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La ville de la semaine: Grande-Anse

Par
Joëlle Basque
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Cette semaine, URBANIA fait une exception, car la ville de la semaine est en fait un minuscule village nĂ©o-brunswickois de quelque 700 Ăąmes appelĂ© Grande-Anse (contrairement Ă  Caraquet qui, m’a-t-on dit depuis ma derniĂšre chronique, a officiellement le statut de ville!).

Grande-Anse, donc, est un tout petit village situĂ© juste Ă  cĂŽtĂ© de Maisonnette et Anse-Bleue, dans la PĂ©ninsule acadienne, oĂč apparemment on n’a pas peur d’abuser de la mĂ©taphore navale ou champĂȘtre pour nommer les localitĂ©s. Ni des jeux de mots douteux, comme le dĂ©montre le dĂ©panneur-station-service du coin, trĂšs drĂŽlement nommĂ© SAM GAZ. On retrouvait autrefois dans le mĂȘme Ă©difice la poissonnerie G’men fish et la crĂšmerie Je perds la boule. Tu sais que tu es dans un (vraiment) petit village quand tu peux retrouver du gaz, du poisson et de la crĂšme glacĂ©e au mĂȘme endroit, ou alors que le salon funĂ©raire et l’école primaire portent le mĂȘme nom (Ă  Grande-Anse, c’est Legresley!).

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Gare au mal de mer

Grande-Anse est situĂ© directement sur la Baie-des-Chaleurs, tout juste en face de PaspĂ©biac, en GaspĂ©sie. Tu peux d’ailleurs embarquer sur le bateau d’un pĂȘcheur local et aller y pique-niquer si ça te dit, expĂ©rience que j’ai dĂ©jĂ  tentĂ©e avec un groupe d’amis et qui avait nĂ©cessitĂ© une gĂ©nĂ©reuse distribution de Gravol, puisque le vent s’était levĂ© lors du voyage du retour. Deux heures Ă  bord d’un petit bateau de pĂȘche secouĂ© par la houle, ça peut ĂȘtre long en titi quand tu as peur de revoir ton sandwich Ă  tout moment


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Take a kayak!

Il y a aussi l’option de rester sur la terre ferme, puisque Grande-Anse offre, et de loin, les plus belles plages de la rĂ©gion. On y retrouve en effet la plage du quai ainsi que la plage de Grande-Anse, oĂč pour deux dollars par personne, tu peux te baigner dans une eau claire quoiqu’un peu fraĂźche (ça demeure quand mĂȘme une des plus chaudes du Nouveau-Brunswick, oĂč l’eau est relativement froide, malgrĂ© tout le rĂȘve qu’on t’a vendu en slogans publicitaires).

Les caps splendides valent rĂ©solument le dĂ©tour, tout comme les beach partys qui rassemblent les jeunes de la rĂ©gion et leur biĂšre autant sur le sable que sur la mer. En effet, tous les propriĂ©taires de bateaux du coin convergent souvent vers Grande-Anse pour faire la fĂȘte, se parquant tout prĂšs de la cĂŽte. En rĂ©sulte un mĂ©lange tapageur de musique et de bruits de moteur, ainsi que de filles en bikini et d’ados en rut, la langue dĂ©liĂ©e et les gestes ralentis par l’alcool. L’ami de mon cousin, qui avait cette annĂ©e empruntĂ© le kayak de mes parents pour l’occasion, nous a lancĂ© cette perle en revenant : “Pas besoin d’avoir un gros bateau pour se pogner des filles!”.

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MalgrĂ© tout, Grande-Anse n’est plus aussi wild que dans les annĂ©es 1970, car on y retrouvait Ă  l’époque une (pas trĂšs secrĂšte) plage de nudistes appelĂ©e Le Secret, oĂč les hippies du coin se faisaient bronzer poitrine au vent et zoune Ă  l’air. Plusieurs badauds du village, ne voulant pas ĂȘtre en reste, les Ă©piaient Ă  la jumelle du haut des caps.

Des papes et des restes humains sertis d’or

Paradoxalement (ou pas!), c’est Ă  la mĂȘme Ă©poque que le maire s’est battu pour doter le village du MusĂ©e des Papes, seul musĂ©e du genre en AmĂ©rique du Nord, qui offrait une magnifique collection d’artefacts religieux comprenant notamment une splendide sĂ©lection d’habits de prĂ©lats, ainsi qu’une plĂ©thore de reliques religieuses n’ayant rien Ă  envier Ă  la fameuse dentelette de Ste-Rolande que l’on retrouve dans le film français Les visiteurs II.

