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Y’avait de la belle neige, hier soir. Des flocons qui floconnent, qui ont le temps de remonter avant de redescendre, un bruit de crou-croush sous les bottes.

J’ai fait keke chose d’un peu bizarre. J’ai pris une marche. Ça ne m’arrive pas si souvent. Mais là, je sais pas. Malgré le frette, mon bout de nez gelé, mon manteau pas de fermeture éclair, me suis dit que c’tait une bonne idée. C’tait pas celle du siècle, mais j’ai déjà fait pire.

Quand je marche, j’essaie d’être plus à l’écoute de ce qui se meut autour de moi que ce qui se passe dans ma tête. Le projet chie, à chaque fois. Je finis tout le temps par me dialoguer ça avec une musique de fond en prime. Je peux aussi hocher de la tête. Je me suis même déjà auto-jouée de la musique d’ascenseur. J’ai un petit côté sadique. Ou innocent. C’est selon.

Pendant cette marche, ce qui défilait dans mon esprit, ce sont les douze derniers mois. Je suis du type qui fait le bilan de sa vie un peu trop souvent alors, nécessairement, quand la période de l’année s’y prête, c’est certain que je ne passe pas à côté de l’occasion.

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À pareille date, l’an dernier, je pesais 84 livres. Quand je prenais mes deux p’tits dans mes bras avec un ou deux sacs d’épicerie, ça pesait presque plus que moé. Je les montais jusqu’au troisième pis ça me prenait une quinzaine de minutes pour que les jambes cessent de me shaker. Je ne pouvais pas leur dire de les monter tuseul, les marches. J’avais besoin de leur poids pour pas m’envoler. Je n’avais pas d’emploi, le ark me tombait dessus à grandes pelletées. J’en étais venue à croire que “ça peut toujours être pire”, il peut ne pas y avoir de limite au terrible. Et grâce à la résilience de marde, dans ce genre de moment, tu survis, tu passes au travers, mais ça te dit pas tant que ça, sur le coup. Tu comprends pas pourquoi “ça” arrête pas, tuseul. Pour kossé don’ que ton corps ne fait pas juste « pouf! » ou un tas sul plancher. Non, ça fait pas ça. À la place, tu comptes tes cennes pour acheter du manger aux p’tits, tu penses juste à comment tu vas faire demain pour te rendre à celui d’après. Le luxe de tes semaines, c’est de louer un film (un vieux, pas une nouveauté) à ta progéniture. Sinon, tu t’appliques à la faire rire, ladite progéniture, parce que ce son est le seul qui te fasse oublier ton état. Pis de toute manière, c’est juste ça qui te reste des p’tits. Pis des amis. Des fucking bons amis.

Pis des mots aussi. Esti que j’en ai écrit. Je ne savais pas ce que j’allais faire avec eux, mais, pour faire dans la métaphore poche, chaque imprimé a été une petite bouée.

Au fil des jours, dans cet espèce de vortex, ce besoin de trouver du doux. De savoir qu’il y a un espace-peluche à flaflatter keke part en-dedans. Pis quand presque plus rien ne t’atteint, c’est toute une job de trouver ça.

Pêle-mêle, voici ce qui a contribué au doux :

Lire et relire. Être portée et emportée par les univers des autres et consigner des bouts de ces univers dans des carnets. Y’a Testament de Vickie Gendreau que j’ai lu trois fois, cette année. Parce que y’a des phrases de même dans ce livre :
“Je pense tout le temps à des desserts, des champs de desserts. Ça, c’est positif et essentiel.”
“Tu m’épuises, et ma pulsion de vie, tu la fracasses. J’ai l’impression d’être un tas d’organes avec une mèche.”
Et pleins d’autres. C’est un livre que j’aurais pu recopier en entier dans mon Moleskine.

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Des tunes à écouter en boucle. Surtout dans le char. Parce qu’à force de les écouter en continu, tu peux les chanter ben fort. Crier, ça fait toujours du bien.

Boire des smoothies avec les p’tits, dans le même verre, avec une paille en faisant ben du bruit, à la fin.

Manger du melon d’eau à la cuillère.

M’éblouir du Fils qui s’éblouit de toute : la neige, le tonnerre, le soleil qui se lève encore, ses crottes de nez qui ressemblent à Yoda.

M’indigner. Au sens fort. Parce que c’est un signe de care. Parce que la colère devant ce qui semble inadmissible, ça te meut la pulsion de vie. Dans le spectre du doux, c’pas ce qui se rapproche le plus du lapin, je sais, mais ça me faisait du bien de constater que j’tais encore capable d’avoir des émotions empathiques. Pis de lever le poing.

Me garrocher dans des projets, avoir des idées. Même et surtout s’ils semblaient un peu trop gros. Certains ont fonctionné, d’autres pas. Mais ça m’a montré que je pouvais encore faire des affaires, m’inscrire dans le réel.

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Le plus gros du doux m’est tout de même venu des gens. De leur présence, leur écoute, nos rires, des câlins, de leur ingérence parfois dans comment je gérais [ou pas] ma vie, leur confiance. J’ai cette chance d’avoir des indéfectibles, des gens qui restent malgré tout. Des gens avec qui je peux être ridicule, terrible, déconfite. Ces amis, qu’ils soient en vrai ou au bout du point vert, je leur dois pas mal beaucoup du brillant actuel qui se dandine dans mes yeux.

Mais avec tout ça, je ne suis pas en train de te dire de carpe le diem pis « vis l’instant présent » et que « le bonheur est constitué de petits plaisirs ». Je dis pas des choses de même. Je dis juste que c’est facile d’oublier la saveur et la texture dans le quotidien. Et que quand on le fait, nécessairement, tout est plus difficile.

Juste avant de rentrer et de me faire un gin chaud – recette de mon grand-père – j’ai fermé les yeux et sorti la langue pour y attraper des flocons. J’ai arrêté de penser, pendant quelques secondes. J’tais bien. Pis c’est ça que je nous souhaite, là, pour l’année qui s’en vient. De trouver ou de continuer à trouver du doux.

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Illustration de : Gabrielle Laïla Tittley