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Je viens de réaliser que j’ai la paupière tombante. Avant que Denise Bombardier n’en parle, je n’avais aucune idée qu’il s’agissait d’un endroit du corps dont on pouvait être complexée. Maintenant, c’est chose faite. Merci madame Bombardier. En feuilletant Vieillir avec grâce, j’ai aussi appris qu’on pouvait se faire faire un lifting du vagin. J’économise déjà pour mes vieux jours.
J’ai échappé un petit rire lorsque j’ai appris que notre donneuse de leçons nationale signait un ouvrage sur les petits pots de crème anti-âge aux Éditions de l’homme. Quand j’ai su qu’elle signait cet ouvrage avec l’homme derrière les petits pots en question, j’ai trouvé ça complètement indigne de la profession de journaliste. Disgracieux, comme dans l’expression «Vieillir avec disgrâce». Mais je n’ai pas été insensible à l’argument de transparence de madame Bombardier. Pas plus qu’à l’argument selon lequel les autres produits, c’est n’importe quoi. Comme bien des femmes, j’ai difficilement pu résister aux douces promesses de jeunesse éternelle. Même si Denise Bombardier martèle qu’aucune crème n’est miraculeuse, moi, c’est ça que j’entends pareil.
Dans son livre, madame Bombardier admet qu’il y a vingt ans, elle n’aurait jamais pensé écrire un livre sur l’art de vieillir en beauté. Il y a six mois, je n’aurais jamais pensé m’intéresser à ça non plus. Je suis la dernière personne qui devrait s’intéresser aux crèmes antirides : je me croise les doigts pour me faire appeler madame à la caisse et je pique une crise quand les gens me demandent si je les interviewe pour un projet d’école. L’autre jour, je me suis même entendue dire «je viens de m’acheter une maison et j’écris mon deuxième livre, ça fait que hein» à ce monsieur qui me disait «t’en fais pas, toi aussi tu vas réussir à tirer ton épingle du jeu de la vie».
Avec toute cette rage d’être prise au sérieux, on pourrait croire que j’attends les premiers signes du vieillissement avec autant d’impatience qu’un conseiller financier attend ses premiers cheveux gris. J’ai pas encore mis le doigt sur le pourquoi, mais non. Pourtant, les pattes d’oie, j’adore ça. Sur Dorothée Berryman, Andrée Lachapelle, Louise Latraverse, c’est super beau. Cette peur du vieillissement a débuté quelque part il y a 5 ans, aux glissades d’eau, alors que j’ai saisi toute la portée de l’expression «ne plus avoir vingt ans». J’ai compris l’effet de la gravité et les dommages irréversibles du temps.
C’est encore pire depuis que l’esthéticienne au comptoir de la pharmacie, Manouchka, m’a dit, avec son accent bohème, qu’il n’était pas trop tôt pour une crème anti-âge. «Nan, t’as bien fait de venir me voir ma belle», alors que je fixais les profondes crevasses qui ornaient son front. Elle parlait sûrement en connaissance de cause : c’est clair que elle s’y était prise trop tard. Manouchka m’a recommandé un produit au titre aussi initiatique que réjuvénateur. Je suis repartie avec ma crème «premières rides» et un petit écran solaire «que tu portes même quand t’es dans ta cuisine» si tu veux pas avoir l’air de Manouchka. Je m’en suis tirée pour 60$ de petits pots. Ils sont satisfaisants, mais j’ai hâte d’essayer ceux de Denise Bombardier. À 72 ans, je trouve qu’elle s’en tire pas mal, côté oxydation, pour une femme qui semble contenir autant d’amertume.
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