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Ils sont sur Réseau Contact, vont veiller au club de danse sociale Le Rendez-vous à Saint-Léonard et parlent sans-gêne des bénéfices du Viagra et de l’hormonothérapie sur leur sexualité. Si vous aviez déjà de la difficulté à imaginer vos parents en train de faire l’amour, vous ne voudrez pas savoir que grand-maman a peut-être un fuck friend.
Restaurant La Marina de Repentigny, dimanche matin. Dans les toilettes pour femmes, on redessine le contour de ses lèvres au crayon (Michèle Richard, sors de ce corps), on recoiffe son toupet et on s’asperge une dernière fois de parfum avant d’aller rejoindre les hommes. «T’as-tu vu? demande Miss Crayon à sa chum de fille. Réjean est revenu. Pourtant, me semble que ça marchait ses affaires avec sa blonde.» Au même moment, devant le miroir, Ginette confie à Noëlla : «Moi, j’ai été mariée 55 ans, mais j’sais pas trop comment faire, toutes ces affaires-là pour rencontrer…» Celle qui veut être rassurée, bien qu’elle ne soit pas une jouvencelle, en a néanmoins l’attitude, comme celles qui se remaquillent à côté d’elle. Oubliez le bingo et les petites mémés aux cheveux blancs tirant sur le mauve. Pour des leçons de féminité, c’est de toute évidence ici que ça se passe, au déjeuner-rencontre dansant hebdomadaire des «Célibataires de 40 ans et +.», euphémisme coquet pour parler des p’tits vieux sur la cruise.
Le démon de minuit moins quart
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Une grande majorité des aînés présents passent leurs dimanches matins à La Marina, plutôt qu’à l’église pour la messe hebdomadaire. C’est peut-être une bonne chose. Si monsieur le curé entendait les confessions de ses paroissiens, il les accuserait probablement d’avoir le diable au corps. «Ça fait un bout que j’habite tout seul, mais je vis bien avec ça, parce que je rencontre beaucoup ici, avoue Jean, fringant monsieur de 67 ans. Capricieux quand il était jeune, il avoue que ses critères ont beaucoup diminué depuis qu’il a pris de l’âge. «Avant, je n’aurais pas accepté de coucher avec une femme sur qui plusieurs hommes sont passés. Mais bon, à mon âge…»
Et il n’y a pas que ses critères qui ont évolués. Ses techniques d’approche aussi se sont transformées au fil des ans. «Tu sais, une femme de 65 ans, c’est fragile et il faut être capable de s’ajuster, explique-t-il. Moi, par exemple, je cuisine bien, ça fait que j’invite la femme chez moi pour souper. J’ai pris un petit cours de massage et j’ai une table adaptée dans mon sous-sol, alors je peux lui proposer de se faire masser après le repas…»
Le dimanche matin, tous les moyens sont bons pour ramener une femme dans son lit. C’est que la compétition masculine est parfois très forte. «Ça joue dur! confirme Irois, 70 ans. Les bonnes personnes comme moi sèchent, pendant que les maquereaux pas de classe spottent les nouvelles filles et partent avec.» Interrogé sur ses motivations dominicales, il avoue chercher une maîtresse en attendant de trouver la bonne. «Je vais te dire ben franchement, je me contente d’une bonne cassette de cul. Mais la tendresse d’une femme me manque, c’est effrayant!»
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À l’instar de notre sentimental Irois, plusieurs célibataires en fête cherchent le véritable amour. D’autres, par contre chantent fièrement Voulez-vous coucher avec moi ce soir?. Fort de ses 70 ans passés, Papy Marmalade, qui préfère garder l’anonymat, assume parfaitement ses besoins. «J’ai un arrangement avec une amie. Pour dire les choses comme elles sont, on est des friends with benefits. Elle est veuve, elle a encore le goût, mais elle ne veut pas aller dans des clubs ou sur Internet. Comme on se connaît depuis 30 ans, elle n’est pas gênée avec moi…» Un cas isolé? Non, à en croire Réjean, qui nous dit que plus d’aînés en parleraient ouvertement s’ils n’avaient pas peur de choquer leurs enfants et leurs petits-enfants.
La définition de la société des loisirs serait-elle plus large que l’on pense?
Tout laisse entendre que oui lorsqu’on écoute les propos de Georges, la petite soixantaine, le plus volubile des aînés (quand sa blonde est sur le plancher de danse, bien sûr). «On n’habite pas ensemble, on a chacun notre maison, dit-il. C’est mieux comme ça parce que j’aime bien regarder un ou deux vidéos pornos le soir.» Silence radio le temps que ladite blonde vienne chercher sa ceinture de baladi. Pendant qu’elle ondule des hanches sur la piste, son chum la dévore des yeux. «Avant de sortir avec elle, j’avais rencontré une fille ici. Je l’avais invitée à danser. Ah ben maudit, elle avait commencé à me toucher! J’ai fait pareil coudonc! Pour finir, on est allés dans mon auto pis… ça y allait!»
