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Ville de la semaine : Walt Disney World
L’idée de cet article m’est apparue alors que je visitais Walt Disney World, seul et entouré d’enfants qui n’étaient pas les miens. Une occasion idéale pour porter un regard neuf sur un vieux classique et de me laisser attendrir par les milliers de pupilles dilatées d’émerveillement.
Si Walt Disney World n’est pas une ville au sens propre du terme, je peux difficilement imaginer une propriété privée qui s’en rapproche davantage : superficie presque aussi imposante que la ville de Longueuil, réseau efficace et complet de transport en commun, habitations qui peuvent loger près de 200 000 personnes… Il ne manque qu’une vie démocratique pour que cet espace soit considéré comme une municipalité à part entière.
Mais encore là, quel sans-coeur oserait déloger Mickey Mouse de son trône?
Imaginez : une ville entièrement privée!
Une histoire de contrôle
Comparés aux attractions futuristes du parc Universal Studios, les manèges de Magic Kingdom ne pourraient pas être qualifiés d’excitants. On vise plutôt la création de plusieurs petits univers qu’on pourrait qualifier de « quartiers ». Le créateur Walt Disney a établi très tôt deux grands principes qui orientent encore aujourd’hui le design du parc : tout fait partie du décor et tout doit accessible pour l’ensemble de la famille.
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Ces principes ont été établis dès la première expérience « live » de Walt Disney, en Californie. Le parc, ouvert en 1955, proposait déjà un environnement théâtral alimenté par ses dessins animés. Le problème, c’est que le succès de cette formule avait entraîné l’apparition de nombreux compétiteurs à proximité qui offraient des expériences comparables et à moindre coût. Une évidence lui est apparue : pour créer une immersion complète, il fallait tout contrôler.
C’est ce qui a motivé Walt Disney à acquérir des centaines de kilomètres de propriété dans le secret le plus complet, sous le couvert d’entreprises fantômes. Une fois le rapport de force établi sur le territoire, il a négocié avec l’État de la Floride pour obtenir sa propre juridiction, le Reedy Creek Improvement District, une entité autonome d’environ 50 habitants gouvernée par des représentants de l’entreprise. Imaginez : une ville entièrement privée!
Frontierland et Adventureland ont admirablement bien vieilli et continuent d’offrir de véritables classiques.
Bien que cette entente avec le gouverneur de l’époque ait été controversée, il faut se rendre à l’évidence que le pari était rentable pour l’État de la Floride : on estime aujourd’hui que la moitié des 100 millions de touristes qui visitent Orlando y sont pour frotter leurs chaussures sur l’asphalte de Mickey.
Quand le vieux rencontre le jeune
Lors de ma visite, Magic Kingdom m’a semblé figé dans le temps. Les files d’attente à longueur insupportables mettent rudement à l’épreuve les batteries de téléphone cellulaire. Heureusement, elles sont suffisamment animées pour soigner notre dépendance aux notifications. Avant même de faire l’expérience du manège, on est aspiré par les univers et les thèmes qui ont bercé notre enfance. Quand on fini par comprendre que le manège dure 60 minutes, le temps devient soudainement élastique.
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Le parc est divisé en 7 univers distincts. J’ai une affection sans fin pour Tomorrowland, ce petit quartier qui me rappelle l’époque où j’étais fasciné par des grands projets de domination de l’espace. À ma récente visite, j’étais un peu déçu de constater que cette section a été laissée à l’abandon : mis à part Space Mountain, qui décoiffe encore à ce jour les victimes de calvitie, aucune attraction n’est vraiment digne de mention. Il faut se rabattre sur quelques grosses sphères de couleur et un chanteur de jazz robotisé prisonnier des années ’50.
Walt Disney World est le royaume de la consommation et du marketing orienté vers les enfants.
En revanche, les sections Frontierland et Adventureland ont admirablement bien vieilli et continuent d’offrir de véritables classiques tels que Pirates of the Caribbean et Splash Mountain. Tout juste à côté, à Liberty Square, vous trouverez encore Haunted Mansion et ses hologrammes dernier cri. Le rafraîchissement récent de Peter Pan Flight est aussi un exemple frappant où la simplicité côtoie l’excitation.
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Combattre le cynisme justifié
Malgré tous mes élans nostalgiques, je suis capable de regarder les choses en face : Walt Disney World est le royaume de la consommation et du marketing orienté vers les enfants. Mais après quelques heures passées à Magic Kingdom, on oublie rapidement les nombreux travers de l’entreprise, comme sa propension à verser dans l’appropriation culturelle ou sa tendance historique à promouvoir la dépendance des jeunes princesses envers leur prince.
En écrivant cet article, j’avais plutôt envie de partager mon amour de cette petite ville imaginaire dessinée avec coeur. Je me suis demandé s’il serait possible de voir naître un tel projet d’ambition aujourd’hui, dans un monde complexe et normé où tout doit être politically correct.
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Walt Disney a osé faire le pari que sa vision du monde allait plaire à tous, sans distinction du genre, de l’ethnicité ou de l’âge. Dans un monde frappé par tant de divisions, je me dis qu’il y a au moins un endroit qui tente de préserver l’illusion d’une ville inclusive et centrée sur les enfants.
Oui, c’est naïf, mais c’est tellement attendrissant.
Pour continuer la lecture : “La ville de la semaine : Saint-Roch“.