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URBANUIT: incursion cinématographique dans l’univers des vélosexuels

Quand un film érotique montréalais met en scène vélos, hiver et abris pour baiser.

Par
Mélodie Nelson
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Je suis tombée récemment sur le court métrage Fuck Winter, dans les suggestions surprises du site de films érotiques auquel je suis abonnée, PinkLabel.tv. Créé en 2013 par la productrice Shine Louise Houston, c’est comme le Netflix de la porn indépendante (by the way, le seul moyen d’encourager une porn éthique, c’est de payer pour, alors ne vous croyez pas au-dessus de tout reproche si vous vous crossez devant des gémissements pseudo féministes sans sortir votre carte de crédit avant votre gland/clito/buttplug.)

Un igloo pour baiser

Fuck Winter c’est une incursion dans Montréal, en hiver. Je l’ai écouté avec une amie qui fait du vélo, même les lendemains de tempête. Nous étions assises l’une à côté de l’autre, sa main qui tenait mon téléphone. Après trente secondes de cyclisme, elle a voulu avancer le film, juste pour s’assurer qu’il n’y aurait pas que deux personnes en vélo pendant presque dix minutes. Nous avons finalement vu, excitées de reconnaitre des coins de Montréal, les deux protagonistes du film dans un parc, se construire un abri en neige (un peu comme un igloo) et s’y réfugier pour se toucher. C’était beau, doux, je ne ressentais même pas le froid à les regarder, mais j’avais des frissons devant les bouches, les tétons, la peau à découvert.

Tourné fin février ou début mars, Fuck Winter montre, pour Cara, à quel point «peu importe le moment de l’année, les vélos te donnent envie de baiser même s’il fait froid !»

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Cara, la réalisatrice de Fuck Winter, avait découvert l’importance de ces abris de neige à Winnipeg. Des amis en élaboraient dans leur cour, pour boire de l’alcool et fumer du pot dans un espace restreint. Un des acteurs du film en avait déjà construit un assez gros pour contenir quinze personnes. Tourné fin février ou début mars, Fuck Winter montre, pour Cara, à quel point « peu importe le moment de l’année, les vélos te donnent envie de baiser même s’il fait froid ! »

Un festival de vélosexuels pour célébrer l’énergie et la diversité humaine

À Montréal, la réalisatrice a participé au World Naked Bike Ride (elle rêve d’une édition hivernale) et trouvé qu’il y avait beaucoup de places à explorer : « J’ai de précieux souvenirs de beaucoup de boutiques de vélos communautaires, comme Right to Move, Santrovelo et le Flat. Les gens impliqués dans Bike Smut sont tous fans du Calendrier des mécanos de Montréal, qui a publié pendant plusieurs années des cyclistes sexy. »

«Pédaler, c’est sexy parce que ça fonctionne à l’énergie humaine. Les cyclistes sont sexy. Pédaler amène à tous la liberté et permet d’oser être plus proche du monde et de notre environnement.»

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Le Bike Smut auquel elle fait référence est un festival de vélosexuels, dont la passion est en lien avec la connexion entre leur moyen de transport préféré et la sexualité. « Pédaler, c’est sexy parce que ça fonctionne à l’énergie humaine. Les cyclistes sont sexy. Pédaler amène à tous la liberté et permet d’oser être plus proche du monde et de notre environnement », dit Cara.

Le fondateur du Bike Smut, Reverend Phil, s’est donné comme mission de partager les joies de pédaler. Il a déjà été arrêté pour des activités surprenantes impliquant de la nudité. Il a entre autres été banni à vie du Civic Stadium, parce qu’il a couru tout nu sur le terrain de baseball, pendant une partie. Pour Cara, qui a participé et aidé à l’organisation de quelques événements liés au Bike Smut, toute porn suggérée par le monde cycliste est un objet d’art unique et inspirant. Elle ajoute que la porn de cyclistes inclue tous les types de corps, contrairement à ce qui est vu habituellement dans l’industrie de la porn plus mainstream.

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Le vélo pour suer et mouiller de façon contre-culturelle

Éric Falardeau, conférencier et auteur de Le corps souillé : Gore, pornographie et fluides corporels et Bleu Nuit : Histoire d’une cinéphilie nocturne, précise justement en entrevue que le terme « smut », d’abord utilisé comme slang pour film pornographique, « a été réutilisé par les milieux underground, expérimentaux ou progressistes comme une manière de se positionner en marge de la pornographie “mainstream.” »

«Ces manifestations offrent des alternatives au discours ambiant et, pour cette simple raison, elles doivent exister et ont un certain pouvoir libérateur, voire révolutionnaire.»

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Pour lui, dans un événement comme le Bike Smut Festival, il y a donc « une forte connotation Do-It-Yourself, contre-culturelle. » Il souligne l’évidente importance de ce type de rassemblements, car il permet une pluralité de regards sur la sexualité, tout en encourageant réappropriation identitaire, affirmation de soi et contestation d’une puissance populaire. « Ces manifestations offrent des alternatives au discours ambiant et, pour cette simple raison, elles doivent exister et ont un certain pouvoir libérateur, voire révolutionnaire. »

Si Cara croit qu’il manque certainement du vélo dans la sexualité de tout le monde, Éric Falardeau pense également que le cyclisme a une valeur érotique. « De mon humble point de vue, je crois que le rythme du vélo évoque une rythmique sensuelle. De plus, le mouvement permet de rejoindre un certain érotisme dans ce qu’il convoque : sueurs, révélation de parties du corps, comme, par exemple, une jupe retroussée, la selle… » Quand on ajoute au vélo l’activité physique de construire un igloo et de s’y embrasser, je suis conquise et mouillée.

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