Logo

Vendre des billets du CH à des prix de fous

La surenchère existe, et pas seulement dans l'immobilier.

Par
Hugo Meunier
Publicité

« Le pire qui peut arriver, c’est qu’on aille voir le match!», lance Paul au bout du fil, tentant de trouver preneur pour une paire de billets dans les blancs à 1200$ chacun pour le quatrième match prévu lundi soir au Centre Bell.

Comme la plupart des détenteurs de billets rares comme de la marde de pape, Paul ne cache pas « s’essayer». « J’ai payé ces billets en revente samedi à 500$ l’unité. Je suis de près l’évolution des prix et là j’observe que ça diminue », constate Paul, qui ira sinon avec un ami vivre un moment unique.

Comme lui, ils sont plusieurs à vouloir tirer profit de la rareté des billets (2500 spectateurs sont admis dans l’amphithéâtre sur les 21 273 sièges) en les offrant à des prix parfois astronomiques. Des détenteurs de billets de saison pour la plupart, qui ont profité d’un tirage au sort pour mettre la main sur leurs places. Une loterie où les chanceux allongent au départ entre 250 et 450$ pour leurs précieux billets.

Publicité

Et c’est donc dans ce contexte que plusieurs décident de s’adonner à la surenchère sportive.

«La plupart des gens mettent un prix exorbitant dans l’espoir d’attraper un poisson, mais sinon ils sont bien contents d’y aller pareil»

Un fou dans une poche, tsé. « La plupart des gens mettent un prix exorbitant dans l’espoir d’attraper un poisson, mais sinon ils sont bien contents d’y aller pareil », croit Paul, qui estime pour sa part ne pas avoir été si gourmand avec le prix de ses billets, surtout à l’heure où le Canadiens suscite la frénésie.

Sur des sites de revente tels que Ticketmaster et StubHub, certains prix affichés semblent en effet farfelus, comme cette paire de billets dans la section 325 à 5 500$ chacun à quelques heures des premières notes de l’hymne national.

Des prix demandés ont même grimpés à plus de 12 000$ lors du sixième match contre Toronto il y a une dizaine de jours, le premier disputé devant des spectateurs Montréalais depuis le début de la pandémie.

Publicité

À quelques heures du match #4 et de l’élimination des Jets de Winnipeg (oui oui), j’ai retracé via Kijiji et Marketplace plusieurs de ces vendeurs un brin opportunistes, pour voir comment se passaient leurs affaires.

Si plusieurs ont refusé de me parler, d’autres ont accepté en échange de leur anonymat.

«à part celui qui a annoncé ça à 12 000$, ça reste pas si pire»

« Ça ne bouge pas tant que ça », confie Martin, lorsque je l’ai contacté pour sa paire de billets dans les rouges à 2900$ (pour les deux). « Ça reste stable sur Ticketmaster. Je mets un bémol sur la surenchère, à part celui qui a annoncé ça à 12 000$, ça reste pas si pire », assure ce détenteur de billets de saison, qui a déboursé 900$ pour sa paire de billets. « Je m’attends à du mouvement dans la journée, je suis très confiant. Dans le pire des cas, je vais les revendre au prix que j’ai payé », tranche Martin en fin de matinée. En milieu d’après-midi, son annonce avait disparu de Kijiji.

Publicité

« C’est un prix fort adéquat, certains demandent le double! », lance pour sa part Benoit, qui demandait 2000$ pour ses deux billets. Ce « fan fini » d’hockey est très chanceux au jeu (donc sans doute malchanceux en amour), puisqu’il avait remporté la loterie une première fois lors de la première série contre Toronto.

Benoit avait par contre décidé d’assister au match, pour vivre ce moment unique. « C’est trippant! Ça paraît peut-être pas 2500 personnes à la télé mais sur place, l’ambiance était là », assure Benoit, qui a passé une soirée inoubliable même si la vente de bière demeure interdite.

Benoit tente cette fois un « long shot », misant leur la loi de l’offre et la demande, sans se mettre trop de pression. « Si je ne les vends pas, je vais y aller encore », résume cet inconditionnel, qui voit plusieurs similitudes entre les Canadiens de 2021 et ceux de 1993. « Je vois que notre gardien de but fait exactement comme Patrick Roy à l’époque. Ça regarde bien », analyse Benoit, qui prévoit l’élimination des Jets dès ce soir.

Publicité

Je suis la deuxième personne à contacter Simon en matinée, au sujet de sa paire de billets dans les blancs à 2200$. « J’essaye un gros prix au début, au pire je vais m’ajuster », confie sans détour le détenteur de billets de saison, qui admet se laisser prendre « par la folie du moment ».

Comme il travaille ce soir, il n’aura pas le choix de trouver preneur. A-t-il l’impression d’y aller fort en proposant 1100$ pour un billet payé 250$? « Pour certains, je comprends que oui. D’autres me disent de les donner à des employés de la santé. Mais je ne suis pas parmi les riches de la société, je suis un travailleur », se défend Simon, qui prévoit écouler au pire ses billets au prix déboursé, s’il reste coincé avec.

«Passer de 20 000 à 2500 personnes, c’est intense, mais tout le monde semblait heureux d’être là!»

Ce scénario ne s’est vraisemblablement pas matérialisé puisqu’au moment d’écrire ces lignes, l’annonce de Simon s’était évaporée dans la nature.

Publicité

Julien avait pour sa part mis quatre billets en vente dans les rouges à 4500$ lors du sixième match contre Toronto. Le jeune homme a finalement changé d’idée, pour vivre l’expérience d’un match de série pandémique avec des membres de sa famille, dont son père qui possède les billets de saison. « C’était cool, même sans alcool et sans bouffe. Passer de 20 000 à 2500 personnes, c’est intense, mais tout le monde semblait heureux d’être là! », raconte Julien, qui se croise les doigts pour une nouvelle chance à la loterie des billets pour les séries à venir. « La coupe à Montréal, ça se peut, mais ça ne sera pas facile. Ils (les Canadiens) risquent de se faire brasser pas mal par Colorado…», croit Julien.

Ne nous reste qu’à souhaiter un bon match à tous, et particulièrement à ceux qui déboursent des sommes faramineuses pour se tenir à distance de deux mètres de Youppi (au fait, il est en service lui?) .

C’est clair que dans cinquante ans, ça sera aussi cool de se vanter d’avoir assisté à une game des Canadiens dans un Centre Bell quasi-vide que d’avoir vu Nirvana en concert aux Foufs.

D’ici là, Go habs go!

Publicité