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Viens au Cinéma L’Amour

Coup de pub pour revigorer le mythique cinoche érotique.

Par
Hugo Meunier
Hugo Meunier
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«Viens».

La nouvelle campagne publicitaire pour revamper l’image du mythique Cinéma L’Amour a le mérite de ne pas tourner autour du pot. Elle se résume à un seul mot, sans s’enfarger dans les détails.

En cette période où les cinémas et ciné-parcs traditionnels peinent à ramener les cinéphiles masqués en salle, nous avons voulu en savoir plus sur les coulisses (ho-ho) de cette offensive publicitaire visant à attirer le monde (du nouveau idéalement) sur les bancs rouges effilochés du légendaire cinoche érotique de la main.

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Donnant-donnant

C’est l’agence Publicis Montréal qui a approché le Cinéma L’Amour pour lui proposer gratuitement ce coup d’éclat, une façon de lui prêter main forte en marge de sa récente réouverture. « On mijotait le projet depuis un moment, mais il a pris tout son sens avec la pandémie, puisque c’est une entreprise locale et tout le monde a besoin d’un peu de visibilité. Pour nous, c’est un bon coup créatif, c’est donc donnant/donnant », explique Elizabeth Grenier, la directrice de comptes chez Publicis Montréal derrière cette campagne lancée la semaine dernière.

De la publicité sauvage a été affichée à l’angle Saint-Laurent et Sherbrooke, à l’entrée du tronçon piétonnier du boulevard. Une fermeture qui n’aide apparemment en rien la revitalisation du cinéma, puisque plusieurs clients avaient l’habitude de s’y rendre en voiture, explique le propriétaire Steve Koltai. « En plus, ma clientèle pouvait utiliser le grand stationnement de chez Moishe’s, mais avec l’annonce de leur fermeture, ça va couper cet espace », souligne M. Koltai, qui gère le cinéma appartenant à sa famille depuis 1981. Son père le gérait avant lui et son fils Devyn devrait en hériter à son tour.

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À mon passage, les deux hommes se trouvaient d’ailleurs derrière un kiosque érigé devant le cinéma, où les passants peuvent se procurer des t-shirts, tuques, masques et affiches vintage de films présentés au cinéma depuis son ouverture.

« On vend un morceau de l’histoire de Montréal. J’ai demandé à des amies de venir m’aider, pour donner une image plus jeune du cinéma », admet Devyn, un étudiant de six pieds sept pouces qui aimerait bien reprendre le flambeau un jour.

Moderniser l’institution

Moderniser cette salle centenaire, qui présentait à l’origine des films en yiddish et des pièces de vaudeville, constitue pour l’heure un défi de taille pour la famille Koltai. Si les balcons en fer à cheval et les loges ont traversé le temps, il faudra plus qu’un coup de pinceau pour remettre l’immeuble au goût du jour, sans le dénaturer. « Idéalement, le cinéma deviendrait une salle multi-usages, un endroit avec un permis d’alcool pour présenter des concerts et spectacles d’artistes locaux, en plus des films érotiques », rêve Steve Koltai, qui ne ferme sinon pas la porte aux propositions d’achat.

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Comme il est propriétaire de la bâtisse, il ne ressent toutefois pas encore la pression de vendre et voir son cinéma devenir un énième immeuble à condos. « Je fais du mieux que je peux pour le laisser ouvert, mais on est quatre (employés) et on ne fait pas d’argent. Si ça ne change pas, le Plateau va perdre une autre institution », prévient M. Koltai.

Une simple visite à l’intérieur du cinéma suffit pour se rendre compte que les gens ne se bousculent pas au portillon.

À mon passage, il n’y avait que quatre spectateurs à la représentation d’après-midi de Kinky wedding day, incluant un monsieur plutôt âgé qui se jouait dans les culottes debout au fond de la salle, avec la chemise ouverte. COVID oblige, plusieurs bancs ont été condamnés (40% selon M. Koltai) et les sofas de la section VIP à l’étage (pour les couples) ont été espacés, sans oublier le Purell disponible.

Mais avec une poignée de clients seulement à chaque représentation, le respect de la distanciation sociale ne constitue pas un grand défi. « Je cherche une façon d’améliorer ma business et la pandémie n’aide pas », résume Steve Koltai.

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En attendant de trouver la recette miracle qui ramènera les foules au Cinéma L’Amour, il devra se contenter de l’argent des quelques clients solitaires qui se présentent à ses cinq représentations quotidiennes.

« Je suis déjà venu deux fois », minaude au même moment la jeune actrice à l’écran, en train de s’envoyer en l’air dans un canapé avec un monsieur poilu beaucoup trop vieux pour elle. C’est ça le concept du film je crois. L’autre film à l’affiche cette semaine, Ripe 2, semble mettre l’accent sur des garçons qui ont de très longues zwouines.

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Je suis resté une quinzaine de minutes. Des cris de jouissance avec le son dans le tapis sur écran géant, ça ne laisse personne indifférent.

Mais peu importe la qualité du spectacle et l’enthousiasme des acteurs, pousser une des deux portes capitonnées menant dans la salle constitue un voyage dans le temps fascinant. D’ailleurs Devyn propose parfois des visites guidées à ses amis ou des passants curieux, le temps de quelques clichés à la dérobée de la section VIP tamisée par un éclairage rougeâtre.

Et c’est précisément l’idée derrière la campagne de Publicis Montréal: amenez les néophytes à découvrir l’endroit. « On a fait une visite aussi et c’est vraiment une belle salle, très jolie, mais qui demande beaucoup d’amour. L’objectif premier est d’attirer l’attention, puis une nouvelle clientèle », résume Elizabeth Grenier.

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Cette dernière est également derrière deux campagnes chocs qui ont fait jaser dernièrement, soit une pour l’organisme Mira et celle de la « Journée portes fermées » pour le Bureau d’intégration des nouveaux arrivants à Montréal.

Deux exemples de publicité éthique, visant à dénoncer des injustices.

Seul l’avenir dira maintenant si leur dernière campagne parviendra à raviver l’intérêt pour les films cochons sur grand écran ou à tout le moins pour le Cinéma L’Amour.

En attendant, j’ai fait ma part en achetant un t-shirt, un masque et un porte-clés à l’effigie de l’endroit.

Je suis même prêt à aller voir MILF Creampies ou Beach babe amateurs, à l’affiche la semaine prochaine.

J’ai vu une machine à popcorn à l’entrée en plus.

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