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Il est de ces incorrigibles cuistots qui ne peuvent s’empêcher de te murmurer à l’oreille que leur mayonnaise, ils l’ont montée avec de l’eau de Pâques. Maison. Chez eux. À’ main.
Avant de me pousser le crayon davantage, il est important de spécifier que je ne suis pas en colère. Nulle haine, nulle amertume. Peut-être un LÉGER filet d’impatience, imperceptible tic à la paupière gauche, mais je constate simplement ne pas être entourée de gens qui s’alimentent.
Qui s’alimentent, point.
Je m’explique.
Loin de moi l’idée de domper sur la parade, mais je crois sans prétention faire partie intégrante du premier tableau du Roi Lion, parmi toutes les créatures de cette belle Terre qui mangent, dorment et se traînent parfois le derrière dans la grenaille entre deux hyènes.
Ça va certainement en décevoir certains, mais tout le monde mange (j’ai fait mes sciences pures).
De très spécifiques saltimbanques ne se contentent cependant pas de se célébrer en déposant une petite branchaille de persil sur leur quiche lorraine par soir de Banco.
Eux, ILS CUISINENT MAISON.
Oh que c’est fait à la main, mon ami, et qu’il est pas question qu’il se passe un respire de plus sans que tu sois mis au courant, petite trace de farine dans le visage à l’appui.
Et attention; il ne s’agit plus ici de simplement publier, entre deux lampées de kir, cet élégant cliché de soucisses en biseau que t’as passé la nuit à bichonner et dont le grésillement transcende le filtre. Pour se voir coiffé de la très convoitée capeline de petit vlimeux de foodie, il est désormais impératif de qualifier tout, mais souverainement TOUT ce qui sort de ton frigidaire et qui sera sacré dans une assiette de «maison».
MAISON. L’épithète qui déchire. Qui fait mousser la moussette.
“Voyez comme j’ai réussi ce smootie maison avec une petite napkine qui fait le tour du bucket. Moi aussi. MOI AUSSI #maison”
« Ça va-ti être assez sauté, talleure, quand toute ma petite famille se réunira autour de ma table en teck pour me suçoter le granola MAISON #toute collé dans le pyrex #homemade »
« La marmaille rentre de natation, en route vers le patin de fantaisie, mais je prends un instant pour les photographier dans le char après manger leur SANDWICH MAISON #sauté sul crinque »
Cette dernière phrase, je l’ai lue, hier.
Des sandwiches maison. On est rendus là.
Si préoccupé à me faire feeler cheap de ne pas juxtaposer assez de qualificatifs immobiliers à mes patates en robe de chambre que tes yeux s’injectent de sang à la seule perspective que l’idée m’effleure que ton sanouiche au baloney, c’est PAS TOÉ QUI L’A FAITE.
T’as pas mis de moutarde, parce que t’as pas eu le temps de la faire macérer dans la lavande entre tes batchs de babeurre. Mais c’est personne d’autre que toi qui a inséré ce disque de protéines entre tes miches pis ça, personne va te l’enlever. You did it. Again. You’re amazing.
J’attends fébrilement le post de toasts maison™.
Vous savez, avec du pain de campagne, un faisceau de lumière, un recueil de poèmes et une flaque de pisse, territoire judicieusement marqué sur le grain entier.
MA RÔTIE, MON SUCCÈS, MON URÉE.
La bise.