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Une passion terrible…

Une recension de l’ouvrage « Qui est Hélène Pedneault? Fragments d’une femme entière », récemment paru aux éditons Remue-Ménage.

Par
Sarah Labarre
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Hélène Pedneault était une écrivaine-orchestre. Elle avait touché à différentes formes de littérature, dont la biographie, la nouvelle, le pamphlet, la chanson, le théâtre et les contes et légendes. […] On lui doit les paroles de la chanson Du pain et des roses, qui a servi de thème à la Marche des femmes, en 1995. […] Ses Chroniques délinquantes, parues dans un premier temps dans le magazine La Vie en rose, ont été regroupées dans un livre […]. Hélène Pedneault avait cofondé la Coalition Eau Secours et adhérait aux « Porteurs d’eau ». Indépendantiste, elle siégeait au Conseil de la souveraineté du Québec.

… Pour Hélène Pedneault
Écrire un ouvrage à propos de « notre » Hélène n’est pas une mince tâche; 68 témoins de tous horizons n’ont pas été de trop pour lui rendre hommage, 5 ans après son décès d’un foudroyant cancer. L’enquête se lit comme on réunit les pièces d’un puzzle; parfois l’on s’attarde au personnage, à son sourire et son humanité, et même son sale caractère, et, parfois, on complète son décor, son contexte, morceau par morceau.
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On apprend de ses amis attendris qu’elle aimait le Coke et les frites (P. 106), qu’elle fumait comme une cheminée et qu’elle détestait marcher (P. 158). « […] Hélène avait et n’avait pas de corps. C’est-à-dire qu’elle avait deux corps. Un corps qu’elle négligeait autant que sa voiture, qu’elle n’écrivait ni n’entendait, et le corps amoureux, aérien, funambule, dansant, ému, transporté. » (P. 31) Derrière les témoignages émus, l’on devine un peu la femme derrière la militante, et on peut s’imaginer qu’elle ne faisait pas très attention à elle, trop occupée qu’elle était à prendre soin de son Québec.
Ce qu’on sait d’elle, c’est qu’on ne sait presque rien. Elle était extrêmement jalouse de son intimité. Elle a bien vécu un grand amour, dans la vingtaine, mais que bien qu’elle l’ait espéré toute sa vie, douloureusement, « elle aspirait tellement à l’amour… C’était une femme qui avait de la place pour la sensualité, la sensibilité, la fougue. » (P. 184)
… Pour la culture
La Déposition
Mon enfance et autres tragédies politiques
… Pour l’eau
Eau Secours!
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Puis, « Hélène a eu l’idée brillante de détourner l’expression offensante “peuple de porteurs d’eau” pour en faire un signe de reconnaissance des “citoyens et citoyennes qui ont accepté de mettre leur intelligence et leur notoriété au service de l’eau” » (P. 139). Des dizaines de citoyens concernés ont depuis porté le titre de « porteur d’eau », dont la sociologue et écologiste Laure Waridel, qui lui rend ce touchant hommage : « Chère Hélène, tu es l’eau, et l’eau, c’est la vie. Tu n’es donc morte qu’en apparence. » (P. 11). Hélène n’affirmait-elle pas être faite à 80% d’eau, et donc, être elle-même un cours d’eau?
… Pour le féminisme
Heille non mais tsais, en plus d’être une écolo, c’était une féministe, notre Hélène, pis toute une à part de t’ça. Une de ces féministes qui émeut encore Lise Payette, qui révèle avec douceur leurs rendez-vous hebdomadaires au Café Cherrier, où elles discutaient déclarations, environnement, Stephen Harper et sa folie, et, bien évidemment, féminisme (P. 16). Encore et toujours le féminisme. Tout un tas de femmes féministes lui rendent de touchants hommages, que ce soit Marie-Andrée Bergeron, qui lui avoue « qu’une bonne partie de la féministe que je suis existe “à cause” de toi, ou plutôt, disons-le, grâce à toi […] » (P. 44).
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Elle a fait sourire la féministe en moi, bien entendu. J’ai littéralement éclaté d’un grand rire à faire vibrer ma face lorsque j’ai lu cette citation d’Hélène, à propos des « masculinistes » qui taxent les féministes de castratrices : « Ils ont beau traiter les femmes de castratrices, n’empêche qu’ils devraient se rendre compte qu’il n’y en a pas beaucoup qui ont été castrés pour vrai! Ni battus, ni violés, ni tués en série, ni mutilés, ni rien. Je me demande encore aujourd’hui de quoi ils ont peur. Ça continue de me mystifier. Leur pouvoir est-il quelque chose de si important qu’ils crient à la castration quand on y touche? » (P. 47).
Et elle a réussi (réussit encore aujourd’hui) à sensibiliser les plus jeunes, comme moi et…
goalé
Mémoire d’une jeune fille rangée
… Léa Clermont-Dion : « Tu sais, c’est un peu toi et tes comparses qui m’avez initiée au féminisme. Je n’ai pas connu aussi bien que je l’aurais voulu tes nombreux écrits, mais, au fil des ans, j’ai tout de même découvert Hélène l’engagée. T’écouter défendre aussi habilement la cause des femmes m’a fait réfléchir. La transmission du flambeau s’est opérée sans crier gare. » (P. 147).
… Pour la dissidence et pour le désir
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Le militantisme, peu importe la cause, ça requiert qu’on sorte des barèmes du politiquement correct, de l’acceptable. On dérange, on choque, parfois. Nathalie Collard dit d’Hélène que « L’étiquette de “femme en colère” ne lui faisait pas peur, elle la revendiquait. À ses yeux, il n’y avait pas plus sain que la colère pour susciter l’engagement et le changement. » (P. 206). Or, la colère présuppose la passion, et la passion présuppose l’amour. « Motivée par une “passion terrible pour la dissidence”, elle carburait à la fois au désir et au devoir. » (P. 203).
Un désir? Quel désir? Désir d’un monde meilleur, pour le bien commun, pour la justice, pour l’égalité. Le désir de l’autre. On rend hommage, dans l’ouvrage, au sens de l’impératif d’Hélène, à son ardent désir qui n’était pas motivé par quelque force divine mais bien par l’émotion, par la force intérieure. Par l’amour des autres. « Il n’y a pas de conjoncture favorable ou défavorable. Il n’y a que la force et la clarté du désir, qu’il s’agisse d’un individu ou d’un peuple. Une conjoncture, ça n’existe pas, ça se crée. » (P. 204).
… Pour ce qu’il nous reste d’Hélène Pedneault
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Aujourd’hui, cinq ans après son décès, ses passions subsistent encore et toujours et son œuvre est toujours aussi vivante, à un point tel que des jeunes femmes féministes telles que moi l’évoquent, avec la force de leurs espoirs, dans leurs luttes actuelles.
Qui est Hélène Pedneault? Fragments d’une femme entière
Je milite pour la justice sociale, l’égalité et le féminisme – des synonymes à mes yeux. Ayant suivi une formation en arts visuels, je poursuis mes démarches en recherche sociologique et j’écris présentement un livre sur l’itinérance qui sera publié prochainement chez VLB.
Pour me suivre : c’est Sarah Labarre sur Facebook et @leKiwiDelamour sur Twitter.
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