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Vivre sans cellulaire, est-ce que c’est vraiment possible?
La semaine dernière, mon cellulaire s’est éteint tout seul au moment même où j’allais rejoindre une amie à 25 minutes de transport. Je me suis alors rendue compte que j’avais aucune idée de comment m’y rendre sans GPS, que j’avais aucune idée du numéro de téléphone de mon amie et que j’avais aucune idée de l’heure qu’il était. Bon, c’est sûr que pour l’heure, je pourrais simplement m’acheter une montre, mais pour le reste, j’ai réalisé que nos petits appareils cellulaires sont bien plus indispensables que je ne le pensais.
Une question m’a donc traversé l’esprit : une vie sans cellulaire… est-ce que c’est réellement possible?
En 2020, 84,4 % des Canadiens possédaient un téléphone intelligent, soit une augmentation de 4,1 % par rapport à 2018. Si on se fie à la tendance, en 2023, le pourcentage doit être encore plus élevé! Et bien sûr, je fais partie de ces Canadien.ne.s en possession d’un téléphone intelligent que je traîne partout avec moi.
Si 4 adultes sur 5 au Québec possèdent aussi un téléphone intelligent, ça veut donc dire qu’il y a une personne sur 5 qui n’en possède pas. Je suis donc partie à la recherche d’une de ces rares personnes.
Une espèce en voie d’extinction?
Après des recherches infructueuses dans mon cercle social, je suis tombée sur Sonia, celle que j’ai affectueusement surnommée « La femme sans cellulaire ». Je l’ai rencontré par hasard dans un quiz night, un autre phénomène tout aussi intéressant! J’avais soudainement beaucoup de questions pour elle et sa vie sans cellulaire. Après tout, j’avais devant moi une espèce en voie d’extinction.
D’abord, Sonia n’a rien contre les cellulaires, son geste n’est pas lié à une prise de position contre la 5G ou encore contre l’évolution de la technologie. En fait, elle n’aime tout simplement pas être joignable en tout temps. L’idée de devoir répondre dans la seconde près la stresse énormément.
« Avec un cellulaire, décrocher de la job devient impossible! Tu reçois des notifications à tout bout de champ, que ce soit par message texte, sur Messenger, Instagram… les gens s’attendent à ce que tu leur répondes instantanément. Sans parler de la dépendance! Quand les gens n’ont pas leur cell, c’est comme s’ils perdaient leur vie. Sans cellulaire, ça aide à faire une coupure entre ton temps au travail et ton temps hors du travail. »
Est-ce qu’on peut être discriminé parce qu’on a pas de téléphone intelligent?
Sonia vit des 5 à 7 sans texto, sonnerie ou notification et profite bien plus de ses soirées ainsi. Elle trouve que les gens sont plus conscients des autres lorsqu’ils ne sont pas concentrés sur leurs appareils. Le phénomène la frappe surtout dans le métro où les gens sont rivés sur leurs téléphones et ne font pas attention aux autres autour. Elle a remarqué que même les enfants sont souvent sur un appareil offert par un parent pour patienter durant le trajet.
« J’ai pas besoin d’un cellulaire pour patienter. Je lis un livre, j’observe ce qui se passe autour de moi. J’aime bien faire du people watching. On va se le dire, écouter les conversations des autres, c’est le fun! »
Mais est-ce qu’il y a une autre raison pour laquelle Sonia choisit de vivre sans cellulaire ? En l’interrogeant, j’avoue avoir été surprise par sa réponse.
« La base de ma décision, c’est que je trouve qu’on entend mieux avec un téléphone terrestre. Ça ne coupe pas, on n’a pas l’espèce d’écho en arrière-plan. »
C’est donc sans surprise que le meilleur moyen de rejoindre Sonia reste par son numéro de téléphone de ligne fixe.
La fin approche pour la téléphonie résidentielle
Sonia, elle, a plus de 30 ans. Elle est célibataire et n’a pas d’enfant. Son emploi lui permet de travailler souvent de la maison et elle reconnaît que son style de vie lui donne la possibilité de ne pas être joignable en tout temps.