Sexe bombe
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À la suite de cette inspirante visite à La Marina, on a eu beaucoup (beaucoup) de difficulté à recueillir d’autres témoignages de papis et de mamies qui assument leur sexualité «multipliée». Après un mois de (très intenses) recherches, faut croire que nos prières à Sainte-Rita, patronne des causes perdues, ont été entendues. Dans la section petites annonces du site web le Bel Âge, nous sommes tombé sur le fringant Robert, 71 ans, qui nous a avoué avoir plusieurs relations par semaine (voire par jour) et pratiquer couramment l’amour oral. Merci le Viagra? «Pas du tout, ma petite fille. J’ai pas besoin de ça, moi! J’ai jamais de difficulté à bander, pis je peux faire ça pendant assez longtemps, en plus.» S’cusez. Port du condom ou pas? «Les premières fois, oui, j’en mets un, c’est important. Mais quand ça fait plusieurs fois que je fais ça avec la même personne, on n’en met plus. En plus, je suis allé passer des tests y’a pas longtemps, puis je suis ben propre.»
Contre toutes attentes, Robert a même accepté de nous parler de sa dernière conquête. «Elle habitait dans un HLM et elle avait peur que ses voisins nous entendent en train de t’sais-veut-dire. Ça fait que je l’ai invitée à souper chez nous. Je lui ai préparé un bon repas. Juste avant, elle est allée prendre une douche. Elle a ensuite mis une petite robe de dentelle rouge, pis moi j’ai mis une culotte rouge. On a mangé habillé comme ça. On a commencé à s’embrasser et je l’ai amenée dans la chambre.» Après la fin de son récit, on ne pouvait pas s’empêcher de lui poser une dernière question, pour la route : en avez-vous souvent, monsieur Robert, des nouvelles conquêtes? «C’est sûr que j’aime mieux connaître les femmes avant. Je préfère avoir des relations qui durent. Et dans ce temps-là, je suis fidèle. Mais ça m’arrive parfois de faire ça avec des femmes avec qui je ne développe pas de relation d’amour.»
Résidences surveillées
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Or, qu’en est-il du phénomène des fuckfriends dans les résidences? Nous avons fait des pieds et des mains pour le savoir, mais les maisons de personnes âgées nous ont toutes servie des réponses laconiques. Une préposée nous a bien soufflé qu’un monsieur avait «une blonde sur chacun des trois étages de la résidence», mais pas moyen d’en savoir plus… Pour mémoire, on se souviendra du tollé qu’avait suscité la création de «la chambre d’intimité», pourtant destinée aux couples mariés, au Centre d’hébergement du centre-ville de Montréal (ex Saint-Charles Borromée).
Et pour le sexe solo? Les histoires de dildo trouvé sous le matelas par des employés d’entretien relèvent-elles de la légende urbaine? Pour en avoir le cœur net, nous avons jasé avec Inge Rollin, de Come As You Are/Venez tels quels, une boutique coopérative spécialisée dans la vente de jouets érotiques et l’information sexe-positive. «Nous livrons aux personnes âgées dans les résidences et CHSLD. Les envois sont faits dans des colis discrets, indique-t-elle. Nous leurs suggérons généralement des objets légers, qui se manipulent bien, comme des jouets vibrants avec de grosses touches ou des lubrifiants à base d’eau de bonne qualité afin de faciliter les contacts érotiques.»
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Mais pour ceux qui préfèrent les vrais plaisirs de la chair, reste encore le recours aux travailleuses du sexe. «Il arrive qu’une escorte soit appelée à travailler à l’hôpital, dans un centre pour personne âgées ou dans un centre de réadaptation, mais c’est plutôt rare, nous informe Pascale Robitaille, sexologue et agente à l’éducation de l’organisme Stella. Lorsqu’elles y vont, elles sont discrètes et évitent d’attirer l’attention du personnel qui, malgré une certaine tolérance et compréhension des besoins, est réticent à faciliter ces visites ou à jouer à l’entremetteur.» Selon elle, plusieurs hommes âgés deviennent clients lorsque leur femme est gravement malade sur une longue période de temps ou lorsqu’ils se retrouvent seuls suite à une rupture ou un décès. «L’arrivée du Viagra sur le marché explique aussi une augmentation du nombre de clients âgés», ajoute-t-elle.
Décidément, ce n’est une boîte de chocolats, mais bien une boîte de condoms qu’on devra apporter à grand-papa lors de notre prochaine visite en résidence.
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