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Une notification ostentatoire

Par
Yannick Marcoux
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La semaine dernière, dans son article Arrête, madame Foulard, Foglia jugeait pertinent d’abréger ses vacances pour nous offrir son opinion sur le débat entourant le récent projet de Charte des valeurs québécoises.

Je ne remettrai pas en question son désir avoué d’en finir avec ce débat, tout en y ajoutant son argumentaire, amené de façon péremptoire et escamotée. Quand on veut en finir avec une discussion, on n’ajoute pas de l’eau au moulin, me semble-t-il. Cela dit, j’ai une grande admiration pour le chroniqueur, l’écrivain, et par orgueil je comprends que l’on cherche parfois à avoir raison, malgré nous. Je ne reviendrai pas sur tout ce qu’il y dit, mais sur un paradoxe qu’il assume, comme beaucoup d’autres Québécois : la sacro-sainte présence du crucifix à l’Assemblée nationale. Il se dit « d’accord pour qu’on ne le décroche pas [en guise] de notification. » Mais est-ce la meilleure place pour notifier aux nouveaux arrivants notre culture catholique? Vraiment?

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Je suis né sur l’avenue Hamel. Enfin, non, je triche : plutôt sur l’île Jésus. M’enfin, après deux jours à l’hôpital, j’étais de retour avenue Hamel, artère nommée en l’honneur de Théophile, Hamel ben sûr, dont l’un de ses tableaux, « Assomption », peut être contemplé à la chapelle Notre-Dame-de-bon-Secours, à Montréal.

On a fait quelques années là-bas, puis on a déménagé sur Sacré-Cœur. C’est juste à côté de l’école St-Paul-de-la-Croix, mais moi, j’allais à St-André-Apôtre. C’était une école comme une autre : y’avait une église à côté. Jean-Pierre, le prêtre, nous jouait de la guitare. C’est qu’on allait à l’église sur les heures de cours, jusqu’à ce que j’aie le droit de choisir « Morale », en troisième année.

J’ai fait mon secondaire à Sophie-Barat, jadis le pensionnat du Sacré-Cœur. Tous les jours, je marchais, traversant les rues St-Urbain, St-Laurent, St-Denis, St-Hubert et St-Charles. En arrivant, je me suis fait de nouveaux amis : Bachir, Ilyes, Lorenzo, Marek, Kirk, Xavier, Félix, Emilio… La plupart étaient croyants, mais chacun avait une religion différente. Ça me laissait indifférent. J’ai aussi le souvenir d’avoir été chanceux, avec les professeurs qu’on a eus : Mme Ibrahim, M. Kouri, M. Roumi, M. Sadeum, Mme Verbeek. Parfois, c’est vrai, on riait entre nous de l’accent de M. Sadeum.

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J’ai toujours été athée. Au primaire, je participais à la Crèche de Noël, parce que c’était théâtral et que ça me plaisait. Chaque année, Francine et Marguerite, responsables de la pastorale, me demandaient si je voulais être baptisé, puisque je participais à leurs activités. Je n’ai jamais été intéressé. La chrétienté pis toute la patente… ça pis attendre qu’un extraterrestre débarque, sérieux, je vois pas la différence.

La religion a toujours été autour de moi, et ça a coulé comme sur le dos d’un canard. En Inde, ça m’a fait quelque chose, la burqa. Y’a des quartiers de Delhi qui m’ont troublé, et j’y suis retourné plusieurs fois, pour essayer de comprendre. La burqa, je m’y fais pas. Personne ne m’a encore convaincu que le hijab, c’était bien. Remarquez, je trippe pas sur la kippa et le schtreimel non plus, mais si quelqu’un tient à le porter, pourvu qu’il ne soit pas missionnaire, ça lui appartient. Que ce soit là-bas, en Inde et puis ailleurs, ou ici, chez nous, chez toi, au Québec.

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Je veux l’égalité pour les femmes et les hommes, pour mes amies et moi, pour mes collègues et moi. Je vois l’injustice partout, mais je poursuis ce désir, ce rêve. Je ne sais pas s’il est possible, mais je tends vers lui, et mon petit monde à moi fait ce qu’il peut pour l’être : juste et empathique.

Je dis tout ça, mais ce n’est pas que je cherche la chicane. Pas que je veuille avoir raison non plus. M’enfin, peut-être un peu par orgueil, malgré moi. Mais surtout, je veux comprendre. Ce qu’il y a, là, dans ce besoin de s’affirmer de cette drôle de façon : la Charte des valeurs québécoises. On veut laïciser l’État, ou on veut affirmer une identité nationale? Me semble qu’on prend beaucoup de détours, mais aussi de raccourcis, pour en arriver à quelque chose qu’on ne dit pas. Mais il demeure une chose : si un visiteur ou un nouvel arrivant ne saisit pas notre passé lié à une culture catholique, c’est qu’il ne veut pas la voir. Et je comprendrais : la religion, on peut s’en foutre, si on veut. Mais je trouve ça encore plus beau si ces nouvelles personnes voient partout des gens de tous les horizons, vivant de diverses façons, selon diverses philosophies et spiritualités. En paix.

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Aujourd’hui, je travaille dans une microbrasserie. On y brasse nos propres recettes, quelque chose comme quatre-vingts bières différentes qui passent au menu, chaque année. Peut-être en connaissez-vous quelques-unes : Corne du diable, Péché mortel, Dernière volonté, ça vous dit de quoi? Des notifications catholiques, y’en a tapissé à la grandeur du pays, alors notifier le monde avec un crucifix à l’Assemblée nationale, sérieux? M’enfin, si ça vous chante, venez me voir au pub, ça me fera plaisir de vous offrir une bière et d’en discuter avec vous. On est même ouvert le dimanche, jour du Seigneur.