Pendant longtemps, je n’ai pas eu d’amis gars. Je ne trouvais rien d’autre à faire avec eux que de leur toucher la queue dans le métro et de baiser ensuite dans leur appartement. Amis et amants, c’était difficilement conjugable pour moi. Ça me semblait trop compliqué, et je n’ai pas encore développé mes aptitudes dans le classement de mes amitiés. Pour plusieurs, les relations d’ami.e.s avec bénéfices sont plus simples, mais pour d’autres ce n’est pas aussi inné que de se prendre en photo dans un verger.
La saison froide se profile à l’horizon, période de prédilection pour l’émergence du phénomène de « cuffing season » (qui se traduirait par « la saison où on se sent un peu seul et pendant laquelle on voudrait être attaché sans être vraiment attaché, tout en prenant un chocolat chaud devant Netflix avec quelqu’un sous des couvertes. ») C’est le temps parfait pour mettre au clair ce qui est important dans une relation d’amitié avec bénéfices (ou « friendsfuck » comme dit ma mère.)
Prendre soin de l’autre
Lola*, une amie célibataire depuis un an, se désole que ses relations ne soient pas plus honnêtes une fois que le désir de se faire prendre dans un cadre de porte se matérialise. « C’est correct que le gars ne veuille pas me voir tous les jours, mais il peut me le dire. Je ne ferai pas de crise », remarque-t-elle, alors que ses amants observent quatre fois par jour ses stories sur Instagram, sans répondre aux invitations qu’elle leur lance. « On dirait qu’ils me gardent on the side, pour savoir que je suis encore attirée, mais qu’ils ont peur que je veuille autre chose », déplore-t-elle. Ce qu’elle souhaite vraiment? Pouvoir faire des câlins sans engagement et jouir sans l’aide essentielle d’un vibrateur à tout coup.
Prendre soin de l’autre et s’assurer de ne pas juste profiter de son lit et de ses calorifères, c’est la base. Ce n’est pas parce qu’une relation dépasse le stade platonique que l’intimité remplace la gentillesse. Caroline*, qui a une amie avec bénéfices on & off, mentionne qu’elle se sent parfois délaissée. « C’est comme si une fois qu’on couche ensemble, notre amitié devient moins importante. Il n’y a plus de conversations sans intérêt entre nous. On ne s’envoie plus des gifs ou d’articles à lire. Elle me fait sentir qu’elle a peur que je prenne trop de place dans sa vie. »
Fourrer chill
Caroline se souvient aussi d’un ami qu’elle a perdu et qui, après l’avoir baisée quelques fois, ne l’appelait que lorsqu’il était « horny avec trois shooters de tequila dans le corps. » Elle sait pourtant que ça peut être différent et qu’on peut coucher avec un.e ami.e en étant tout autant amis. « Je n’aime pas être en relation monogame. J’ai trop de choses à faire et je suis impulsive. Je ne sais pas où je serai dans deux semaines. J’ai déjà couché avec des amis, sans que ça devienne bizarre entre nous. C’était juste bon. » À ce moment-là, elle réussissait à être claire sur ce qu’elle voulait : « Je feelais comme ça et je le disais, que je voulais fourrer. Je ne voulais pas fourrer pour voir si on pouvait matcher, pour me trouver un chum. Juste fourrer chill. »
Dans un article du New York Times, Timothy Levine, qui a réalisé une étude avec Melissa Bisson se concentrant sur 125 jeunes hommes et femmes et leurs relations d’amitié avec bénéfices, rapporte que si une relation sur dix se termine par une véritable romance, d’autres sont freinées par la peur de l’engagement. « Au départ les relations de ce type leur semblent sécuritaires. Mais il y a cette peur grandissante que l’autre personne devienne plus attirée. »
Discuter, pas juste frencher
Les limites et attentes ne sont parfois pas claires. « Je suis affectueux avec tout le monde. J’étais content d’être en relation avec une amie. J’aurais aimé ça me promener dehors main dans la main, mais elle ne l’acceptait pas. Je l’ai trouvée détachée de ce qu’on vivait et ça m’a refroidi. Notre amitié a pris un bout à revenir comme avant qu’on baise. Je l’ai encore un peu sur le cœur », me raconte Hugo*. Leur duo manquait de communication: « Je n’étais pas en amour. Mais notre relation n’avait pas de nom. Ce n’était pas un secret. On n’était pas un couple. On baisait. On se faisait du bien. J’aurais aimé ça qu’on en parle, mais elle ne voulait pas. Soit qu’on baisait parce que ça arrivait comme ça et qu’elle le voulait, soit on ne baisait pas, mais il ne fallait pas qu’on parle de ce qu’on vivait ! J’ai jamais compris si elle était gênée. C’était un tabou bizarre. »
Les relations, comme les habitudes sexuelles, peuvent changer et évoluer de mille façons, mais peu importe si c’est la saison des ébats entre amis célibataires, le respect de l’autre est encore plus essentiel que les pumpkin spice latte. Que le respect rime avec communication, condom ou Netflix & chill.