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URBANUIT: les anti-dépresseurs ont fucké ma vie sexuelle
Depuis près de 18 mois, je prends des antidépresseurs pour soigner mon anxiété, beaucoup, et ma dépression, un peu.
De toute façon, si vous consultez un psychologue, il vous dira que ces deux maux sont des proches cousins.
Avant de commencer à prendre des médicaments, comme beaucoup, je regardais les statistiques sur la consommation d’antidépresseurs en secouant la tête : « C’est pas drôle, le monde aime mieux se droguer que de faire face à leurs problèmes! »
Pis un moment donné, ça n’allait plus du tout, même la thérapie ne suffisait plus, et je suis allé voir un médecin qui m’a prescrit les petits comprimés qui ont changé ma vie.
Du jour au lendemain, je n’avais plus besoin d’appréhender chaque élément nouveau dans ma vie, plus besoin de surveiller les salles de bain et de préparer les excuses au cas où je ferais une crise de panique.
Je redevenais celui que j’avais toujours été dans mes meilleurs moments : drôle, calme et disposé au bonheur.
Je redevenais moi-même à une différence près : j’avais troqué mes problèmes de santé mentale contre des problèmes sexuels.
Mauvaise mine dans le crayon
Évidemment, le médecin avait fait son travail, et m’avait énuméré la liste de tous les effets secondaires possibles de ces fameux petits cachets : étourdissements, somnolence, maux de ventre, dysfonction sexuelle, sécheresse buccale, entre autres.
Bref, c’était un effet secondaire possible parmi tant d’autres, et je ne m’y suis pas spécialement attardé.
Ce que j’ai remarqué dans les premières semaines, ce n’est donc pas ma baisse de libido, parce que de toute façon, j’avais passé le dernier mois à pleurer en boule dans mon appartement. Ce n’est pas comme si j’avais été une bête de sexe dans les derniers temps.
J’ai donc surtout remarqué les effets positifs. Mais une fois que les médicaments ont fait leur travail et qu’ils ont remis mon cerveau sous contrôle, c’est là que j’ai commencé à remarquer les failles dans ma vie sexuelle.
Je m’en suis rendu compte pour la première fois avec ma partenaire : nous étions à l’hôtel, j’étais excité, nous faisions l’amour, j’avais du plaisir, puis tout d’un coup je me suis dit « Je n’aurai jamais d’orgasme ».
Et ce genre de prophéties, ça a tendance à s’auto-réaliser.
Depuis, la même situation se reproduit souvent : nous commençons à faire l’amour, je suis excité, j’ai du plaisir, puis… je me mets à m’inquiéter de ne pas avoir d’orgasme, et c’est ce qui se produit.
Je continue à enchaîner les coups de bassin en faisant l’air de rien, puis ma partenaire réalise bien qu’on tombe tous deux sur le pilote automatique, et on met fin à la session d’embrassades, un peu déçus.
Ce n’est pas tout le temps vrai; bien sûr, à l’occasion, nous avons des relations satisfaisantes (heureusement, parce que ça deviendrait vraiment difficile sur le couple).
Si je ne suis pas complètement disponible mentalement, si notre chimie ce jour-là n’est pas à son meilleur, si je suis préoccupé, si j’ai en tête une chicane de la veille, bref, si tout n’est pas PARFAIT, l’orgasme devient difficile à atteindre.
Mais je me rends compte que je suis plus sensible à tous les petits changements. Si je ne suis pas complètement disponible mentalement, si notre chimie ce jour-là n’est pas à son meilleur, si je suis préoccupé, si j’ai en tête une chicane de la veille, bref, si tout n’est pas PARFAIT, l’orgasme devient difficile à atteindre.
Je ne sais pas, au fond, si les antidépresseurs ont vraiment créé de nouvelles difficultés, mais ils ont certainement amplifié celles qui existaient déjà.
La quête de l’orgasme
Au-delà de l’aspect pharmacologique, je pense que ça en dit beaucoup sur la vision collective que nous avons de la sexualité.
Je pensais avoir une vision assez progressiste de la sexualité, loin de celle de mes parents.
Pourtant, mes craintes et mes difficultés au lit m’ont révélé une chose : j’ai encore une vision très traditionnelle de la sexualité.
Nous avons tendance à voir, dans les couples hétérosexuels du moins, une relation sexuelle comme un acte en trois temps : les préliminaires, la pénétration, l’orgasme, merci bonsoir.
Et je pense que curieusement, ces difficultés sexuelles récurrentes m’obligent à revoir ma vision des choses. Parfois, après une « performance » sexuelle que je juge décevante, j’en parle avec ma partenaire, qui me dit qu’au contraire, elle a eu beaucoup de plaisir.
D’autre fois, c’est l’inverse : J’ai eu un orgasme, donc une « vraie » relation sexuelle, pourtant pour ma blonde, ce n’est pas une relation plus exceptionnelle qu’une autre.
Dilemme
Évidemment, je dis toutes ces belles choses : je dis que je revois ma façon d’aborder ma sexualité, que dans le fond c’est pas si pire que ça, que nous sommes trop axés sur l’orgasme (spécialement l’orgasme masculin), mais la vérité, c’est que ça me dérange énormément.
Je m’ennuie du temps où je savais que mes érections seraient au rendez-vous, celui où je savais qu’un orgasme conclurait l’affaire, que je n’aurais pas à vivre l’humiliation de m’excuser à ma blonde parce que notre relation sexuelle finit en queue de poisson.
Et cette angoisse par rapport aux difficultés sexuelles engendrées, je ne suis pas le seul à la vivre.
Je n’ai pas de solution magique. J’aimerais vraiment vous dire : « Tu te donnes trois pichenottes sur le testicule gauche, tu fais trois tours sur toi-même, tu cries : “lapin!” et tout va être réglé ».
Une sexologue que j’ai contactée m’a raconté qu’elle a déjà vu des patients décider de mettre fin à leur traitement contre la dépression parce qu’ils préféraient vivre avec leurs problèmes de santé mentale plutôt que de vivre ces difficultés sexuelles.
Des gens sont même venus me voir, sachant que je prenais des antidépresseurs, en me demandant, gênés, si moi aussi j’éprouvais des difficultés au lit depuis que je prenais mes pilules. Oui, oui, t’es pas tout seul, t’inquiète pas.
Je n’ai pas de solution magique. J’aimerais vraiment vous dire : « Tu te donnes trois pichenottes sur le testicule gauche, tu fais trois tours sur toi-même, tu cries : “lapin!” et tout va être réglé ».
Malheureusement, tout ce que je sais, c’est que personnellement, je préfère de loin ne plus vivre dans une angoisse incessante, même si ça veut dire compliquer ma vie sexuelle. La vie sexuelle, ça s’arrange en communiquant avec son ou sa partenaire. L’anxiété et la dépression, c’est plus compliqué.
Et je sais que je vais probablement consulter un ou une sexologue pour ces nouveaux problèmes. Après tout, si j’ai pu régler mes problèmes de santé mentale, je ne sais pas pourquoi je ne réglerais pas ceux-là aussi!