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Une rentrée scolaire avec les COVID-busters

Plus d'enthousiasme que de stress à Saint-Joseph-de-Coleraine.

Par
Jasmine Legendre
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Lundi matin, 7h15. Surprise! Il y a du trafic sur la route 112 qui mène à Saint-Joseph-de-Coleraine. J’avais presque oublié que c’était possible. Depuis une semaine, la vie reprend son cours dans la MRC des Appalaches, où l’on dénombre seulement 27 cas de COVID-19 depuis le début de la crise.

Sans les mesures de distanciation sociale et les commerces fermés les dimanches, on pourrait presque croire que la menace invisible ne s’est pas rendue dans ma région natale.

Comme une autre touche de normalité, des écoliers marchent sous le soleil, boîte à lunch à la main, en route vers l’école primaire Sainte-Bernadette.

Déguisé en homme sandwich, le directeur Manuel Granger accueille à la porte la soixantaine d’élèves âgés de 4 et 12 ans, qui feront leur retour sur les bancs d’école. « Bon matin les parents. Merci de nous confier vos enfants. Nous en prendrons bien soin », peut-on lire sur ses pancartes ornées d’arcs-en-ciel.

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Le directeur demande également aux parents de ne pas rentrer sur le terrain scolaire, de manière à faciliter la distanciation sociale. Même les fratries sont divisées lorsqu’ils pénètrent dans la cour d’école. J’ai dû porter un masque pour entrer et j’observe la scène de loin. Ici, je suis un potentiel virus ambulant de Montréal, il n’y a pas de risque à prendre.

« Je lui ai mis une bouteille de Purell dans son sac ce matin. Est-ce qu’il va pouvoir la ramener à la maison pour la remplir? », se questionne un parent en déposant son enfant aux limites de la cour d’école. Négatif. Pour éviter les risques de contamination inutiles, les nouveaux objets du quotidien COVID-19 devront rester dans les pupitres. Même les manuels scolaires ne reviendront pas à la maison le soir.

D’ici la fin de l’année, c’est congé de devoir pour tous les étudiants.

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« Salut Hugo, sais-tu c’est quoi deux mètres? », demande Manuel à un enfant sortant de l’autobus scolaire. Le gamin recule en souriant, il comprend le principe. Je regarde autour, les enfants sont répartis en groupuscules, à distance respectable. « Ça gèle les mains », rigole plus loin un garçon qui vient de se faire asperger d’eau et de savon par un membre du personnel déguisé en COVID-buster à l’occasion de la deuxième rentrée de l’année.

« On leur a organisé un accueil spécial pour rassurer les élèves et dédramatiser la situation », explique le directeur. Des Skittles et des réglisses aux couleurs de l’arc-en-ciel attendent aussi les élèves dans leur pupitre.

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Même si certains ont hésité, tout le personnel a répondu présent ce matin. « Ils ont affronté leurs peurs. On a eu des échanges avec certains, parfois tard le soir, mais on est là », fait savoir Manuel. Armés de leurs fusils à l’eau remplis d’eau et de savon, déguisés de façon colorée, les professeurs sont en poste, sourire aux lèvres (pour ceux qui ne portent pas de masque!). Pour visualiser le fameux « deux mètres », les professeurs se tiennent à distance tenant des arcs-en-ciel bricolés avec des nouilles flottantes.

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« On se fait un câlin de loin », propose une enseignante à une élève ouvrant ses bras. La proximité physique souvent essentielle, surtout avec les plus petits, ce sera pour une autre fois.

S’adapter rapidement

La cloche qui annonce habituellement le début des cours a été mise en sourdine afin d’avoir une plus grande flexibilité dans les déplacements des groupes et les horaires. « C’est les quatrièmes années qui entreront dans l’école en premier », résonne une voix à l’interphone. C’est le premier matin, et il faut encore se roder, donc pas de pression.

