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Une fois par mois, j’ai envie de mourir

Le trouble dysphorique prémenstruel, il faut en parler. 

Par
Audrey Boutin
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TWs: Dépression, suicide

Encore aujourd’hui, je ne saurais pas trop expliquer ce qui m’est arrivé. Tout ce que je sais, c’est que j’étais à l’épicerie, en train de choisir la boîte de Triscuits que j’allais dévorer ce soir-là quand une immense vague de tristesse, lourde, poisseuse, m’a envahie. Comme ça, soudainement. S’en est alors suivie une des pires nuits de mon existence. Remplie d’angoisse, et, surtout, de pensées intrusives qui me disaient que mes amies me haïssaient, que mon chum ne m’aimait plus et que je devrais mettre fin à mes jours parce qu’il n’y avait plus d’espoir pour moi.

Si, pendant mon burnout de l’année précédente, l’angoisse me rendait littéralement catatonique et engourdie, cette fois-ci, j’étais parfaitement éveillée, me donnant l’impression de mener un combat éveillé contre… ma tête. Le matin, toujours ébranlée par cette maudite voix qui résonnait comme du tonnerre entre mes oreilles, je me suis rendue aux toilettes. Là, j’ai vu la tache rouge sur le papier hygiénique et doucement, les pensées m’ont enfin quittée pour laisser place aux crampes. Pour une fois, j’étais heureuse d’avoir mal au ventre et l’impression que des termites creusent des terriers dans mes seins.

Aussi vite qu’elle était arrivée, la tristesse s’en est allée, laissant mon esprit lisse comme le rivage suite à la caresse des vagues.

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Mais je n’étais pas prête à laisser la chose passer comme si de rien n’était. Après tout, j’avais pris mes antidépresseurs, j’avais passé une belle journée avec ma meilleure amie. Pourquoi avais-je eu envie, l’espace de quelques heures seulement, de commettre un geste irréversible? Armé d’un clavier et d’un accès Internet, j’ai fait de très sérieuses recherches sur Google, en bonne étudiante en littérature qui ne comprendrait rien à un article scientifique, anyways.

Turns out que, comme à son habitude, la médecine se crisse pas mal des femmes.

LE TROUBLE DYSPHORIQUE PRÉMENSTRUEL : AU-DELÀ DU SPM

Grâce à nos adorés et hyper créatifs humoristes québécois des années 90, je me doute bien que le SPM, ou syndrome prémenstruel, se passe de présentations.

Par contre, le trouble dysphorique prémenstruel, lui, c’est un peu comme le cousin pas mal edgy du SPM qui se déplace en moto, a le nez percé et écoute constamment du Slipknot à fond la caisse.

Vous aimez pas mes métaphores? Voici ce que les experts en disent.

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Selon la Revue médicale Suisse, le TDPM correspond à « une forme sévère du syndrome prémenstruel avec une configuration symptomatique ayant au premier plan des symptômes psychiatriques. » Ses caractéristiques comprennent une humeur dépressive, de l’anxiété, une diminution de l’intérêt pour les activités quotidiennes et une tendance à se replier sur soi. Si ces symptômes peuvent sembler s’apparenter à ceux du SPM, ils s’en distinguent par leur sévérité et l’altération du fonctionnement de la personne qui les ressent.

Intimement liés au cycle menstruel, les symptômes commencent à faire leur apparition suite à l’ovulation, soit pendant la phase lutéale, et s’estompent jusqu’à disparaître complètement pendant les menstruations et la phase folliculaire. En plus des maux physiques caractéristiques des jours précédant les menstruations, les personnes atteintes du TDPM vivent un épisode dépressif aussi intense que soudain. L’idéation suicidaire peut également survenir chez les personnes atteintes d’une forme particulièrement sévère du TDPM (bonjour!).

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LES MAUDITES HORMONES

Le responsable de toute cette détresse psychologique? Les hormones ainsi qu’une baisse marquée de la production de sérotonine, cette hormone bien connue pour produire la sensation de bien-être grâce à cette source infinie de savoir que sont… les memes.

Le rôle joué par les hormones dans le TDPM complique toutefois la recherche médicale autour de ce trouble encore méconnu.

En effet, si l’on reconnaît l’impact des hormones sur la santé mentale, une nouvelle question s’impose toutefois: le TDPM, est-il un trouble psychologique ou endocrinien? Et la réponse n’est pas si simple.

