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Une tempête de neige en gougounes

On est allés fêter Noël au camping de Wotton

Par
Hugo Meunier
Hugo Meunier
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En parcourant les mots « Noël des campeurs », les mêmes images nous viennent toutes spontanément en tête : Père Noël en kart de golf, jeux gonflables, lutins en gougounes et musique de circonstance.

C’est pas mal ça qu’on a vécu – et même plus – en prenant la route du camping de la rivière Nicolet, situé à Wotton en Estrie.

« On », parce que je suis accompagné pour cette mission d’Édouard, un réalisateur en herbe et, accessoirement, le fils de Philippe, le big boss d’URBANIA.

Traduction: pas le choix de le trouver formidable et d’être d’accord avec tout ce qu’il fait/dit pour conserver mon emploi.

– Salut, Édouard!

– Salut Francis!

– Haha oui, Francis, c’est exactement ça, mon prénom! Haha!

Whatever… (s’endort sur le siège passager pendant que je conduis les deux mains sur le volant pour être sûr de ne pas tuer mon futur patron).

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Je niaise, c’est un bon djeune. Il a 18 ans et m’a beaucoup plus parlé en quatre heures de char que mon fils depuis la pandémie.

Parce que c’est loin en estifi, ça, Wotton. Pas mal certain que personne ici n’avait entendu ce mot ailleurs que pour désigner la bonne soupe Wotton*.

*Oui, je mérite une mort lente et violente.

Il faut abattre deux heures et quart d’asphalte pour atteindre le camping. Au moins, les paysages sont magnifiques à mesure qu’on approche. Les organes du matin se sont dissipés, ne restent que de gros nuages fluffy, comme dans le générique des Simpsons.

Sur place, on perçoit les premières notes d’une reprise de La Bottine Souriante.

Que c’est charmant, chez nos parents,

C’que ça sent bon, dans nos vieilles maisons.

Un mash-up de Noël et du Jour de l’an, ça promet.

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La voix de d’Yves Lambert se fait enterrer par les cris d’enfants en train de vivre leur plus belle vie, en pleine simulation de tempête de neige avec un canon à mousse, dans la pataugeoire. L’effet est hautement réussi, aidé par des bourrasques qui font revoler des flocons de mousse partout sur le site.

« Nous, on est des amateurs de skidoo et on n’a pas eu de neige cet hiver, faque on a trouvé une place où ils font de la neige en juillet. On vient en profiter avec les enfants », s’exclame Charles, un papa croisé dans la mousse avec son fils, Caleb, et Ludovic, l’ami de ce dernier.

Il y a certaines limites avec le potentiel d’entrevue avec des mioches, mais si je résume en substance : les enfants sont contents d’être ici, ils s’attendent à voir le VRAI Père Noël et ont tous été sages cette année, même ceux qui ont l’air de petits haïssables.

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Je retourne à l’accueil, où je croise Édouard en train de prendre quelques images des lutins en train de se faire maquiller par Catherine, d’Animations Kiwi.

– Yo Édouard, fais attention de ne pas spoiler le Père Noël aux enfants, ils y croient encore.

– Hein?!? Pourquoi ils n’y croiraient plus?!?

– Euh…je…oublie ça…

En attendant le Père Noël, les propriétaires du camping, Louis-Charles et Karine, s’affairent aux derniers préparatifs. Avec sa blonde, Louis-Charles a repris le camping, qui appartient à sa famille depuis plus de 50 ans.

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« Le Noël des campeurs a toujours été une tradition, une façon de mettre de la magie dans l’été », souligne celui dont le camping de 86 sites et quelques chalets affiche presque complet. « On a une clientèle de courte durée qui revient à chaque année, parfois même sur plusieurs générations. Mais nos clients, c’est d’abord les enfants », assure le sympathique propriétaire.

La plupart des campings saisonniers célèbrent Noël en grande pompe la fin de semaine, avec des rues décorées et des lumières.

Celui de Wotton est l’un des rares à marquer le coup le jour même.

Au fait, ça remonte à quand et où, le Noël des campeurs?

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Selon mes recherches, c’est pas clair. Un peu comme la poutine, dont quelques municipalités revendiquent son invention (Drummondville ou Warwick?!?), plusieurs campings se disputent la paternité de cette tradition estivale. Paraît que c’est au camping de Rouville, en Montérégie, qu’elle aurait été instaurée, dans les années 60.

Mais l’origine du Noël des campeurs remonterait en réalité à bien plus longtemps, à l’époque où les familles québécoises avaient de la misère à se réunir en plein hiver à cause de la météo de marde. Les familles profitaient alors des vacances d’été pour se retrouver autour d’une bouffe et se donner des cadeaux. Et comme ça rassemblait beaucoup de monde pour l’hébergement disponible, ça aurait ouvert la voie au camping. Genre.

Ah, et sinon, le 25 juillet marque la moitié de la saison de camping (eh oui la moitié de l’été, déjà 🙁).

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Fin du contexte historique; le Père Noël s’amène au volant d’une voiturette de golf, flanqué d’une lutine.

Les enfants sortent de la pataugeoire de mousse pour aller à sa rencontre. Les moins gênés vont le voir, les autres mangent une molle trempée dans le chocolat, en bedaine sur des tables à pique-nique.

– Ho-ho-ho! Avez-vous été sages? Vous voulez quoi, comme cadeau?

Le Père Noël s’installe dans une chaise Adirondack en répétant ses classiques.

La petite Maeva, 4 ans, le regarde avec des étoiles dans les yeux, tout le contraire du traditionnel bébé qui braille quand sa mère le traîne devant.

– Tu veux quoi comme cadeau, toi, Maeva?

– Une trousse de maquillage.

– Ho-ho-ho!

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Le Père Noël n’a pas traîné de trousse de maquillage pour la petite Maeva, mais il sort d’un sac un bâton lumineux qu’il offre aux enfants.

Avec les canons à mousse, le site promet de se transformer en Beachclub en soirée.

À la défense du Père Noël, c’est la première fois qu’il joue ce rôle, en été comme en hiver. « La mère de ma blonde travaille ici et on m’a demandé de faire le Père Noël pour dépanner », souligne Will, un baraqué de 26 ans, qui prend néanmoins son rôle au sérieux.

Derrière sa caméra, Édouard sourcille un peu en voyant le Père Noël en action.

– Je ne savais pas que le Père Noël avait un piercing…

– Ben, tu as compris que c’est un dude déguisé, hein? Parce que le Père Noël n’existe pas vraim…

– KWAAAA!

Le temps file. C’est le moment de laisser le Père Noël, la lutine Prunelle et tous les autres derrière, en gougounes.

Je prendrais volontiers une ride de traineau magique pour rentrer à Montréal, plutôt que de me retaper deux heures et quart de Kia Rondo.

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Avant de s’assoupir à nouveau sur le siège passager, mon jeune collègue abandonne derrière une partie de son innocence.