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Et je peux vous dire que ça a énormément changé mon rapport à la nourriture.
C’est fou à quel point, en tant qu’omnivore en (relative) santé, je ne réalisais pas l’ampleur de mon privilège.
Dès le deuxième matin, quand je suis sorti au métro Sherbrooke pour aller travailler, une somptueuse odeur de croissants flottait à partir de la boulangerie située à l’intérieur de la station. Seigneur que ça aurait été bon… mais non. Et ça a été le premier de plusieurs, plusieurs non.
Des amis qui m’invitent à souper? Non. On va prendre un verre après le travail? Non. J’ai fait des brownies, en veux-tu? Non. Veux-tu une chip? Non.
REFUSER UNE CHIP.
Ça m’a vraiment fait prendre conscience de la place centrale qu’occupe le repas dans notre société. Luncher avec les collègues, souper avec des amis, aller au resto pour la fête de quelqu’un. Mais aussi: grignoter pour faire passer un après-midi un peu dull au bureau, ou se prendre un popcorn en allant voir Mad Max au cinéma.
Mad Max sans popcorn, c’est comme un feu de camp sans guimauve. Ça peut se passer, c’est pas trop mal, mais il manque de quoi.
Ça m’a aussi fait prendre conscience, par la bande, de toutes les embûches que traversent au quotidien ceux qui vivent avec des restrictions alimentaires, qu’elles soient auto-imposées — comme le végétarisme ou le véganisme — ou causées par des problèmes de santé — comme le diabète ou la maladie cœliaque.
Entendons-nous: j’aurais pu interrompre l’expérience à tout moment, contrairement à un cœliaque pour qui les restrictions alimentaires sont chroniques. Et je suis très conscient du risque qu’on prend à assimiler une condition chronique à un stunt médiatique (tout comme il ne suffit pas de 15 minutes de chaise roulante devant des caméras pour comprendre la «réalité» des personnes à mobilité réduite de Montréal, on s’en souvient). Mais dans ce cas-ci, j’ai tenu à vivre le mois complet (un peu moins, au final, parce que j’ai fini par épuiser mes réserves de Soylent!) justement parce qu’une semaine, ça passe très, très vite. Un mois, c’est assez pour changer d’habitudes de vie. (C’est d’ailleurs assez pour me faire perdre pas mal de ma tolérance à l’alcool!)
Pour mon premier “vrai repas”, j’ai décidé d’aller bruncher avec une amie. Je peux vous dire que le retour de la saveur dans ma vie a été phénoménal. Après un mois de beige vaguement cartonneux, chaque bouchée goûtait le ciel. C’était fascinant.
Depuis, la vie a repris son cours. Je mange maintenant “normalement”. Beaucoup mieux qu’avant, en fait: mon corps a passé un mois à être gavé de tonnes de vitamines et de trucs qu’il n’était pas habitué de recevoir, et il y a pris goût, on dirait. Ça ne veut certainement pas dire que je vais renier le Peter Special pour autant… Mais je me retrouve en train de magasiner les paniers de légumes bios. C’est presque épeurant.
Bilan final
Sachets de Soylent consommés : 28
Début de l’expérience : 25 juin (introduction progressive), 1er juillet (cessation de l’alimentation traditionnelle)
Fin de l’expérience : 25 juillet (premier repas du mois), 28 juillet (dernier verre de Soylent “obligatoire”)
Livres perdues : Aucune idée, je n’ai pas de balance. Ceci dit, à la Saint-Jean je portais des jeans 36, et aujourd’hui je porte des jeans de la même marque, mais de taille 31. Et je dois mettre une ceinture. (Notons que le Soylent n’est pas un “régime” mais bien un aliment à proprement parler. Le poids perdu est surtout le résultat du contrôle des portions — je n’avais pas faim pour plus que les 2000 calories contenues dans le pichet fourni — et de l’abstinence d’alcool.)
Coût total : $378 (après taxes et taux de change)
Question qu’on m’a le plus souvent posé : “Comment sont tes selles?” et toutes ses variantes
Commentaire le plus fréquent : “Je sais pas comment tu fais.”
***
Est-ce que je recommencerais? Non. C’est excessivement difficile de faire des sacrifices comme ça pendant un mois. Ça a joué sur ma vie sociale, sur des amitiés, sur mon moral aussi: c’est long pis plate, un mois beige.
Mais je continuerai à intégrer le Soylent dans mon alimentation, de temps en temps. Quand je reviens du bureau tard et que j’ai juste envie de ne plus avoir faim; ça reste un substitut de repas extrêmement efficace et fonctionnel.
Mais c’est tellement, tellement plate.