« Si j’avais des enfants ou un autre métier ça changerait la donne! Probablement que mes enfants auraient eux-mêmes un cellulaire. »
Parlant de travail. Est-ce qu’on peut être discriminé parce qu’on a pas de téléphone intelligent? Est-ce que Sonia a déjà perdu des contrats parce qu’elle n’avait pas de cellulaire?
« Les entretiens d’embauches où je leur disais que j’avais pas de cell, ils me répondaient qu’ils allaient m’en passer un. Je ne pense pas jamais avoir perdu de contrat parce que je n’avais pas de cellulaire. Pas à ce que je sache. J’en ai eu ponctuellement pour des jobs qui l’exigeaient, j’ai déjà aussi loué un cellulaire pour deux mois, mais dès que je m’en débarrassais, c’était un énorme soulagement. Des fois, je me faisais appeler à 4h du matin. Je ne pourrais pas vivre ça à temps plein. »
Mais est-ce que c’est encore possible en 2023 de vivre sans cellulaire?
« J’ai l’impression que les lignes terrestres vont rester pour les entreprises, mais pour les individus, les alternatives sont de moins en moins là. »
Mon intervenante avoue que c’est de plus en plus difficile. On n’a qu’à penser à toutes ces applications qui demandent une confirmation par texto, à ces menus qu’on doit scanner via un code QR. Sans compter les compagnies qui n’offrent pratiquement plus de forfaits qui incluent une ligne fixe. Et on s’entend que les cabines téléphoniques, elles aussi, se font de plus en plus rares.
« J’ai l’impression que les lignes terrestres vont rester pour les entreprises, mais pour les individus, les alternatives sont de moins en moins là et c’est de plus en plus cher et complexe. Je note une augmentation chaque année! »
Il faut dire que les forfaits de téléphonie résidentielle au Québec coûtent environ entre 20 $ et 60 $ par mois. Parfois l’afficheur est inclus, parfois non. Parfois la boîte vocale est incluse, parfois non. Parfois les appels interurbains sont inclus, parfois non. Finalement… c’est un peu comme un téléphone cellulaire.
Un futur sans cellulaire, est-ce vraiment possible?
Sonia traîne souvent avec elle son agenda, son carnet de numéro de téléphone et imprime au besoin des maps, bien qu’elle pense de plus en plus à faire la transition.
« On se dirige vers une ère purement cellulaire. Je risque d’embarquer dedans, mais je vais mettre mes propres limites. Ça revient à moi de ne pas être toujours dessus. Si ma grand-mère de 95 ans est capable, je pense que je vais être capable aussi. »
Maintenant, la question qui m’a brûlé les lèvres pendant toute l’entrevue est : le dating life sans cellulaire, ça ressemble à quoi?
« Si tu rencontres quelqu’un et que tu veux échanger des textos, ça te prend un cell, tsé. Tu peux bien fonctionner avec des courriels, mais c’est beaucoup plus efficace avec des textos! »
Sonia avoue que c’est l’une des raisons qui la pousseraient à se procurer un téléphone intelligent. Elle n’a jamais utilisé d’applications de rencontre, mais ne serait pas contre l’idée d’essayer. Selon elle, il est plus simple de dater avec un cellulaire que sans.
« Si tu rencontres quelqu’un et que tu veux échanger des textos, ça te prend un cell, tsé. Tu peux bien fonctionner avec des courriels, mais c’est beaucoup plus efficace avec des textos! »
Finalement, la vie sans cellulaire semble plus simple, mais cette rencontre m’aura donné envie de mieux gérer mon temps d’écran et de me laisser le droit de ne pas répondre dans la seconde qui suit. Reste plus qu’à annoncer à mon boss que je ne pourrai plus être joignable en tout temps.
Et en terminant… je ne dois pas être la seule qui se demande ce qui est arrivé avec la portion de mon cerveau qui me servait dans le temps à me rappeler des numéros de téléphone de mes amies et de ma famille. Sans cellulaire, je ne vaux pas grand-chose… même la fonction lampe de poche manquerait à ma vie!