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UQAM: pas de cuisine populaire, juste du spag’ à 8 piasses

Par
Aurélie Lanctôt
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Hier, dans le pavillon Judith-Jasmin de l’UQAM, a eu lieu un beau et curieux moment de solidarité. Par contre, rien n’indique qu’il pourra se produire à nouveau.

Bon, je ne veux pas vous emmerder avec des estudianteries, mais l’affaire mérite qu’on y prête attention.

Je disais donc qu’hier, dans le Judith-Jasmin (le gros bâtiment brun sur Maisonneuve), s’est déroulé sans encombre le tout premier souper populaire organisé par le Ras-le-bol, un rassemblement étudiant qui milite pour l’instauration d’une soupe populaire ouverte à tous, à l’UQAM.

Une initiative toute simple qui pourrait donner un sacré coup de pouce à ceux qui, parmi les étudiants, sont trop souvent relégués à la « diète Ramen ». Doit-on réitérer que la précarité financière est une réalité chez bien des étudiants ? Bon.

Alors voilà, hier, ils ont fait un essai. C’est tout simple : il y avait de la nourriture, chaude, saine et gratuite, offerte à quiconque voulait bien s’arrêter un instant et se mêler à la foule. Pour le coup, le repas avait été concocté par le People’s Potato, l’équivalent du Ras-le-bol, mais à Concordia. C’était tout à fait charmant, paisible et convivial – et, pour le moins qu’on puisse dire, y’avait du monde à messe. Après tout, au-delà d’une soupe populaire, c’était aussi une formidable occasion de se rencontrer.

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J’ai été y passer un moment, m’éclipsant de mon cours en douce, curieuse de voir si la sécurité de l’UQAM y ferait l’énième démonstration de sa proverbiale psychorigidité…

Parce que voilà; le truc, c’est que, pour une raison obscure, l’UQAM s’oppose farouchement à l’implantation d’une soupe populaire entre les murs de l’établissement. Ça fait des années que différents groupes étudiants élaborent et soumettent des projets à l’administration de l’université, pour qu’on puisse mettre sur pied une cuisine populaire permanente en bonne et due forme. Un maudit beau projet, si vous voulez mon avis. Y’a objectivement pas de « moins bon côté » – franchement. Surtout qu’il s’agit d’un moyen simple et fonctionnel de soulager, ne serait-ce qu’un tantinet, le stress financier des étudiants les moins nantis. Des toasts à l’anxiété, ça passe de travers avant un gros examen…

Mais l’UQAM s’entête à refuser, coup sur coup. Et pas rien que ça. Semble-t-il que par le passé, on ait même menacé lesdits groupes de retirer leurs subventions ou leurs locaux, s’ils continuaient d’insister. Un gros « non » gras-souligné-taille-72, musèlement en prime. Charmant.

Et vous savez quoi? Le plus absurde, c’est que les infrastructures sont là. Il y a une cuisine fonctionnelle, des tables et des chaises à l’abandon, au 2e étage du Judith-Jasmin, comme indiqué sur la photo. Mais elles vedgent, elles prennent la poussière dans un coin, alors qu’on pourrait facilement les mettre à la disposition d’un groupe désireux d’assurer la gestion d’une soupe populaire.

Mais non. Ah bon.

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Étrange réticence que celle-ci. L’UQAM est d’ordinaire la plus « humaniste » des universités, il me semble que c’est une évidence. Foyer de toutes les révoltes, terreau fertile pour les idées progressistes, les groupes et les penseurs plus-que-favorables au renforcement du tissu social… À mon sens, s’il y a quelque chose dont cette université peut légitimement s’enorgueillir, c’est bien ça!

Qu’est-ce qui accroche, là?

D’autant plus que nous avons, dans la métropole, deux exemples de cuisines populaires universitaires qui fonctionnent à merveille. Concordia et son People’s Potato, tel que mentionné tout à l’heure, officient depuis 1999. Cinq jours par semaine, ils servent gratuitement plus de 400 repas aux étudiants du campus. Même chose à McGill (oui, à McGill), avec le Midnight Kitchen. De la bonne bouffe végétalienne pour les étudiants, qu’on invite à laisser une contribution volontaire – ou pas. Et dans ce topo, diffusé par CTV en septembre, il est même mentionné que McGill subventionne une partie des activités du Midnight. On est loin des menaces de représailles…

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Et, par ailleurs, vous pourrez noter dans ce reportage que le fait de distribuer gratuitement de la nourriture ne semble pas avoir incité les gens à l’anarchie et au désordre. Je dis ça comme ça.

Alors qu’est-ce qui se passe, UQAM? Il doit certainement y avoir une raison qui justifie une telle réticence. Mais de quelle nature est-elle? Les assurances? L’hygiène?

Ou alors aurait-on peur de froisser les traiteurs privés avec qui l’établissement fait affaire? Ah! Tiens tiens.

Well. Je ne voudrais pas présumer quoi que ce soit, mais en refusant l’implantation d’une cuisine populaire, on peut soupçonner que l’UQAM, soi-disant « université du peuple », préfère laisser l’entièreté de son « offre alimentaire » entre les mains d’entreprises privées, qui (honnêtement) ne vendent que de la nourriture très moyenne et relativement chère.

Certes, il y a des cafés étudiants comme le Café Aquin (qui, en plus, est autogéré) ou le Philanthrope, qui offrent des denrées intéressantes à bas prix et auxquels il serait dommage nuire. Mais force est d’admettre que ce n’est pas eux qu’une cuisine populaire pourrait « menacer », puisqu’ils ne servent pas de repas chauds. Et encore, j’insiste sur les gros guillemets qui encadrent la menace. D’abord et avant tout parce que déjà, un étudiant aux prises avec des soucis budgétaires ne mange certainement pas le spaghetti à 8-piasses-avec-genre-même-pas-le-pain-inclus de la cafétéria, pour dîner…

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Mais au-delà de considérations strictement pécuniaires, une cuisine populaire c’est également (et surtout) une initiative communautaire exemplaire. Et il me semble qu’une université est le lieu idéal pour en implanter une. Ne serait-ce que pour rappeler que nos établissements universitaires ne sont pas que des usines à produire des « professionnels ».

Peut-être, justement, faudrait-il le rappeler aux pères de « L’effet UQAM »…

***

Aparté:
Je veux simplement en profiter pour adresser un mot à tous ces ingénieurs et futurs ingénieurs qui voient leur profession salie par une poignée d’individus malhonnêtes, à la commission Charbonneau ces derniers jours.

Il ne faudrait pas oublier que le génie est une discipline formidable et complexe, et qu’il serait dommage que sa réputation soit ternie irrémédiablement. Surtout vu la quantité monstre de travail, de détermination et de passion qu’il faut pour devenir ingénieur…

Alors voilà, moi, je suis génie-solidaire et j’espère que la « relève » saura faire oublier les frasques révélées ces derniers jours à la Commission!

***

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Et moi, sur twitter, c’est @aurelolancti !