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Une visite au Musée de l’absurde, le QG du Parti Rhinocéros

Là où chaos et convictions politiques cohabitent sous le même toit.

Par
Zoé Arcand
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Ça pourrait être une colocation comme les autres. Six personnes qui partagent un appartement dans le quartier Centre-Sud, rien pour appeler sa mère.

Sauf que…

… les quatre murs de l’appart en question abritent deux candidats du Parti Rhinocéros : Tommy Gaudet, candidat dans Ville-Marie—Le Sud-Ouest—Île-des-Sœurs, et Chinook Blais-Leduc, candidat dans Hochelaga.

… et sauf qu’un 7e coloc y habite : le Musée de l’Absurde. Oui, un vrai musée qui propose « une collection en permanente évolution qui pointe le regard sur l’absurdité inhérente des médias de masse », comme on peut le lire sur la page Facebook de l’endroit.

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Et comme c’est ouvert au public, on est allé faire une visite. Suivez-nous!

La cuisine

Le 1803 Saint-Christophe est un peu comme un marché aux puces. Coupures de journaux dans tous les coins, bibelots, collection de Pruneau de Passe-Partout suspendus, pénis en bois ou en plastique qui pendouillent du plafond de la cuisine : impossible de poser le regard sur quelque chose d’ordinaire.

C’est Chinook qui m’accueille dans l’humble demeure. Le chef du parti, Sébastien CoRhino, nous attend dans la cuisine pour commencer la visite. Tommy nous rejoindra plus tard. Des cadres tapissent les murs, mais l’oeuvre qui vient le plus me chercher, c’est le beau dessin de Pruneau sur le crack.

«En ne votant pas et en ne faisant rien, les citoyens finissent implicitement par endosser le pouvoir en place.»

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Bien que ce parti (et cet appartement) semble chaotique, il y a un raisonnement derrière cette promesse d’absurdité. Avant ma visite, j’avais passé un coup de fil au musée pour prendre quelques informations. « Il y a toujours eu une vague de pouvoir qui fonctionne par l’humour » m’avait alors expliqué Tommy Gaudet, en donnant l’exemple du fou du roi qui, au Moyen Âge, était le seul à pouvoir critiquer le roi par rapport à son odeur.

Le Parti rhinocéros donne une voix à ceux qui ont des penchants anarchistes, tout en offrant une option autre que celle de l’abstention. « En ne votant pas et en ne faisant rien, les citoyens finissent implicitement par endosser le pouvoir en place », avait-il ajouté.

Mais bon, je m’égare. Retour à notre visite.

Chinook Blais-Leduc

Chinook prend son rôle de guide et de représentant du parti très au sérieux. Voyant ma caméra, il s’excuse: « attend un peu je vais aller chercher quelque chose ». Il revient quelques secondes plus tard avec un chapeau de cowboy orné d’une corne, l’air fier.

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En plus d’être bien habillé, Chinook Blais-Leduc est un homme dédié: quelques fois par semaine, il fait son jogging dans Hochelaga, clochettes aux pieds, en criant « VOTEZ RHINOCÉROS ». Peu de temps avant notre rencontre, il s’était même rendu au CÉGEP de Maisonneuve avec une boîte à suggestions pour sonder les élèves en âge de voter.

Selon le chef, Chinook est le rhinocéros qui risque d’avoir les meilleurs résultats, justement à cause de toute la fougue avec laquelle il fait campagne. « Ce gars-là est un osti de ninja. Il fait des choses que même moi je ne fais pas et que je devrais faire » dira-t-il, admiratif.

On l’oublie souvent, mais les rhinocéros sont en campagne « pour vrai ». Plusieurs candidats rhinocéros, dont les deux colocataires du 1803 Saint-Christophe, souhaitent avoir un siège à la Chambre des communes.

Loin des yeux…

Leader suprême. C’est le titre que s’est donné le chef du parti. C’est sa première visite guidée à lui aussi. « J’ai la clef, je suis souvent venu ici, mais j’ai jamais visité en bonne et due forme » avoue-t-il. Comme dirait Chinook « une clef de char et la clef du musée de l’absurde, c’est tout ce qu’il faut pour conquérir le Canada. »

La présence du parti a toujours été plus marquée dans la métropole. Sur les 40 candidats rhinocéros (répartis dans 6 des 10 provinces), une dizaine oeuvrent ou résident dans le grand Montréal.

