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Urbanisme: si le «jaywalking» était légal

Chou les intersections!

Par
Gabrielle Anctil
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Levez la main si vous respectez TOUJOURS le Code de la route quand vous vous déplacez à pied. Ouin, moi non plus. Au moins, on n’est pas seuls : en 2016, 22 304 piétons ont reçu des contraventions à Montréal seulement. Ça fait beaucoup de traversées illégales ça.

C’est clair, la sécurité de ceux qui se déplacent à pied doit être améliorée. En 2016, 63 piétons sont décédés sur les routes du Québec, une hausse de 40 % par rapport à l’année précédente. Ça fait plus qu’un piéton par semaine.

« En fait, 55 % des piétons tués ont plus de 65 ans. Le piéton délinquant, c’est une grand-mère ! », explique Jeanne Robin, porte-parole de Piétons Québec.

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On serait porté à croire que la solution est de sévir contre les piétons qui désobéissent à la loi, c’est à dire ceux qui traversent n’importe où sans lever le nez de leur cellulaire. Mais ce serait tout faux.

« En fait, 55 % des piétons tués ont plus de 65 ans. Le piéton délinquant, c’est une grand-mère ! », explique Jeanne Robin, porte-parole de Piétons Québec. Pas exactement une poule pas de tête.

Et si, à la place, on légalisait le bon vieux jaywalking (traverser une rue de manière illégale, souvent entre deux intersections) ? Ça a l’air contre-intuitif, mais certains y croient. « Les piétons qui traversent en dehors des zones prévues savent ce qu’ils font », dit Jeanne Robin. Il faut se défaire de l’idée du piéton qui agit sans réfléchir.

Elle identifie même plusieurs endroits où ça pourrait se faire : « dans les rues locales ou commerçantes où la vitesse automobile est réduite, ça serait tout à fait logique de laisser les piétons traverser un peu partout. » On légaliserait ainsi une pratique déjà courante — qui n’a pas déjà traversé une rue déserte alors que le feu était rouge ? — et on forcerait aussi les automobilistes à rester sur leurs gardes.

Par contre, les rues où le jaywalking serait légal auraient besoin d’un bon coup de design : « la rue idéale pour ça serait une rue étroite, avec du mobilier urbain ou un pavage différent, qui amènerait les automobilistes à ralentir », estime Sébastien Lord, professeur d’urbanisme à l’Université de Montréal.

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Adieu intersections

Un autre avantage du jaywalking, c’est qu’il permet aux piétons d’éviter les intersections. Et il y a de quoi vouloir les fuir : c’est là que plus de la moitié des collisions impliquant des piétons se produisent, selon la SAAQ.

« Il est beaucoup moins dangereux pour un piéton de traverser en plein milieu d’une ligne droite alors qu’il n’a qu’à regarder à gauche et à droite avant de s’engager dans la rue. »

« Aux intersections, le cerveau des automobilistes est bombardé d’informations : signalisation, cyclistes, piétons qui traversent, arrêts d’autobus. S’ensuit une situation dangereuse, même si tout le monde est prudent », explique Jeanne Robin. Les passages piétons placés entre deux intersections, devant une école par exemple, sont plus logiques, selon elle. « Il est beaucoup moins dangereux pour un piéton de traverser en plein milieu d’une ligne droite alors qu’il n’a qu’à regarder à gauche et à droite avant de s’engager dans la rue. »

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Il ne faut pas non plus diaboliser les coins de rue. « Pour beaucoup de gens, traverser à l’endroit convenu est beaucoup plus sécuritaire », rappelle Sébastien Lord. C’est par exemple le cas des personnes âgées ou des enfants, qui peuvent se concentrer sur la chaussée en laissant aux feux de circulation le soin de les protéger.

Pas vraiment interdit ?

Le jaywalking est-il vraiment illégal ? Selon le code de sécurité routière, un piéton peut traverser une rue « lorsqu’il n’y a pas d’intersections ou de passages pour piétons clairement identifiés et situés à proximité », après avoir cédé le passage aux automobilistes et aux cyclistes. Mais la définition de « à proximité » n’est pas spécifiée. Vous essayerez ça la prochaine fois qu’on vous donnera un ticket de jaywalking.