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Si le TDPM fait partie, depuis 2013, du DSM-5, soit le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, et des troubles psychiatriques, des experts comme le docteur Richard Bergeron de la clinique SPM de Gatineau craint des dérives et une simplification de ce trouble: « Le TDPM est un problème neuroendocrinien, explique-t-il dans la Gazette des femmes. Ce n’est pas un problème psychologique, mais c’est un trouble dont les effets sont psychologiques. Oui, c’est important que les femmes puissent savoir ce qu’elles ont, mais poser un diagnostic psychiatrique à 5, 10, voire 20 % de la population féminine est à double tranchant. »

Si l’expert craint des dérives, ne faut-il pas plutôt voir en l’inclusion du TDPM dans le DSM-5 un pas dans la bonne direction, à savoir une légitimation d’un trouble vécu par des personnes menstruées qui cherchent des solutions?

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Si on pense à l’endométriose ou les ovaires polykystiques, aka d’autres bébittes qui rendent nos menstruations encore plus plaisantes, est-ce que le fait de nommer la chose et de la répertorier dans un ouvrage médical n’est pas source d’espoir pour les personnes qui en souffrent? L’espoir qu’un jour, un diagnostic et un traitement nous seront offerts?

QU’EST-CE QU’ON FAIT AVEC ÇA?

Rassurez-vous, la médecine ne nous a pas complètement oubliées, nous, personnes menstruées. « Complètement » accomplissant dans la phrase précédente un exploit digne d’un haltérophile aux Olympiques.

Dans un premier temps, sachez que les symptômes associés au trouble dysphorique prémenstruel s’estompent avec… la grossesse. Eh oui, en tombant enceinte, vous allez enfin cesser de vouloir vous lancer du haut du cinquième étage de votre immeuble. Bon, il se pourrait que vous ayez une couple d’autres problèmes, mais hey, dans la vie, il y a toujours un pour et un contre, non?

Je niaise, of course que je le sais que c’est l’équivalent de crisser le feu chez vous après avoir vu une araignée relaxer dans le fond du bain.

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Afin de contrer les bad vibes que nos hormones nous offrent avec la générosité digne d’une personne qui donne des échantillons chez Costco, les médecins auront tendance à privilégier les traitements de nature hormonaux. Combattre le feu par le feu, quoi. Ainsi, la pilule contraceptive ou le stérilet avec hormone sont des options qui s’offrent à vous.

Si, comme moi, vous faites déjà l’objet d’un suivi psychiatrique, on peut également vous prescrire un antidépresseur à prendre dans les jours précédant les menstruations. Dans tous les cas, une visite chez votre médecin s’impose pour discuter des options qui s’offrent à vous. Parce que, dans tous les cas, mettre fin à vos jours n’en est pas une.

Et c’est correct d’avoir peur. Oui, dans les cas extrêmes, l’ablation des ovaires peut s’avérer nécessaire, mais le docteur Bergeron, cité plus haut, affirme qu’une telle opération n’est qu’un moyen de dernier recours.

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Dans tous les cas, et ceci est le moment où je prends votre main entre les miennes et que je plonge mes beaux yeux marron dans les vôtres qui sont sûrement aussi beaux, vous devez vous prioriser et savoir que non, vous n’êtes pas folle et que vous méritez de l’aide et des soins personnalisés.

GUÉRIR EN COMMUNAUTÉ

Avant de terminer cet article, j’aimerais m’ouvrir un peu sur ce qui m’a aidée à guérir, au-delà des traitements médicaux : le fait de savoir que je ne suis pas seule.

En ligne, c’est de plus en plus de femmes qui osent parler de cycle menstruel et de santé mentale. Des voix qui fusent sur les réseaux sociaux pour enfin mettre à mort ce maudit cliché de la femme SPM hystérique.

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Après avoir été elle-même diagnostiquée avec le TDPM, la Française Priscilla Lubin lance, en 2019, la page Instagram TDPMetmoi où elle discute de sa propre expérience et partage, via des témoignages et des memes, des trucs et astuces pour vivre un cycle plus doux, tant pour le corps que la tête.

Voir cette publication sur Instagram

Une publication partagée par TDPM | SYNDROME PRÉMENSTRUEL (@tdpmetmoi)

Plus près de nous, l’écrivaine et travailleuse sociale Marie-Pier Deschênes offre des services d’accompagnement des personnes menstruées, qui vont du coaching au conseil pour économiser pendant les menstruations.

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Une publication partagée par MariePier🩸Bien-être menstruel (@mariepierdeschenes_)

Et sinon, je vous encourage à parler. À crier. À pleurer. Dites-le, quand ça ne va pas bien. Textez vos amies, créez des memes que peut-être vous seule trouverez drôle, mais par pitié, ne tentez pas de traverser la tempête seule.

Puis si quelqu’un ose vous répondre par un « coudonc, t’es-tu menstrue? », répondez-leur avec fierté que oui, vous l’êtes. Et après, demandez-leur c’est quoi, leur excuse, à eux, pour avoir une attitude de marde. Succès garanti.