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Le philosophe disait, si vous offrez l’aumône, faites-le dans l’anonymat, si vous êtes charitable, faites-le dans la discrétion. Il n’a pas tort, s’il nous arrive quelques fois de donner des sous à un sans-abri, la décence nous dicte de ne pas nous en vanter sur les réseaux sociaux à coup de filtres et de hashtags. Certaines personnes dans le besoin ont déjà une vie en sépia, de grâce, ne les filtrer pas via Instagram pour gratter des likes.
Pourtant, certains ne vont pas s’en gêner comme nous l’a si bien fait remarquer Patrick Lagacé dans son article Pimpe ton pauvre.
Le député de la CAQ François Paradis nous a offert sur sa page Facebook personnelle une vidéo intitulée « Une surprise extraordinaire pour Noël! »
Oui, le titre est annonciateur de montage vidéo cheap et d’une musique de Noël d’allée de Provigo, mais on se dit que c’est pour une bonne cause. Celle de promouvoir le comptoir alimentaire Le Grenier qui offre des centaines de paniers d’épiceries aux gens dans le besoin. Là où le bât blesse, c’est dans la tentative calculée de l’ancien animateur de TVA en direct de se faire du bénéfice politique sur deux femmes en situation de vulnérabilité financière.
Dans les premières minutes de la vidéo, ces femmes, Marie-Claude et Diane nous confient leurs déboires, nous livrent leurs histoires émouvantes qui nous convainquent d’une chose : la malchance rôde et nous guette tous. Bref, nous sommes touchés, émus. Et là, à la quatrième minute du vidéo, pluie de flocon, musique de clochette, le député de Lévis entre en scène.
Entrée messianique, sans s’annoncer, il somme Marie-Claude et Diane de le suivre: hop hop, mettez votre manteau, je vous sors. Même principe qu’à Occupation double, François Paradis va chercher « les candidates » pour leur annoncer la nouvelle. Laquelle? Est-ce que leurs prestations à l’aide sociale seront bonifiées? Est-ce un plan clair pour endiguer la pauvreté? Non, rien de tout ça. Il leur offre une virée dans un centre commercial. Pour cacher la pauvreté, il faut l’embellir, et quoi de mieux qu’une permanente offerte par le salon de coiffure pour tout oublier. Et évidemment, selon les dires du député, tout ça est bien joli, mais il manque quelque chose : quoi? Des vêtements à la mode pour bien déguiser le malheur.
On glisse dans une triste mascarade, d’un côté des émotions réelles, deux femmes comblées par tant d’attention, par autant de largesse, et de l’autre côté, l’intention calculée, le poids de Machiavel. Un spectacle monté sur le dos de la pauvreté, un show bâtit pour quoi finalement, pour qui? Pour Marie-Claude? Pour Diane? Leurs joies, leurs larmes dissimulées, elles sont réellement ravies, mais demain, lorsque le caméraman les aura quittés, mais l’année prochaine, lorsque le député ne viendra pas leur faire un make over, qu’adviendra-t-il d’elles? Elles sombreront dans l’oubli évidemment, tandis que François Paradis touchera son faramineux salaire de député pour se payer d’autres coups publicitaires, car oui, tout ça n’est que publicité.
Pour lire un autre texte de Hamza Abouelouafaa: « À la rencontre de Sandro l’affuteur de couteaux »