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La Fontaine de Trevi est l’une des attractions touristiques les plus importants de Rome. Pour rappel, il s’agit de la fontaine dans laquelle Marcello Mastroianni se paye un bain de minuit dans le film “La Dolce Vita”.
Cet été, elle est en restauration et a donc été vidée de son eau pour l’occasion. Mais malgré les échafaudages, les vendeurs de souvenirs se félicitent : la saison est sauve. Une passerelle a été dressée au-dessus du bassin, pour que les visiteurs puissent prendre en photo les statues. Et puisque la tradition veut que l’on y jette une pièce, ça porte bonheur, la ville de Rome a fait installer une petite piscine devant un panneau servant de décor aux touristes qui voudraient immortaliser l’instant. “Pour jeter une pièce, par ici”. Une fois le selfie empoché, un commentaire : “check”, étape suivante.
Devant tant d’absurdité, qui est à blâmer ? La ville de Rome, qui marchandise à tel point son patrimoine qu’il finit par ressembler à un parc d’attractions ou le touriste, qui une fois de retour chez lui racontera, preuve à l’appui, à quel point la ville est belle ?
Loin des sentiers balisés, Rome n’est pas toujours belle. C’est le chaos sur terre, l’anti-Montréal. Des bus qui ne respectent jamais les horaires, des trottoirs sales et quand il pleut, des quartiers entiers se retrouvant sous l’eau. Ce manque d’organisation qui apparaîtrait presque comme un des charmes de la ville est en réalité un calvaire pour ceux qui tous les jours y vivent et y travaillent. À côté de ça, l’Italie de papier mâché dans laquelle voyage le touriste idiot est marquée d’un autre syndrome, dit de la sauce bolognaise : une recette qui n’existe pas dans la gastronomie italienne et qui se retrouve au menu de nombreux restaurants, ici en Italie, parce que les touristes en réclament. La demande associée au pouvoir d’achat amènent à la création de nouvelles expériences, qui rendent doublement stupide parce qu’elles viennent confirmer de fausses certitudes.
Être stupide est souvent jouissif, je ne le nie pas. Moi-même, je suis parfois une touriste idiote à mes heures perdues. Mais gardons en tête que cette folie collective qu’est le tourisme de masse ne s’explique que par le fait qu’il s’agit d’un marché qui rapporte. Ce business n’est pas propre à l’Europe, c’est le cas dans toutes les grandes capitales du monde. Ce que je vois de particulier à notre continent cependant, c’est la manière dont son histoire lui pèse parfois, au point de lui empêcher de se renouveler. Aujourd’hui, il me semble qu’on ne visite pas l’Europe pour ce qu’elle est mais pour ce qu’elle a été. Et à qui la faute ? Quand à l’école on juge plus important de connaitre les grands classiques de la littérature plutôt que de transmettre le plaisir de lire, on ne risque pas de stimuler la création. Et quand la création est là, malgré tout, quels moyens sont mis en œuvre pour la mettre en avant, pour soutenir les artistes ? Pendant que nous vendons notre passé au plus offrant, rien n’est investi dans le présent. Nous nous contentons de nous rassembler autour de ruines dont on ignore le sens, les transformant en mausolées où rien ne peut être discuté et où de ce fait rien n’évolue.