est affranchie de l’ombre de la série sur la gen Z de l’heure. Le jeune designer de mode excentrique et l’influenceuse beauté sont présentés comme des stéréotypes superficiels, mais révèlent leurs nuances et leurs profondeurs respectives au fil des épisodes.
Les incroyables interprétations d’Alex Godbout et de Chanel Mings ont contribué à établir la crédibilité des personnages. Godbout possède une capacité inouïe à faire vibrer d’émotion chaque petit moment alors que Mings possède un jeu tout en délicatesse et en subtilités qui lui a permis de donner du souffle et de la vulnérabilité à des lignes de dialogues parfois un peu rigides. Retenez bien ces deux noms.
Godbout possède une capacité inouïe à faire vibrer d’émotion chaque petit moment alors que Mings possède un jeu tout en délicatesse et en subtilités.
Si Adaboy et Basta (ou Adam et Tatyana, si vous ne trouvez pas que le monde est yo) sont aussi magnétiques et fascinants, c’est parce qu’ils déconstruisent notre rapport à l’image corporelle. Ils ont des qualités allégoriques et d’autres ultra-réalistes. Ils sont beaux, ils prennent soin d’eux et le regard des autres compte pour eux. Un peu trop même, mais les deux mettent énormément d’âme dans leurs quêtes professionnelles. Leur beauté externe est en partie le reflet de leurs insécurités, mais aussi de leur passion, motivation et de leurs rêves. Les deux personnages sont le miroir complexe et engageant d’une génération anxieuse, hyperconnectée et en constante quête identitaire.
Bref, c’est difficile de ne pas les aimer.
J’ai d’emblée été sévère avec Les Petits Rois, mais ne vous méprenez pas : les charmes discrets des personnages de Marie-Hélène Lapierre et Justine Philie m’ont conquis malgré un tantinet de mauvaise foi de ma part et j’ai l’impression que leur plume n’a même pas pu s’exprimer à la hauteur de leur talent. C’est dire. Il serait aussi malhonnête de ne pas mentionner qu’une partie des problèmes que j’ai relevés semblent liés à des impératifs de production : temps restreint, demandes de productions ou du diffuseur, etc. Je ne suis pas dans le secret des Dieux, mais c’est ce que ça laisse comme impression.
Verdict : Écoutez Les Petits Rois en fin de semaine. C’est six épisodes, ça se « clanche » bien en une soirée et ça vous permettra de dire que vous étiez fans de Marie-Hélène Lapierre, Justine Philie, Alex Godbout et Chanel Mings avant qu’ils ne deviennent des stars.