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Voir un professeur brosser…

Parce que le plus beau métier du monde semble l’être de moins en moins...

Par
André Péloquin
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Dans une autre vie, j’ai déjà été pédagogue. C’était (presque) l’enfer…

Se lever tôt et, surtout, frais et dispo. Porter un pantalon propre. Être poli et allumé dès 8 h du mat’ pour des petits bonhommes soit trop amorphes, soit trop excités, devoir se raser, se faire ronger par le syndrome de l’imposteur et faire face aux parents. Les mautadits parents…

Non mais, pauvres enseignants quand même!

Bien que la lueur dans le regard d’un élève qui comprend ce qu’on lui explique est particulièrement émouvante (et, avouons-le, les profs comptent aussi un nombre incalculable d’histoires drôles, désarmantes ou encore terrifiantes à raconter lors de soupers arrosés), j’ai comme l’impression que les «X» dans les colonnes des points négatifs l’emportent sur les bons côtés de la vocation, tous niveaux confondus.

En février, La Presse révélait le constat d’une étude sur la motivation des classes mise en branle à la demande de la Fédération des établissements d’enseignement privés. Ainsi, malgré l’image très «collet monté» projetée par le privé, la stimulation des jeunes intégrés dans ce réseau se rapprocherait de celle du public. Bref, elle est déplorable.

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Non seulement 48 % des gamins de 1re secondaire se disent motivés (moins que la moitié, quand même!), ils ne sont plus que 42 % cinq ans plus tard. De plus, en comparant les données du test au premier du genre – complété – en 2001, on réalise que les jeunes d’aujourd’hui sont plus stressés, plus fatigués et, surtout, plus critiques envers leurs écoles.

Bien sûr, ces enfants sont à plaindre. Ils évoluent dans un système éternellement sous financé et qui peine à s’adapter aux nouvelles générations. Encore ce week-end, Le Soleil se penchait sur les résultats d’une enquête sur l’état des lieux de l’enseignement du français où on constate que la Langue de Molière est plus ou moins inculquée de la même manière qu’il y a un quart de siècle! Mais que dire des professeurs qui, eux, sont coincés entre un ministère souvent dépassé et des élèves de plus en plus blasés…

Pis les parents. Les satanés parents…

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À quelques jours de la Saint-Valentin, je me rappelle m’être mis particulièrement en rogne en lisant cet article du Devoir dressant le portrait de ce qu’on surnomme les parents monarques; des papas ou des mamans qui s’assurent que son leurs petits princes et leurs précieuse duchesses reçoivent la meilleure éducation possible en bombardant pédagogues et direction de courriels, de conseils, de plaintes.

Aux États-Unis, on observe une nouvelle tendance : le «snow plowing». À l’image du pelletage de neige – d’où l’expression – ces pères et mères «manipulent» moult instances afin de retirer les obstacles se trouvant sur la voie de leurs rejetons, peu importe leur talent. Le gamin n’est pas assez fort pour se retrouver dans l’équipe de football? On couvrira l’entraîneur de tendres attentions – des cupcakes, pour citer l’exemple d’un reportage récent – jusqu’à ce qu’il se ravise.

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Et ça, c’est sans compter ces histoires d’horreur comme celle de Mary Kanavaros, une enseignante de l’école primaire Roslyn de Wesmount.

Après avoir constaté que le devoir d’un de ses élèves a, en fait, été fait par sa maman, celle-ci lui a fait reprendre le fameux travail. Réaction du couple? Une poursuite de 155 000 $ contre la prof, le directeur de l’établissement et la commission scolaire. Encore plus psychédélique : les parents ont été jusqu’à jurer qu’ils allaient «détruire» Madame Kanavaros lors d’une réunion en classe en plus de la salir dans les médias une fois l’affaire réglée.

Vraiment, quand je pense à tout ça, je me demande si l’expression «le plus beau métier du monde» n’a pas été lancée avec une pointe d’ironie à peine perceptible lorsqu’elle a été consacrée.

M’enfin, en attendant une énième réforme, des sous, voire de bons coups d’pied sur les rouages qui déconnent, j’ai envie de vous proposer une activité…

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Le 7 avril, c’est l’anniversaire de Saint Jean-Baptiste de La Salle, le saint patron des professeurs. Il y a un enseignant dans votre entourage? Un(e) pédagogue qui a la mine basse ou, mieux encore, que Fabienne Larouche engagerait tant il/elle est inspirant(e)? Remontez-lui le moral – ou montrez-lui que les petits miracles quotidiens qu’il/elle réalise en classe ne passent pas inaperçus – en le fêtant.

Le dimanche 7 avril 2013, c’est la première édition de la Journée nationale de la brosse des enseignants du Québec. On y offre des verres de bière bien froide et des accolades aussi chaleureuses que franches. Baume fugace, bien sûr, mais qui n’est vraiment pas de trop!

Professeurs du Québec, merci pour tout… et la prochaine est sur notre bras!