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URBANUIT : les aînés aussi ont une sexualité

Entrevue avec Caroline Vincent, directrice de l’organisme La Petite Culotte.

Par
Michelle Paquet
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Breaking news : Les personnes âgées ont une vie sexuelle. Des désirs, des envies, des fantasmes, des boners, toute le kit. Ça ne sert à rien de se voiler la face et de faire comme si la sexualité des aînés n’existait pas. Un jour, nous allons tous (espérons-le) être vieux et vieille, et tant mieux si le désir sexuel est toujours présent chez nous rendus-là. Comme disait l’autre, y’a pas de mal à se faire du bien.

La sexualité n’a pas d’âge, même si elle est parfois plus tabou. Au fil des ans, quelques films ou documentaires ont effleuré le sujet des rapports sexuels des personnes de plus de 60 ans, mais on est loin d’en parler ouvertement. En 2017, Fernand Dansereau faisait paraître L’érotisme et le vieil âge, un documentaire qui parle de la vie sexuelle des aînés et dans lequel on peut notamment voir Louise Portal et Janette Bertrand. Le dernier livre de Mme Bertrand, Vous croyez tout savoir sur le sexe?, a aussi un chapitre consacré aux mythes sur la sexualité des 60 ans et plus. En général, on aborde le thème comme une curiosité à revisiter tous les deux-trois ans avec un reportage sur la hausse des ITSS chez les personnes âgées, mais il y a beaucoup plus à faire pour démystifier le sujet.

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Une génération qui est passée à côté de l’éducation sexuelle

Caroline Vincent, infirmière de formation et directrice de l’organisme La Petite Culotte (LPC), qui se spécialise en éducation à la santé globale et sexuelle, en sait quelque chose. Dans son rôle au sein de LPC, elle donne principalement des ateliers aux personnes âgées pour leur parler de santé sexuelle, de l’impact du vieillissement génital sur la vie sexuelle, et des ITSS, entre autres.

«C’est une génération qui est comme passée à côté de l’éducation sexuelle. Beaucoup d’entres eux n’en ont jamais eu et je trouve ça important qu’ils aient accès une éducation.»

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Au bout du fil, elle nous explique que son organisme existe depuis un an environ et qu’elle se déplace surtout dans les centres communautaires pour aller faire ses ateliers. Pourquoi aller parler de sexualité avec des aînés? « Parce qu’il y a un manque. C’est une génération qui est comme passée à côté de l’éducation sexuelle. Beaucoup d’entres eux n’en ont jamais eu et je trouve ça important qu’ils aient accès une éducation », explique-t-elle. On parle beaucoup de la sexualité des adolescents, notamment avec la polémique sur les cours d’éducation sexuelle en Ontario. La sexualité des adultes est représentée partout, tout le temps, dans les médias, à la télé, dans les publicités, mais celle des aînés est souvent oubliée ou carrément ignorée.

« C’est un mythe super intériorisé, raconte Caroline, c’est comme si après un certain âge, on avait plus droit à la sexualité. À force d’être victimes d’âgisme, les personnes âgées finissent par l’intérioriser. On les traite de vieux cochons pervers, mais on est jamais trop vieux pour le plaisir, pour la sensualité. » Cette idée que la sexualité a une date de péremption est tellement ancrée dans nos mœurs que même les personnes âgées finissent par y contribuer. Elles vont elles-mêmes dire qu’elles sont devenues trop vieilles pour avoir des relations sexuelles ou trop vieilles pour avoir du désir.

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Avec son background d’infirmière, Caroline est toute désignée pour parler de l’aspect physique du vieillissement et de ses côtés parfois un peu plus tabous. « On voit par exemple comment les parties génitales vieillissent, et l’impact que ça peut avoir sur la douleur [lors des relations sexuelles]. » Si, du côté des hommes, l’érection peut devenir plus difficile avec l’âge, les femmes peuvent ressentir des douleurs lors de la pénétration. Les ateliers de La Petite Culotte ne se concentrent pas seulement sur l’aspect pénétratif de la sexualité, mais proposent aussi des façons différentes d’aborder le sexe qui met de l’emphase sur la sensualité et le toucher.

Un safe space nécessaire

En général, ce sont des femmes qui viennent aux activités proposées par Caroline. Pour certaines d’entre elles, la sexualité à deux n’est pas une option. « Les femmes ont une espérance de vie plus élevée que les hommes et souvent l’abstinence sexuelle ce n’est pas tellement un choix qu’un concours de circonstances pour elles. Avec ces femmes-là, on va par exemple aborder la masturbation. »

«Les femmes ont besoin de se sentir normales. Une fois qu’elles se rendent compte que leur voisine vit la même chose, on parle plus ouvertement.»

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Qu’elles soient seules ou avec un.e partenaire, la douleur, les changements physiques et la lubrification vaginale sont des sujets qui reviennent souvent. « On aborde beaucoup le sujet de la ménopause. Les femmes vont poser beaucoup de questions et veulent, en quelque sorte, normaliser les changements qu’elles vivent. » Au fil des séances, et en abordant d’autres thèmes comme l’incontinence urinaire ou l’ostéoporose, ces femmes finissent par se sentir en confiance et s’ouvrent lors des ateliers. « Les femmes ont besoin de se sentir normales. Une fois qu’elles se rendent compte que leur voisine vit la même chose, on parle plus ouvertement. » En fin de compte, les ateliers deviennent souvent des safe spaces où ces femmes peuvent parler, échanger et se confier.

L’organisme de Caroline, La Petite Culotte, offre des ateliers et des ressources pour les gens de tous les âges. Pour en savoir plus, visitez le www.lapetiteculotte.ca.

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