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Justement, parlant de char, un des principaux problèmes du parti, c’est que le chef habite à six heures de Montréal. «Je me sens un peu isolé, des fois j’aimerais ça être en ville et avoir un feeling de gang», avoue Sébastien. La présence du parti a toujours été plus marquée dans la métropole. Sur les 40 candidats rhinocéros (répartis dans 6 des 10 provinces), une dizaine oeuvrent ou résident dans le grand Montréal.

C’est d’autant plus difficile de s’organiser pour un petit parti quand le chef est isolé. Travailler par internet n’est pas toujours facile, ce qui fait que seulement trois ou quatre membres du parti ont participé à la construction de la plateforme rhino. « Quand le chat est parti, les souris dansent » dit Chinook en lançant un clin d’oeil. Sébastien, pas débiné pour deux sous, ajoute qu’en fait, il espère que ses candidats font des choses dans son dos.

En parlant, on passe de la cuisine à la salle de bain.

Trois rhinocéros dans 2 mètres carrés

« Ça c’est la pièce où tout a commencé : la toilette », m’annonce Chinook en franchissant la porte de la salle de bain. « Tommy ne voulait pas manquer une seule seconde de ses émissions, alors il a installé une télé juste au-dessus de la toilette ». Pas bête. Apparemment, il y aurait 18 ou 19 écrans dans l’appart.

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À l’intérieur de la pièce, sous la télévision et au-dessus de la cuvette, trône la Charte des droits et libertés. Mon guide et son accompagnateur ont suivi mon regard et en profitent pour faire dévier la conversation sur les failles du système de justice canadien. Je vous épargne les détails, mais la conclusion qu’en tire Sébastien CoRhino, c’est que « le système de justice au Canada, il sert à l’élite pis à ceux qui savent et comprennent comment ça marche. Il ne sert pas au Canadien ordinaire. »

« Vous jasez dans la salle de bain? » nous interrompt un visiteur, l’air surpris. On réalise que ça fait 15 minutes qu’on parle pognés dans la minuscule espace. C’est peut-être le signal qu’on attendait pour passer au salon pour compléter la visite.

Le salon

La salle de séjour est en quelque sorte le clou du spectacle. Sur les murs, on peut y retracer tout un pan de l’histoire du Québec. Des coupures de journaux (encore) et de magazines à potins tapissent chaque centimètre carré des murs, du plancher au plafond. « J’ai commencé ça en 1993. Je l’ai écrit là, j’étais tanné qu’on me le demande », dit-il en pointant une affiche sur laquelle la date de début de ce projet de tapisserie nouveau genre est affichée clairement.

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Dans un coin, le leader suprême fouille dans son sac. Il en sort un jeu de société intitulé « Le référendum de 1995 ». Je saute sur l’occasion pour lui demander quelle est la position du parti sur l’indépendance. J’apprends qu’il n’y a pas vraiment de ligne de parti chez les rhinocéros, mais que la position du chef, c’est que s’il devient premier ministre, toutes les provinces n’ayant pas signé la constitution seraient éjectées de la confédération.

Sur ce, ça cogne à la porte. Maxime Bernier en personne, le vrai, pas celui du PPC, fait son entrée dans le musée de l’absurde, accompagné de Jean-Partick Berthiaume, candidat dans Papineau (et également chef du Bloc Pot au provincial). C’est d’ailleurs le stunt de trouver un Maxime Bernier qui les a (re)mis sur la map. « On a beaucoup plus d’attention médiatique depuis cette annonce », se réjouit Sébastien CoRhino.

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Cela dit, lui et Chinook comparent l’attention médiatique offerte à leur parti et au Parti Populaire. Les deux hommes politiques se désolent de voir qu’ils ne sont pas invités aux débats locaux alors que le PPC, « qui est littéralement un parti de gros morons » y est invité.

Les boys s’installent au salon et commencent à jaser. Ça rit, ça parle fort. Les rhinocéros semblent avoir pas mal de fun, et il semble que ce soit l’heure de rentrer à la maison, dans un appart qui n’est malheureusement ni un musée, ni le QG d’un parti politique.