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“Et toi, tu viens d’où? Saint-Georges? Hein ouin… dois-tu te rendre à Québec pour faire ton épicerie?”
Il y en a des mythes, entourant Saint-Georges de Beauce, municipalité située à un jet de pierre des lignes américaines (à condition certes d’avoir un bras capable de projeter une roche à 180 km).
Selon Wikipédia, Saint-Georges est “une ville québécoise qui fait partie de la municipalité régionale de comté (MRC) de Beauce-Sartigan dans le sud du Québec dont elle est le chef-lieu.” Selon la croyance montréalaise, Saint-Georges est un village reclus où la salle paroissiale, l’église et quelques cabanes à sucre sont connectées par des chemins de terre empruntés par des barbus à chemise carreautée.
Voici donc plutôt un petit guide pour vous y retrouver :
SAINT-GEORGES EN CHIFFRES
- 1856 : la date de fondation de la Ville, par un certain Georg Pozer. Oui, Saint-Georges a été fondé par un Allemand, qui a d’abord immigré en Angleterre et à New York avant d’atterrir en territoire beauceron. Aujourd’hui, le nom “Pozer” n’évoque plus grand-chose aux communs des Georgiens, mis à part peut-être cette école dans le secteur ouest où l’on enseigne la coiffure.
- 13 : le nombre de pharmacies situées dans l’unique ville de Saint-Georges. Chaque fois que j’y redescends, un nouveau Jean Coutu ou un nouveau Pharmaprix a vu le jour. Les Georgiens sont-ils hypocondriaques? Je ne sais pas. Ça a peut-être quelque chose à voir avec sa population plus vieillissante que la moyenne canadienne…
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Seul domaine plus lucratif que l’industrie pharmaceutique à Saint-Georges : la vente automobile.
- 35,7% : C’est le taux de décès sur la route causé par l’alcool en Beauce. Les Beaucerons ont cette mauvaise réputation d’avoir le coude qui lève… et l’autre qui “clutch” en même temps! Pourtant, cette affirmation est de plus en plus surfaite. Les dernières données de la SAAQ démontrent que les gens de la région sont ni mieux ni pire, en ce qui concerne l’ivresse au volant.
- 73 : S’il y a UN projet de société auquel tous les Beaucerons sont prêts à se rallier, c’est l’autoroute 73. Après des années de tergiversations et de promesses électorales, elle sera complétée prochainement. Enfin, les Georgiens ne seront plus obligés de transiter par Beauceville pour rentrer chez eux après leurs emplettes aux Galeries de la Capitale.
- 774 : Parlant de ça, impossible de parler de Saint-Georges et de son préfixe téléphonique 228 sans parler de sa rivalité qui l’oppose au 774, qu’on associe à Beauceville. Je ne sais pas trop d’où provient cette concurrence. D’après moi, Saint-Georges est juste jaloux. Beauceville a Marie-Philip Poulin, Sainte-Marie a Fabien Cloutier, pis nous ben… on a rien eu depuis Noir Silence.
- 173 : Le Bar 173 La Séduction, dont la réputation n’est plus à faire/ternir.
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Calice.
SAINT-GEORGES EN MOTS
- “Jarrets” : Jarrets noirs, c’est le surnom donné aux Beaucerons. Il tire son origine des premiers marchands beaucerons, qui traversaient des marécages, de la boue jusqu’aux genoux, pour se rendre commercer à Québec. L’équipe de baseball de la région s’appelle d’ailleurs les Jarrets Noirs de Saint-Georges. Le club de hockey, lui, s’appelle le Cool FM 103.5, propriété d’une station de radio locale. Avant, l’équipe s’appelait le Garaga, puis le CRS Express. Puis-je suggérer aux propriétaires de mettre la pédale douce sur l’autopromotion et choisir un nom qui représente mieux la ville, par exemple, l’Embâcle de Saint-Georges? Ça sonne bien, et c’est le titre donné au phénomène météorologique annuel, alors que la bien nommée Rivière Chaudière déborde.
- “Blouse” et “tennis” : L’accoutrement beauceron est le même que le vôtre, c’est juste qu’on a une façon différente de le désigner. Ici, une blouse n’est pas un vêtement féminin léger, mais un manteau d’hiver. Et des tennis, ce sont des espadrilles.
- “Vélo” : Saint-Georges est reconnu comme une ville cycliste — en dépit du fait que tu vas jamais voir quelqu’un faire du bicycle là-bas. En fait, en périphérie, il y a plusieurs réseaux cyclables très populaires et qui font l’envie d’autres municipalités. Mais tu verras jamais quelqu’un en vélo au centre-ville, excepté lors du Tour de Beauce, ce rendez-vous annuel où la population entière s’impatiente à un feu rouge inhabituellement long.
- “Lac Tcheud” : La destination vacance par excellence du Georgien : le Lac Tcheud, aussi connu sous son appellation officielle de “Old Orchad”, est une ville touristique du Maine qui attire chaque été son lot de Beaucerons pendant les vacances de la construction.