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« Vous utiliserez les toilettes de la cuisine jusqu’à la fin de l’année. Les autres toilettes dans l’école, c’est fini pour vous », annonce une enseignante aux 3-4-5ème année qui se tiennent sur leur petit point orange dans l’attente de franchir les portes de leur école, qui a bien changé depuis qu’ils y ont mis les pieds pour la dernière fois.

Station de lavage de mains, ruban adhésif sur le sol pour désigner le deux mètres, pupitres distancés, tout est mis en place pour éviter que les élèves ne se croisent inutilement.

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«Moi je ne touche à personne, martèle la jeune Claudie. Je garde mes microbes pour moi parce que j’ai un bébé à la maison.» Dans un communiqué envoyé aux parents la semaine dernière, la direction demandait de sensibiliser les enfants à la distanciation sociale. À l’école Sainte-Bernadette, ils semblent prêts pour un retour en classe consciencieux.

« Les profs ont ajusté leurs classes en une semaine seulement. On a quatre plateaux de récréation pour éviter d’être rassemblés au même endroit et les élèves mangeront à leur bureau pour ne pas se réunir à la cafétéria », énumère le directeur, précisant que le retour a été un défi logistique. Il est toutefois reconnaissant d’avoir un si grand terrain qui limite les rapprochements et heureusement, l’école disposait d’assez de locaux pour accueillir le 60% des élèves qui ont coché oui pour revenir le 11 mai.

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Ici, les classes ne peuvent contenir qu’une dizaine d’étudiants, même si le nombre maximum est de 15 selon les directives gouvernementales. Leur taille étant trop restreinte pour mettre 15 pupitres à deux mètres, certains groupes ont dû être divisés et de nouveaux enseignants ont été engagés. L’école accueille aussi Mélanie, une enseignante volante, qui remplacera chacun des professeurs à raison de deux heures par semaine. « Ça va leur permettre d’assurer un suivi avec les élèves qui ont fait le choix de rester à la maison », explique le directeur.

Une étape personnelle

Pour Manuel Granger, ce déconfinement scolaire a aussi été vécu de façon plus personnelle. Comme bien des parents, il a dû décider s’il allait renvoyer ses enfants sur les bancs d’école, en pleine pandémie. « J’ai deux filles qui retournent à l’école ce matin », laisse tomber Manuel qui a dû se dissocier de son rôle de directeur pour s’assurer que ses enfants étaient confortables avec l’idée.

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Comme lui, ses deux filles trouvaient que c’était un risque acceptable de terminer l’année scolaire dans leur école. « Elles avaient hâte de revoir leurs amis! »

Les prochaines semaines se passeront sous le signe de l’adaptation à la fois pour les élèves et les employés de Sainte-Bernadette. Un local a été aménagé pour isoler un enfant qui aurait des symptômes associés au coronavirus. Les concierges assureront la désinfection de l’établissement midi et soir. « Je vais passer nettoyer les poignées de porte », initie d’ailleurs une préposée au service de garde qui attend de retrouver les élèves sur l’heure du midi. Les membres du personnel sont également tous équipés de masques lavables et de visières qu’ils peuvent porter, ou non, pour assurer leur sécurité.

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Pour l’instant, les spécialistes comme les profs d’art et d’éducation physique donneront leurs cours plus théoriques qu’actifs dans les classes ordinaires. « Les profs sont très créatifs dans toute cette réorganisation. On a plein d’idées qu’on veut essayer avec les enfants », lance le directeur.

En quittant l’établissement, j’entends dans l’interphone les premières notes de la chanson « Ça va bien aller », enregistrée expressément pour le retour en classe.

La rentrée scolaire est prévue dans deux semaines dans la région métropolitaine. Plus que jamais je réalise qu’un monde sépare Saint-Joseph-de-Coleraine de Montréal, où ça prendra certainement plus que des COVID-buster pour détendre l’atmosphère.

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