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L’affluence ayant dramatiquement chutĂ© au cours des 30 derniĂšres annĂ©es (no kidding
), le musĂ©e s’est rĂ©cemment reconverti en une institution au titre quelque peu obscur : le MusĂ©e des cultures fondatrices, espĂ©rant probablement attirer les Ă©coles du comtĂ© pour une de ces fameuses sorties scolaires aussi assommantes qu’instructives.

Des coques, du homard et des frites

CĂŽtĂ© gastronomie, les fruits de la mer et la friture sont Ă  l’honneur Ă  Grande-Anse. Entre les deux cantines, celle du quai et celle de plage, qui se font compĂ©tition pour les meilleures frites maison et qui font fortune auprĂšs des baigneurs affamĂ©s en vendant Ă  la tonne des coques frites et des dĂ©licieux club sandwichs au homard, on retrouve le Dixie Lee, la chaĂźne de poulet frit chouchou des Maritimes.

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L’endroit roule Ă  plein rĂ©gime Ă  l’annĂ©e malgrĂ© la petitesse du village et la prĂ©sence de succursales dans les villes voisines, tellement sa rĂ©putation n’est plus Ă  faire. S’il y a une certitude en ce bas monde, c’est que le meilleur Dixie Lee de la PĂ©ninsule acadienne, c’est celui de Grande-Anse. On y attend donc fĂ©brilement son baril de poulet avec la trace de maillot de bain mouillĂ© Ă  travers le t-shirt, en attendant que la caissiĂšre appelle notre numĂ©ro et que l’on puisse prendre place dans les typiques banquettes en cuirette rouge.

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Une maison et un phare mythiques

MĂȘme si tu ne fais que passer par Grande-Anse, tu ne pourras pas manquer son Ă©lĂ©ment le plus connu : la maison peinte aux couleurs du drapeau acadien. ColorĂ©e une premiĂšre fois il y a 40 ans pour le concours de la maison “la mieux dĂ©corĂ©e pour le 15 aoĂ»t” (qu’elle n’a malheureusement pas gagnĂ©!), la maison en drapeau acadien a fait la couverture des magazines Historia et l’Express international, de mĂȘme que les journaux NB Herald et Telegraph Journal (alouette!), en plus de se retrouver dans maints vidĂ©os et objets promotionnels.

Sa photo s’est Ă©galement retrouvĂ©e dans l’ancien MusĂ©e des civilisations du Canada (et mĂȘme dans le bureau d’un officier des Forces canadiennes en Allemagne, me glissent mes espions bien renseignĂ©s). La maison fait le bonheur des voyageurs qui s’arrĂȘtent en grand nombre pour l’immortaliser, en particulier les Français nostalgiques Ă  qui ça fait bien plaisir de retrouver le “bleu-blanc-rouge” dĂ©ployĂ© en grand en terre d’AmĂ©rique.

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Grande-Anse est donc un lieu incontournable et pittoresque pour tout touriste en goguette au Nouveau-Brunswick, pour ses plages et son dĂ©cor de carte postale incluant le phare peint aux couleurs du drapeau acadien oĂč l’on te vend parfois, en plus du nic-nac touristique habituel, des courtepointes faites Ă  la main par les dames du village.

Tu trouveras aussi sur le bord de la route des enfants qui te vendent Ă  petit prix des bleuets sauvages cueillis Ă  la main, tellement plus savoureux que les gros bleuets importĂ©s qui ne goĂ»tent rien et qui coĂ»tent un bras que l’on retrouve Ă  l’épicerie (the struggle is real).

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Grande-Anse, c’est une belle et majestueuse Ă©glise plantĂ©e en plein milieu du village avec son cimetiĂšre de pierres tombales rongĂ©es par le lichen et le vent de la mer, c’est des gens gĂ©nĂ©reux avec la fiertĂ© au cƓur, c’est des grands vents et des couchers de soleil Ă  couper le souffle.

Grande-Anse, c’est un concentrĂ© de l’Acadie Ă  son meilleur, c’est le village de mes parents et de ma famille, c’est mon petit coin de paradis Ă  moi.

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Pour lire un autre reportage Ville de la semaine : Magog

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