La première fois que j’ai vu Les Martyrs de Marde, c’était dans un Pantoum plein à craquer pendant le festival Les Nuits Psychédéliques de Québec. Ils allaient faire un hommage au poète Denis Vanier et je ne savais pas trop à quoi m’attendre en allant me placer direct devant la scène. Peu importe ce que ce serait, je m’était dit que j’allais le vivre. Finalement, le spectacle punk, théâtral et très (très) le fun qu’ils nous ont offert m’a séduite et intriguée. Ben des mois plus tard, j’avais toujours le projet en tête et j’ai profité d’un de leurs passages en ville pour les rencontrer dans un parc de Montréal.
En bas du Mont-Royal, sous le soleil de début d’automne, l’ambiance était bien différente de la veille. Les gars avaient joué dans une petite salle du sous-sol de la Sala Rossa, avec leurs bas résille, g-string en cuirette, masque à gaz et autres costumes. La petite crowd du Mile-End rassemblée devant le line-up punk de la soirée avait un peu la même face que moi la première fois que je les ai vus : étonnée, mais curieuse. Douze heures plus tard, assis à une table de pique-nique, ils me racontaient comment Les Martyrs de Marde sont nés.
Sébastien (alias Souffrance, guitare) : « Moi pis Math on était dans une aprèm sur le bord d’une piscine à Ste-Foy et on a décidé de faire une liste des noms de bands les plus obscènes possible. »
Sobriété et guérison
Sébastien qui fait de la musique, Mathieu qui écrit. Leur amitié sera le point de départ du projet. L’idée de former un band est née sur le bord d’une piscine de banlieue, mais ce n’est que des années plus tard (années qui se révéleront assez rough pour Sébastien), que Les Martyrs de Marde ont pris vie.
« En 2011-2012, Sébastien allait très mal, raconte Mathieu. Il avait des problèmes de vie, de consommation, de santé. Il m’a appelé pour que j’essaie de l’accompagner, pour aller chez le médecin, dans les différentes cliniques, etc. » Ils ont fini par passer une semaine comme ça, avec l’un qui doit empêcher l’autre de boire et de fumer.
« Seb pis moi, on a toujours cherché quelque chose de plus. »
« Seb pis moi, on a toujours cherché quelque chose de plus. Toujours eu envie de s’exprimer, toujours été en marge. Ce moment-là avait quelque chose d’une crise existentielle et ça m’a rappelé ce projet qu’on avait de faire un band. Un band qui ose s’engager avec une espèce d’énergie du désespoir à travers un horizon assez sombre. » — Mathieu
C’est à partir de là que les premiers textes des Martyrs ont vu le jour. Il faudra encore deux ans avant que Sébastien ne se remette sur pieds. « Même en étant sobre et dans la bonne voie, notre projet était trop sombre ou évoquait des troubles de conscience qu’il ne voulait pas nécessairement revisiter. » Une année de plus sera nécessaire avant de donner vie à tout ça. L’idée était simple : pour leur première pratique, ils allaient enregistrer un album. « On a passé genre quatre heures à se lancer des idées pis on a construit des pièces. Notre premier EP est tiré de cette séance pis on joue encore aujourd’hui trois des pièces qu’on a composées cette journée-là. », continue le guitariste.
Le laid à l’honneur
C’est en spectacle que le projet prend tout son sens. Quand Les Martyrs sont sur scène, c’est un peu comme s’il n’y avait pas de lendemain. Même s’ils ne sont plus dans la dure situation qui a provoqué la création du groupe, la théâtralité du show en reste le témoin. « On cherche un peu à provoquer et on se fait du fun à travers ça avec le côté laid et éclopé qu’on met en scène, raconte Mathieu. On essaie de transformer ça pour que ça devienne quelque chose de rassembleur, comme une célébration. »
Le public est amené à participer, la célébration ne se passe pas seulement sur scène. Les gars passent dans la foule pour distribuer des fruits frais, ils chantent, rampent, jouent à travers leur public. « On essaie d’être sur la limite de l’acceptable, mais où les gens sont encore « shakés ». Ils sont pas juste là à voir ça comme si c’était autre chose, c’est un truc de communauté. », explique Sébastien. Ils se font un plaisir de briser le mur entre le public et les musiciens.
Violence contrôlée
Malgré ce que le nom Les Martyrs de Marde laisse présager et un show live tout en intensité, les gars ne sont pas à l’aise avec la violence et n’encouragent pas la consommation d’alcool à outrance. Mettons que vous ne les verrez pas se caler des shots sur scène ni headbutter un membre du public dans un élan de passion.
« La violence qu’on se fait entre nous, c’est basé sur les personnages qu’on a créés »
« La violence qu’on se fait entre nous s’est basée sur les personnages qu’on a créés et sur des expériences qu’on a eues dans nos vies et qu’on ne revisite plus en dehors des performances. Quand j’attaque les gars, ça reste simulé, c’est du théâtre. C’est pour ça aussi qu’on porte les costumes, ça apporte une certaine distance, un niveau d’humour à tout ça. » — Sébastien
Si les costumes viennent encadrer l’aspect théâtral, c’est la sensibilité et les questionnements derrière la performance qui gardent le spectacle le fun. C’est parce que c’est réfléchi que l’expérience est marquante, mais jamais désagréable. C’est pas mal le contraire de désagréable en fait.
Pour vivre Les Martys de Marde par vous-même, ils seront en spectacle ce soir à L’Esco avec Bleu Nuit pour le festival Coup de cœur francophone.