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VIH/SIDA : ne pas croire à l’un des virus les plus meurtriers du XXe siècle

Retour sur le cas Bernard Lachance.

Par
Benoît Lelièvre
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Selon l’Organisation mondiale de la santé, environ 84 millions de personnes sont décédées du VIH (virus de l’immunodéficience humaine) depuis 1986.

C’est plus que deux fois la population du Canada en 2023 (38 millions). Beaucoup de familles brisées et de souffrances vécues en solitaire, aussi. Les ravages du virus sont rigoureusement documentés.

Pourtant, l’existence même de la maladie n’est pas reconnue par tout le monde.

Il existe toute une sous-communauté conspirationniste (ou « bien informée », comme elle aime se définir) qui réfute l’existence même de l’épidémie de sida certaines personnes nient l’existence même du virus.

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On se rappelle du chanteur Bernard Lachance qui racontait à qui voulait bien l’entendre dans les dernières années de sa vie que l’infection au VIH était un mensonge perpétré de concert par l’OMS et l’industrie pharmaceutique afin de s’enrichir, contrôler la croissance de la population et autres desseins scabreux. Lachance est éventuellement décédé du sida quatre ans après avoir arrêté la trithérapie.

Comment en vient-on à nier l’existence d’une maladie aussi historiquement meurtrière? Tout se fait en trois étapes plus ou moins (ou pas du tout) scientifiques.

1) Un virus aux origines floues

Invité au balado Semer le doute sur les théories du complot liées au VIH, le médecin infectiologue et auteur du livre Aux Origines du sida Jacques Pépin explique : « On est à peu près certains que la première transmission s’est passée dans le sud-est du Cameroun au début du XXe siècle et que ça s’est fait pendant une partie de chasse. Le chasseur s’est soit blessé en attrapant l’animal ou en le dépeçant pour ramener la viande au village ».

En l’absence d’une preuve indéniable et compréhensible par tous, beaucoup de spéculations deviennent infalsifiables.

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Comme tout nouveau phénomène, c’est difficile de retracer son origine parce qu’on ne s’y attendait pas du tout. La technologie ne permettait pas une communication fluide et instantanée comme aujourd’hui et la science a pris beaucoup de temps à réagir. On estime la première infection humaine dans les années 1930 environ, mais le VIH n’a commencé à faire jaser que dans les années 1980.

Ce flou laisse place à l’interprétation et surtout, à l’imagination. En l’absence d’une preuve indéniable et compréhensible par tous, beaucoup de spéculations deviennent infalsifiables.

2) Une crise, ça affecte la confiance envers les autorités

Historiquement parlant, les théories du complot rejaillissent dans la conscience populaire à chaque crise. Dans le balado Semer le doute, on raconte que les rumeurs et théories abondaient déjà en l’an 64, après l’incendie de Rome. Insatisfait qu’un malheur aussi grand et tragique aient pu arriver de façon complètement accidentelle, le peuple s’est mis à accuser l’empereur d’avoir mis le feu à la ville par lui-même afin de la refaire à son image.

Ça prenait un coupable qu’on pouvait condamner.

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Dans le cas de l’épidémie du sida, la crise est à deux niveaux : social et personnel. Pour une personne atteinte du virus comme Bernard Lachance l’était, au-delà de trouver un coupable à blâmer pour son destin tragique, nier l’existence de sa maladie revenait à se redonner un pouvoir sur elle.

Dans un monde idéal, les institutions comme le gouvernement et la science existent pour nous protéger.

Combattre « le mensonge » des autorités devient alors une quête altruiste aux yeux d’une personne radicalisée. Dans un monde idéal, les institutions comme le gouvernement et la science existent pour nous protéger. Lorsqu’elles faillissent à la tâche (que ce soit de leur faute ou non), elles sont un coupable identifiable, sans visage et rassembleur pour une communauté qui s’estime avoir été abandonnée ou injustement traitée.

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En gros, lorsqu’un problème devient hors de contrôle, tout le monde cherche un coupable. Même s’il n’y en a pas toujours un.

3) Ces maudites affirmations infalsifiables

Si on ne peut pas prouver ou réfuter une affirmation, le choix est à la personne qui la reçoit de croire si elle est vraie ou non. Un virus comme celui du VIH (ou même la COVID-19) est l’une de ces bibittes invisibles à l’œil nu, qu’on doit prendre au sérieux parce que des scientifiques en sarraus blancs qui ont étudié plusieurs années afin de pouvoir identifier ce qu’on observe dans un microscope nous disent que ça l’est.

Faire confiance ou ne pas faire confiance à l’autorité de quelqu’un d’autre à propos d’un sujet donné, c’est le genre de décision qu’on prend chaque jour sans vraiment s’en rendre compte.

Ce qui est particulièrement aberrant à propos des théories du complot relatives au sida, c’est que la corrélation est établie pour le commun des mortels depuis longtemps. Faire sa trithérapie rallonge la vie. Refuser de s’y soumettre, c’est choisir une mort lente et difficile.

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Bernard Lachance aura décidé d’y tourner le dos à ses risques et périls et on connaît la suite. Dans l’une de ses nombreuses interventions filmées, il affirme : « S’ils me retrouvent mort, ce n’est pas le SIDA. Ils m’auront empoisonné ».

À un moment donné, il faut simplement croire que les gens ont d’autres choses à faire de leurs journées que de mentir.

C’est qui ça, « ils »? Big Pharma? Le médecin légiste? Le coroner? François Legault? C’est ça, l’odieux de la chose. À un moment donné, il faut simplement croire que les gens ont d’autres choses à faire de leurs journées que de mentir et traiter tout le monde de menteur ne va pas rendre notre conviction plus vraie.

Bernard Lachance est probablement mort en croyant dur comme fer qu’on l’avait empoisonné. On ne peut qu’espérer que l’idée d’un complot l’ait réconforté dans ses derniers instants.

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