Une ville en mode itinérance

L’auteur Simon Painchaud nous propose des reportages poétiques pour prendre le pouls du vivant pendant la crise actuelle. Pour lire ses précédents reportages, c’est ici.

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Montréal Boston Paris Londres les mêmes clichés de commerces vides rues désertes ponts illuminés mais pas de photos des humains valises qui marchent sur les ampoules brisées d’avril ceux qui flottent dans les corridors de vent ces humains cordes à linge sale pas d’adresse drap sur la tête pas de visage pas de signal dans la ville en mode itinérance

au coin Sainte-Catherine et Atwater je suis les traces de ceux toujours de passage qui apparaissent lorsqu’ils muent au printemps laissent tomber un gant délestent un soulier trop grand je suis leurs miettes jusqu’aux tentes de fortune cookies érigées dans ce village viking ils sont massés là sous la statue de Cabot je découvre les côtes saillantes de l’Amérique

ils rient dansent sifflent leur présence de morceaux détachés du monde deux épaisseurs de pantalon une casquette des Canadiens un manteau de ski-doo je reconnais l’habit de l’épouvantail aussi corbeau

les renards ont repris Fukushima les ours ont repris Tchernobyl s’il est vrai que la nature a horreur du vide il est vrai aussi que le vide a horreur de leur nature

population d’itinérants à Montréal : 3000

photos d’itinérants dans nos médias : 0

je m’approprie à distance leurs fragments et je suis toujours incapable de voir le visage des fantômes du forum

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Simon Painchaud est un homme de parole. Il écrit pour faire entendre celle des autres, et pour comprendre la sienne. Entrepreneur dans le très vaste champ du «contenu», il écrit aussi de la poésie. Son premier recueil Nul si découvert est sorti juste avant que les librairies ne soient elles aussi confinées.