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Une pandémie comme accélérateur de relations

Vous êtes normal si vous recherchez désespérément l'amour.

Par
Ann Julie Larouche
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Pour plusieurs, le confinement joue avec notre perception de l’amour. Les célibataires ont pour la plupart croqué tous les traits de la solitude depuis quelques mois, esquissant ses courbes longilignes, des plus fines aux plus violentes.

«Je suis allée sur une date Tinder à deux mètres hier. Juste pour me sentir vivante. Je vise le plus gentil-timide-pas-player-nerd. Seule manière de ne pas finir avec des histoires de gars qui jouent avec moi à distance, juste parce qu’ils sont en manque».

«Je suis allée sur une date Tinder à deux mètres hier. Juste pour me sentir vivante.»

Mes conversations avec mes amies célibataires sont délicieuses, en ce moment. Je flirte aussi avec cette idée récurrente qui se pointe au réveil. Ma lumière de 8h dessinerait certainement de très jolis halos sur les bras découpés d’un homme. Elle soulignerait des pommettes saillantes. Une barbe fraîche, piquante. Une bouche généreuse. Une peau lisse comme une mangue.

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Et là, ma rigidité revient. Pas maintenant. Pas en ce temps de pandémie.

Pourtant, le plus grand défi des célibataires est d’assouvir notre besoin d’exister et d’être vu dans le regard de l’autre. «Quand on pose la question: «Ça va ?» La réponse n’est pas importante. Mais, on reconnaît l’existence de l’autre. Ça, c’est capital», me confie le thérapeute conjugal et psychothérapeute, Guy Marion.

Au Canada, c’est près de 15 160 000 personnes qui surfaient sur leur célibat en 2019. Ça en fait des âmes esseulées en ces temps incertains. Pourtant, rien n’est moins évident que de bâtir des relations sans pouvoir s’extirper du dating game virtuel. Ou du moins, en gardant notre deux mètres de distance. La popularité des téléchargements des applications de rencontre n’a d’ailleurs pas dérougi, depuis le confinement. Nous sommes, qu’on le veuille ou non, tous programmés pour tomber en amour.

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À travers n’importe quelle courroie de transmission, même si les applications de rencontres représentent, en mon sens, un terrain de jeu insipide qui ne servent qu’à récompenser des inconnus qui ont pigé le jackpot dans le sac à faces.

Séduire, vivre l’élan du corps, explorer un amour brûlant, c’est un réflexe naturel pour préserver notre survie. Cette période m’aura d’ailleurs convaincu que mes belles années à n’attendre personne sont derrière moi. Si je les ai aimées, chéries, embrassées, célébrées, aujourd’hui je réalise que j’aimerais bien pouvoir me réveiller à deux.

LES NOUVEAUX INSÉPARABLES

Et cette recherche de l’autre est exacerbée en temps de pandémie. Le danger et le sentiment de ne pas être en sécurité sont des notions qui provoqueraient des réactions contraires chez les individus en contexte relationnel. «Les gens risquent d’être moins sélectifs parce qu’il y a une urgence d’être en relation avec quelqu’un dans un contexte d’insécurité», précise le psychologue spécialisé en thérapie de couple ,Dr François St Père.

«Les gens risquent d’être moins sélectifs parce qu’il y a une urgence d’être en relation avec quelqu’un dans un contexte d’insécurité.»

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Marie-Pier a accueilli chez elle son tout nouveau copain après moins d’un mois de relation, à leur retour de voyage de L.A, quarantaine oblige. Depuis, ils vivent à coup de vin nature et de soupers improvisés, tournoyant dans sa cuisine. C’est une occasion unique pour les lovebirds de se connaître et de s’épanouir. Le champ des distractions se fait timide.

Est-ce un refuge éphémère fabriqué dans ce moment apocalyptique anxiogène ?

  1. Guy Marion croit que sous pression -peu importe la pression-, les humains vont s’éloigner ou se rapprocher pour se protéger. «C’est un peu comme des gars qui ont fait la guerre ensemble, estime-t-il. Sous l’influence du danger, ils vont se serrer les coudes pour se protéger comme un ennemi commun. Mais la guerre terminée, ce n’est pas certain qu’ils vont se revoir.»

Un autre facteur indéniable: ça chamboule l’équilibre chimique du cerveau, être en amour. On sécrète plus de dopamine et on perd la capacité d’évaluer correctement l’être aimé. Dans la première année et demie de relation, on se comporte d’une façon un peu fausse pour s’assurer de maximiser l’intensité amoureuse, m’éclaire Dr St Père. On tait les défauts qui pourraient être des irritants chez l’autre, dans l’intention (noble) de s’assurer de la réciprocité.

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LES SÉPARATIONS INÉVITABLES

Le confinement s’impose aussi comme un terreau fertile, véritable pour faire éclater ce qui était en dormance. Dans l’intimité imposée, il n’y a plus d’espace pour fuir.

Selon Dr St Père, les gens en couple disposaient, pré-pandémie, de 20 minutes d’interaction significative allouées par semaine avec leur partenaire. Le reste du temps était dédié à l’aspect fonctionnel. «Avec cette nouvelle abondance de temps, des gens en couple réalisent qu’ils ne veulent plus passer leur vie avec l’autre. C’est troublant comme réalisation et pour certaines personnes, ce sont des dommages qui se veulent irréparables», confirme-t-il.

Comme Samuel*, qui a pris un aller simple pour revenir au Québec après 4 ans d’amour avec une Allemande, à Berlin.

Et l’impact est réel: le Global Times indique qu’il y a, depuis le 1er mars, un nombre sans précédent de demandes de divorces dans certains districts de Xi’an, dans la province de Shaanxi, en Chine.

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LES DYNAMIQUES DE RELATIONS EN TEMPS DE PANDÉMIE

Comment expliquer ce manque de nuances dans nos comportements relationnels actuels?

À l’Institut Kinsey, de l’Université de l’Indiana, aux États-Unis, on a mis en branle une étude sur le sexe et les relations en ce temps de COVID-19, pour comprendre comment cet événement pourra séparer ou rapprocher les gens «d’une manière qui n’a jamais été vue ni étudiée auparavant.»

«Réaliser qu’il ne faut que du temps et un quotidien plus modeste pour être en mesure d’apprécier quelqu’un d’important dans sa vie… c’est drôlement significatif.»

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«Nous avons une réelle opportunité de comprendre quels types de personnes peuvent vivre cette période chaotique et l’utiliser pour aider leur relation à prospérer, et quelles relations vont tout simplement avorter», écrit le directeur général de l’Institut Kinsey, Justin Garcia, aussi l’un des chercheurs de cette étude.

Si les résultats ne sont pas encore publiés, le chercheur affirme que la période post-pandémie sera lumineuse. Jusqu’à présent, les résultats montrent sans équivoque l’adaptabilité et la résilience remarquables des êtres humains. Il veut se convainquant: «I think we’ll end up in a good place on the other side of this».

Et quelle est cette lumière, de l’autre côté?

«Ce sera de grandes réalisations pour plusieurs, confirme le Dr St Père. Réaliser qu’il ne faut que du temps et un quotidien plus modeste pour être en mesure d’apprécier quelqu’un d’important dans sa vie… c’est drôlement significatif.»

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