Allô! Je m’appelle Geneviève*, je suis une femme cis hétéro et je vais vous raconter comment j’ai fini par redécouvrir et adorer le sexe anal grâce au féminisme.
La première fois que j’ai essayé le sexe anal, j’étais un peu saoule, avec un amant d’un soir à 5h du matin. J’ai pas réussi à tougher 30 secondes: ça faisait mal, je me sentais trop vulnérable, pas assez excitée et surtout, j’étais pas à l’aise avec l’attitude de mon partenaire du moment.
Par la suite, il s’est passé plusieurs années sans que je m’adonne à cette pratique, le souvenir du coït douloureux me dissuadant chaque fois que j’y pensais. En fait, un mystère planait encore depuis cette nuit-là: je n’avais toujours pas réussi à mettre des mots sur mon malaise par rapport à l’attitude du gars.
C’était comme s’il aimait trop ça. C’était comme si j’étais disparue à ses yeux et que la perspective de mettre son pénis dans mon rectum l’excitait plus que ma personne ou même ma présence.
Des fois, par curiosité, je regardais des scènes de sexe anal sur Pornhub. Les vidéos les plus populaires portaient souvent des titres comme «My First Anal» ou «Teen Gets Huge Cock in her (Painful)». Je voyais les visages crispés des actrices pendant qu’elles se faisaient pénétrer et, à travers leurs gémissements, sortait souvent un cri qui tenait plus de la douleur que de la jouissance. Que les expressions aient été jouées ou sincères, ç’a aussi contribué à mon opinion défavorable de cet acte.
L’épiphanie
Puis un jour, j’ai lu Le Principe du cumshot, un essai de Lili Boisvert qui parle du désir des femmes comme étant prisonnier des clichés sexuels. Jusque là, c’était intéressant. Mais une fois arrivée au troisième chapitre intitulé «Le devoir de pureté», j’ai vu défiler sous mes yeux les mots exacts traduisant le malaise que je ressentais par rapport au sexe anal.
Je cite Lili:
«Dans le principe du cumshot, il ne suffit pas que la femme soit une cible. Il est aussi très important que cette cible soit pure pour qu’il soit excitant de la salir.»
En d’autres mots, et en utilisant les fameux archétypes féminins du patriarcat: ce qui excite les hommes, c’est d’avoir le pouvoir de transformer la vierge en putain.
Mon expérience du sexe anal avait ainsi connoté cette pratique comme un acte de domination, mais surtout de rabaissement.
Mon expérience du sexe anal avait ainsi connoté cette pratique comme un acte de domination, mais surtout de rabaissement. Ajoutez à ça l’héritage judéo-chrétien ambiant voulant que le sexe anal est «mal», «sale» et «tabou», j’ai bien compris pourquoi je n’avais aucun désir de tendre la fesse à un dude obnubilé par l’idée de transgresser mon corps pour le dominer et le salir. Il est où MON fun, là-dedans?
Je veux juste préciser ici, au cas où vous ne l’aviez pas remarqué, que je parle de mon expérience, de mes idées préconçues sur le sexe anal, de mes intérêts et valeurs, et donc qu’il n’y a aucun jugement envers les hommes qui aiment le sexe anal pour les raisons que j’ai nommées et aucun jugement envers les femmes qui aiment le sexe anal pour les raisons que j’ai nommées.
La bonne personne
C’est avec une fréquentation un peu plus sérieuse que j’ai reconsidéré le sexe anal. Au début, quand il me parlait de son intérêt pour la chose, je répondais presque automatiquement que je n’aimais pas ça, que ça me faisait mal, que je trouvais ça réducteur. Mais, j’étais curieuse de savoir pourquoi lui ne considérait pas ça comme quelque chose de rabaissant pour la femme.
Il intégrait littéralement le sexe anal dans sa définition de «faire l’amour», parce que pour lui il s’agissait d’une occasion de connecter de façon profonde (lol) avec quelqu’un.
Selon son expérience avec ses anciennes amantes, il me disait que c’était pour lui presque l’acte suprême d’intimité sexuelle, que, comprenant et honorant la vulnérabilité de sa partenaire, il envisageait ça avec écoute et respect. Il intégrait littéralement le sexe anal dans sa définition de «faire l’amour», parce que pour lui il s’agissait d’une occasion de connecter de façon profonde (lol) avec quelqu’un.
Tranquillement, l’inquiétude a fait place à la curiosité. Je voulais vivre avec lui cette intimité. Je voulais savoir si, une fois relaxée, horny et en confiance, j’arriverais à éprouver des sensations physiques agréables et peut-être même, qui sait, un orgasme?!?!?
Boy OH BOY que je n’ai pas été déçue.
Un nouveau moooooooonde
Je me souviens encore d’un orgasme immense, à rouler des yeux comme une possédée, quelque chose que je n’avais jamais vécu avant. Je me souviens être devenue complètement obsédée par le sexe anal. Je voulais tout essayer: anal tout court, anal + vibrateur, anal + dildo, trip à 3 avec double pénétration, etc.
En changeant de perspective de cet acte et en le pratiquant avec un partenaire qui partageait la même vision que moi et en qui j’avais confiance, j’avais réussi à élargir (re-lol) mes horizons sexu et j’en étais tout heureuse.
Étant actuellement célibataire et ne recherchant pas à être en couple, je ne pense pas que je m’adonnerais aux fesses avec n’importe qui, mais je reste une adepte enthousiaste (parfois même en solitaire) et j’espère bien trouver sur mon chemin quelques partenaires partageant ma perspective, avec qui je pourrai pousser plus loin (je fais même pas exprès) l’exploration de ma sexualité.
* Prénom fictif