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Vivre de l’imprévu et des désastres. C’est ce que font tous les jours les nettoyeurs après sinistre. Ils côtoient parfois la mort et la dévastation et s’activent à réparer, nettoyer et faire disparaître les traces du passé. Dany Bisante, président de chez Cleanmatik pratique le pire métier au pays (selon le Reader’s Digest) depuis une vingtaine d’années. Nathalie Boileau, présidente chez Claude Boileau et son directeur du développement Richard Dion sont dans le milieu depuis aussi longtemps. Ils couvrent l’est de la grande région de Montréal. Le danger et les catastrophes, ils connaissent bien et ont accepté de nous en parler un peu.
La plupart des cas qui les occupent concernent les dégâts d’eau et les incendies. Les suicides et les meurtres sont moins nombreux, mais représentent les cas les plus ardus. “On a eu notre 10ième meurtre cette nuit, ça baisse beaucoup. Je sais que c’est déjà trop, mais avant c’était environ 60 par année!” s’exclame Dany.
Pour les suicides, c’est différent. “Il y en a toujours. C’est difficile. C’est souvent des gens seuls et ça prend du temps avant de découvrir le corps, alors la tâche est beaucoup plus compliquée.” Puisqu’ils vivent souvent isolés, plusieurs jours passent avant que quelqu’un ne s’aperçoivent de leur disparition. Les fluides corporels se vident et ça sent jusque chez les voisins. Ce sont souvent eux qui les appellent. Les mois de novembre et de décembre sont les pires, spécialement dans le temps des fêtes.
Il y a aussi “les gens qui découvrent qu’ils ne sont pas couverts et qui s’écroulent. Des fois tu te mets une barrière, un filtre. T’es quasiment un psychologue. Chaque dossier est une histoire.” Ils doivent prendre le temps de rassurer leurs clients, de faire preuve d’empathie et rester fort devant l’horreur et la tristesse des sinistrés. C’est un métier difficile psychologiquement, mais aussi physiquement. L’amiante, c’est la hantise de Dany. “C’est plus dangereux que du sang qui traîne à terre. C’est mortel. Ça fait moins peur qu’avoir un gun sur la tête, mais c’est plus dangereux.”
Les risques d’accident sont nombreux et l’environnement, peu plaisant : “C’est pas jojo, mais on réussit quand même à rire, à avoir du plaisir. Quand on patauge dans les excréments, ben on en rit.” On peut imaginer en effet qu’une dose d’humour est plus que recommandé pour faire le métier. “Depuis qu’on est en affaire, on a tout vu.” renchérit Richard.
Mais pourquoi faire ce travail si les aspects négatifs sont si nombreux? Dany a débuté, à l’instar du défunt père de Nathalie avec les tapis et les divans. De fil en aiguille, ils ont tout deux investi le milieu du nettoyage. Nathalie a hérité du commerce de son père. “On a toujours en tête qu’on est là pour aider les gens. C’est sûr qu’il y a un coût, on est en affaire pour faire un peu d’argent aussi, mais on le fait pour le monde.” Il y a aussi l’adrénaline, le plaisir de ne jamais savoir de quoi demain sera fait, de risquer parfois sa vie et de transformer un lieu de désolation en quelque chose de nouveau.
Paradoxalement, ils vivent du malheur des autres. « C’est plate, mais le malheur des uns fais le bonheur des autres. Je me souviens d’un 29 mai (pendant l’ouragan Irène), il s’était mis à pleuvoir très fort. Je suis sortie dans ma cour pour faire la danse de la pluie. J’étais contente, je savais que ça allait amener des dossiers. Mais quand je me suis rendue compte que ça n’arrêtait pas, je me suis dit : “OK stop, c’est assez!” » La présidente de la compagnie ne souhaite pas du mal à ses congénères, mais elle “doit bien faire travailler son monde, les payer. Ils ont des familles eux-aussi.”
Et ils ne manqueront pas de travail dans les années à venir prédit Richard. “Il va y en avoir de plus en plus, toute l’infrastructure de la ville de Montréal est vieillissante. Les changements climatiques aussi vont jouer. On sait tous dans l’industrie qu’il va y avoir une catastrophe climatique bientôt, on ne sait pas quand, mais elle s’en vient.” Si les sombres prédictions de M. Dion s’avèrent justes, les courageux pourraient réfléchir à une réorientation de carrière, nous en aurons visiblement besoin.
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