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Bien qu’au Québec le collectif Bon Entendeur fait son entrée tranquillement sur la scène musicale, de l’autre côté de l’Atlantique il est bien établi. Avec le lancement de leur première mixtape en septembre 2013, Arnaud, Nicolas et Pierre, trois amis passionnés de musique, ont créé un projet qui les a propulsés sur les scènes des partys les plus hype de la France. Ayant séduit l’Hexagone au cours des dernières années, le collectif compte maintenant s’attaquer au public québécois.
Le concept est simple : le trio crée des listes de lecture autour d’une personnalité publique. À l’aide d’extraits d’entrevues qu’ils ont enregistrées eux-mêmes, ou non, le groupe ressort une thématique principale de l’entretien, puis construit une sélection de musique autour de celle-ci.
Georges Brassens : L’humilité
Jacques Brel : L’envie
Serge Gainsbourg : Le génie
Dans ces sélections se glissent également des remix de vieilles chansons francophones, dont Le temps est bon de la chanteuse québécoise Isabelle Pierre.
Ces mixtapes éclectiques à la fois électro, house, funk et disco, m’ont accompagnée tout le long de mes années d’école entre mes sessions de travail intense, mes moments chill à la maison ou mes apéros à l’appart avant de partir pour une soirée. Apprenant alors qu’ils étaient de passage à Montréal la semaine dernière pour un spectacle à la SAT, j’ai sauté sur l’occasion pour rencontrer les gars derrière mes soirées musicales.
Heureuse de retrouver des Français, comme moi, on s’est posé ensemble une heure avant leur prestation pour discuter de la genèse du projet, de leur visite à Montréal ainsi que de leurs projets futurs.
En sol bas canadien
Est-ce que c’est votre première fois à Montréal?
Nicolas : C’est la troisième fois qu’on joue à Montréal. La première fois c’était le 13 novembre 2015, le soir des attentats du Bataclan. Et donc c’était une ambiance un peu spéciale. En plus avec le décalage horaire, on avait vraiment eu le temps de comprendre ce qu’il s’était passé avant de jouer.
Ensuite on est revenu ici le 30 septembre de l’année dernière, au théâtre Fairmount et c’était blindé! Super ambiance, c’était top!
Ce soir votre spectacle est sold out : à quoi ressemble votre public ici?
Pierre : Montréal c’est particulier, t’as un sentiment de proximité parce qu’il y a beaucoup de Français qui viennent nous voir. Ce sentiment d’être loin de chez toi qui du coup, crée une connexion. On peut remarquer quelques Québécois, mais c’est vrai que c’est plus des potes et des Français qui viennent nous voir.
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Et ça ressemble à quoi un show live des Bon Entendeurs?
Arnaud : En général c’est un back to back. On ne reproduit pas nos mixtapes en live, mais on va intégrer des vocaux de pleins de personnalités qu’on a mises dans nos mixtapes en les introduisant dans nos shows.
Bien qu’en France on vous connaît bien maintenant, reste quand même que vous faites ça depuis 2013. Quel a été l’événement déclencheur qui a poussé le projet plus loin?
Pierre : Le premier qui a été marquant, je dirais que c’est notre booking à Saint Barthélemy en janvier 2014. C’était un multimillionnaire qui faisait des soirées privées sur son yacht et il nous a engagé pour mixer toutes dépenses payées pendant une semaine. En revenant de là on s’est dit qu’on tenait un truc et ça nous a motivés à continuer.
Nicolas : C’est marrant parce qu’en le disant comme ça, ça fait les gars carrément michto (Note de la rédaction québécoise : profiteurs), vénal (rires) mais bon c’était assez fou.
Sinon on n’a pas eu de moment phare qui nous a fait grimper dans nos stats de manière exponentielle. Ça s’est vraiment fait petit à petit. Après c’est sûr, il y a des mixtapes qui ont mieux fonctionné que d’autres : celle de Cluzet ou encore celle de Reno.
L’art de la mixtape
Au niveau de la production de vos mixtapes ça se passe comment? Et combien de temps vous mettez pour en monter une? Comment vous procédez au choix des chansons?
Nicolas : C’est à peu près 3 semaines pour faire une mixtape.
«C’est à peu près 3 semaines pour faire une mixtape. »
Pierre : Tout d’abord, il y a le choix des personnalités et des chansons. On ne cherche pas forcément à coller avec l’actualité dans la mesure où on veut être intemporel.
Et pour ce qui est des choix des sons, on en met de côté pendant un mois. Ensuite on les vote et on les intègre. Il n’y a pas de nombre prédéfini de sons. L’objectif c’est qu’elle fasse en moyenne 1h.
Dans vos mixtapes on retrouve des extraits d’entrevue ou des citations de personnes célèbres comme Charles Aznavour, Jean Dujardin ou encore Audrey Tautou. Avez-vous eu déjà eu des retours de certaines personnalités sur vos mixtapes?
Nicolas : Oui celle de Jean Reno! On aime bien la raconter, car elle illustre bien les galères qu’on peut avoir à contacter les célébrités pour leur demander leur autorisation et, dans l’idéal, les interviewer nous même.
Donc on a essayé de contacter Jean Reno plusieurs fois, sans réponses. On a alors décidé de réaliser la mixtape en sélectionnant des morceaux de citations.