- “Cygne” : À ne pas confondre avec l’animal! Enfant, mes parents ne me disaient pas d’aller me laver les mains dans le lavabo, mais plutôt dans le cygne – déformation linguistique du “sink” anglais.
- “Dynastie” : Impossible de passer à côté. Maxime Bernier est député de la Beauce depuis 2006. Avant lui, son père Gilles a occupé les mêmes fonctions de 1984 à 1997. Ces 32 dernières années, un membre de la famille Bernier a été représentant du peuple beauceron pendant 23 ans.
- “Bordrer” : Probablement en raison de la proximité avec les États-Unis, le vocabulaire beauceron est souvent d’inspiration anglo-saxonne. “Bordré”, verbe vaguement inspiré de l’anglais “to bother”, signifie “ne pas s’en faire” : comme dans “Hey le gros, bordre pas avec ça, tu me paieras la prochaine quille”.
- “Quille” : Ah oui, une “quille” est une bière gros format, souvent servit “tablette” (c’est-à-dire, température pièce) sous une étiquette écorchée de Molson 50. Évidemment, ladite quille peut même être bue dans un salon de bowling, activité dominicale de prédilection des Beaucerons.
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Lors de ces soirées “ambiance clair de lune”, où il fallait porter du blanc pour flasher, le salon de quille servait également de lieu de premiers french kiss pour les ados de la Trinité.
- “Gurda” : Sobriquet désignant une représentante de la gent féminine dans la fleur de l’âge.
- “Djeule/Erjen/Étcheuré” : Ici, “Ta gueule” devient “Tadjeule”, “De rien” devient “De rjen”, et “Écœuré” devient “Étcheuré”. Ces phénomènes phonétiques font partie intégrante du patois des Géorgiens et servent également à marquer l’intensité de leur propos : quelqu’un qui se dit “étcheuré” est pas mal plus tanné qu’un autre qui se dit modestement “écœuré”.
SAINT-GEORGES EN LIEUX
Saint-Georges n’a pas le Pont Couvert de Notre-Dame-des-Pins, ni la microbrasserie de Frampton Brasse ou le Woodstock en Beauce de Saint-Éphrem. Mais ses quelque 200 kilomètres carré de superficie renferment quelques lieux incontournables. Si vous êtes en route vers les États-Unis, c’est l’endroit parfait pour un petit arrêt gourmand.
- Chez Gérard : Le nom de cette grande institution familière vous dit probablement quelque chose, puisqu’il se retrouve toujours dans les classements des meilleures poutines de la province.
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Le saviez-vous? Environ 18% du produit intérieur brut de la Beauce est généré par les poutines vendues au Gérard à 3h du matin, quand les bars ferment.
- Rock Café : Pour les becs plus fins, il y a le Rock Café, rare resto à offrir une bonne sélection de bières à Saint-Georges. La cuisine est excellente, et le menu change avec les saisons. La terrasse est chauffée, il y a de la bonne musique et le service est impeccable.
- Parc des Sept-Chutes : Je vais être honnête : je pense pas que les Géorgiens vont vraiment au Parc des Sept-Chutes. L’endroit est joli et paisible, mais à moins que tu tripes sur le volleyball ou que tu sois moniteur dans un camp de jour, tu n’as pas full de raisons d’aller là. Il reste que c’est ben beau, même si la toponymie est inexacte (il y a pas vraiment sept chutes, j’ai compté).
- Pépite D’Or : Les Géorgiens n’ont rien à envier aux Méganticois et leur Fromagerie Chaudière puisqu’ils disposent de leur propre fromagerie. La Pépite d’Or offre aussi sa propre poutine, qui fait toujours saliver une certaine journaliste du Wall Street.
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- L’École d’Entrepreneuriat de Beauce : Si la Beauce est le “Royaume de la PME”, Saint-Georges en est son roi incontestable. La ville se classe bonne première dans le palmarès des meilleures villes entrepreneuriales de la province. Et plusieurs entreprises envoient leurs prodiges à L’École d’Entrepreneurship de Beauce. Même que Bruny Surin est venu étudier ici, c’est pas rien! Personnellement, le monde commercial ne m’intéresse pas. Mais je trouve ça vraiment drôle que les entrepreneurs de demain soient formés dans l’ancien Auberge Benedict Arnold, nommé en honneur d’un traître notoire.
- Cégep Beauce-Appalaches : C’est mon lieu préféré à Saint-Georges même si je n’y ai passé que deux ans. Il faut dire qu’avant d’entrer au cégep, je détestais l’école. J’étais pas bon au primaire. Je détestais le secondaire. Je suis arrivé là-bas, j’ai fait de belles rencontres et je me suis découvert des talents. En plus, sur le plan architectural, le vieil établissement, qui était un ancien séminaire, n’est pas laid du tout et a fière allure, triomphant au sommet du centre-ville, à l’abri des inévitables inondations printanières. Et à défaut d’avoir un centre culturel digne de ce nom, la ville peut toujours compter sur le cégep et ses deux salles de spectacles… en attendant.
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