Une fois la mixtape sortie, on a reçu un coup de fil du beau frère de Jean Reno nous disant qu’il lui a fait écouter la mixtape et qu’il a adoré! Du coup, il a absolument voulu qu’on lui envoie un vinyle de la mixtape. Il nous a remerciés en nous envoyant une photo avec lui et le vinyle dans ses mains.
Avoir un retour d’un mec comme Jean Reno, c’est assez énorme!
Arnaud : Pendant les élections, on a eu pas mal de candidats qui voulaient qu’on leur fasse des mixtapes à leur noms! On a trouvé ça drôle. On a tout décliné car on ne voulait pas prendre parti, mais au final, on aurait peut-être dû!
Donc j’en comprends que vous essayez toujours d’interviewer les gens vous-mêmes avant idéalement? Quelle entrevue a été particulièrement marquante?
Nicolas : Sûrement lorsqu’on a interviewé Richard Bohringer! Au début, on était tellement flatté qu’il accepte, on ne voulait pas lui prendre du temps donc on l’a accueilli dans un studio pour l’enregistrer rapidement. On s’attendait à ce que l’interview dure 30 minutes, mais en fait, elle a duré genre 2h30 et il ne voulait pas s’arrêter! Finalement on a à peine posé de question, car il menait toute l’interview, c’était passionnant! Le mec a vécu trop de trucs, c’était passionnant!
Un collectif musical, qui ne crée pas de musique…
Vos mixtapes ont toujours un thème particulier comme l’amour, la colère, l’humour. Si vous deviez en créer une qui vous définirait, individuellement, quel thème vous prendriez?
Nicolas : Donc là tu veux une réponse complètement personnelle, pas du tout collégiale (rires).
Arnaud : Moi je pense que je choisirais l’écologie, car c’est un sujet qui nous tient à coeur et qui fait un peu bader (NDLRQ : qui inquiète) quand même en ce moment et on est tous les 3 en accord là-dessus.
Nicolas : On se demandait justement si on pouvait apporter notre aide, au profit d’une asso ou pour une bonne cause. Et la cause qu’on avait en commun ça serait l’écologie. Mais sinon moi j’étais parti sur un autre délire! (rires) J’aurais lâché quelque chose comme un adjectif très deep genre « l’anxiété » (rires)! Histoire de créer une mixtape que t’as pas envie d’écouter haha!
Pierre : Moi je dirais un truc du style « la curiosité », comme ça au moins c’est un fourre-tout! Tu tentes des morceaux qui sont bien ou peut-être complètement nuls et tu vois!
Du coup, vous produisez peu de musiques si j’ai bien compris. Un collectif musical qui ne produit pas leur musique, c’est vu comment ça dans la sphère musicale?
« Quand on fait une mixtape, on a aucune prétention, c’est vraiment notre délire à nous. »
On s’en cogne pas mal de ce que les gens disent sur nous en fait. Quand on fait une mixtape, on a aucune prétention, c’est vraiment notre délire à nous. On est pas producteurs au sens technique, musical. On essaye pas de se ranger dans un style en particulier, on essaye de balayer tous les styles. En vrai c’est vraiment nos délires nos mixtapes, c’est pour nous, on s’éclate et c’est tout!
Nico : C’est donc pas vraiment égocentrique ce qu’on fait : c’est soit mettre en valeur les artistes qu’on interview, ou des chansons du patrimoine qu’on remet au goût du jour en espérant les porter à un public plus grand. Donc c’est quand même une démarche vachement bienveillante.
En me rendant sur votre site, j’ai remarqué le « submit your track ». Vous permettez donc à des artistes émergents de se faire connaître via votre plateforme, c’est une super bonne idée! Est-ce que ça marche ?
Oui, on a mis en place cette fonction parce que beaucoup de gens nous envoyaient leur track par email. On a donc décidé de centraliser tout ça via un formulaire. Après pour être franc, on reçoit beaucoup de trucs. Des trucs bien certes, mais beaucoup de trucs pas dingues… Mais il y en certains qu’on a un peu pris sous notre aile comme Napkey, qu’on a vachement accompagné au début sur deux mixtapes d’affilée en intro (surtout celle de Jean Reno).
Et sinon dans les funs facts, il y a Møme aussi, qu’on a repéré en premier, dès 2012. C’était une mixtape (celle de Cluzet) qui avait fait beaucoup de vues et si on a pu l’aider un peu c’est tant mieux.
Et c’est quoi les plans pour le futur de Bon Entendeur?
Nicolas : On a signé chez Columbia Music et il y a donc un album en cours. Ça nous prend du temps. On sait que de là va découler notre live c’est sur, mais pour le moment c’est ce qui nous prend le plus de temps. C’est le gros sujet de Bon Entendeur. Ce sera une partie de titres de remixs de musique et une autre partie de productions originales où on est parti d’une feuille blanche et on ajoute des enregistrements de personnalités qu’on a interviewées exclusivement pour l’album comme Pierre Niney et d’autres.
Après on a pleins d’autres petits side projects disons, comme Belle Époque, projet de sonorisation de point de vente, beaucoup plus business. C’est Pierre qui est à temps plein dessus.
Pierre: C’est très lié à Bon Entendeur parce que oui là aussi ça permet de mettre en valeur toute la curation musicale qui a été faite autour de Bon Entendeur au profit de quelque chose d’autre. Ça se développe petit à petit et ça marche bien!
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Pour suivre Bon Entendeur, c’est ici.
Vous pouvez également télécharger leur application juste ici.