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Une exposition couillue

Une exposition couillue pour dénoncer le capitalisme extrême

L'artiste Hippolyte proteste contre le culte des voitures de luxe en marge de la F1.

Par
Hugo Meunier
Hugo Meunier
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« Quand le capot est encore chaud, c’est que le propriétaire n’est pas loin… »

Cette citation d’Hippolyte perd tout son sens si on évacue le contexte. Et quel contexte en plus! Êtes-vous bien assis?

Cet artiste de cirque et musicien prépare sa première exposition, en marge du Grand Prix de Montréal.

C’est là que ça devient intéressant.

Pour dénoncer le capitalisme extrême et la masculinité toxique, Hippolyte compte exposer 200 photos où on l’aperçoit en train de déposer… ses testicules sur des voitures de luxe.

Oui, je vous laisse deux secondes pour absorber le choc.

On continue? Bien.

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Avec l’exposition Ton char me gosse, présentée les 14 et 15 juin au Centre de médiation culturel l’Éphémère dans Hochelaga, l’artiste a trouvé une manière pour le moins inusitée (euphémisme) de protester contre le culte des chars de luxe.

« J’utilise le symbole fort des testicules, car ce genre d’auto est principalement acheté par des hommes et elles agissent comme un prolongement de leur sexe », m’explique Hippolyte au moment de le rencontrer dans son atelier. Il me cite aussi en exemple la symbolique des testicules du Taureau de Wall Street, censées apporter la chance et la fortune à ceux qui les touchent.

Tout part d’une couille

D’abord, la genèse de ce projet-fleuve, pour lequel Hippolyte s’extirpe les roubignoles depuis 17 ans.

À l’époque, cet artiste originaire de France sillonne le monde avec sa guitare et quelques tours dans son pack sac.

Son mode de vie est alors 100 % poussé par le vent, au ch’min je m’accroche, la bohème.

« Je faisais du pouce et je proposais des spectacles en échange d’un toit », raconte Hippolyte, qui est rapidement confronté aux inégalités sociales. Cet écart entre les riches et les pauvres est encore plus tangible lorsqu’il se retrouve dans le rôle de manager d’un complexe ultra-luxueux en Nouvelle-Zélande, après avoir (un peu) falsifié son CV.

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« Les clients étaient surtout des millionnaires italiens. Le patron mettait du temps à me payer, alors je passais mes journées en complet cravate et mes soirées à récurer des chiottes pour payer mon loyer. J’étais fâché », se remémore l’artiste, qui éprouve à ce jour la nausée en se remémorant ces riches se croyant tout permis.

Puis, c’est une conversation avec un autre employé qui sera la goutte qui fait déborder le vase.

« Il me disait que si les gens sont pauvres, c’est de leur faute. Je suis sorti en furie et j’ai mis mes couilles sur la Rolls-Royce du big boss de l’hôtel garée devant l’entrée », explique Hippolyte.

Un geste spontané auquel il n’avait aucunement réfléchi. Hippolyte avait alors 23 ans et, sans le savoir, un projet artistique venait de naître.

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La limousine de Michael Jackson

Un projet qui trouve son aboutissement sur le plancher de son atelier, où sont étalées ces dizaines de clichés contenus dans de chics petits cadres dorés. Dans cet océan de roupettes, on retrouve sa toute première photo, celle de la Rolls-Royce néo-zélandaise, agrandie pour l’occasion.

Comme quoi on n’oublie jamais sa première fois.

Il possède également quelques trophées, comme une photo prise, les couilles à l’air, sur la limousine de Michael Jackson, une autre sur l’un des premiers Cybertruck à avoir sillonné les routes ou encore celle où le propriétaire de la voiture et son passager sont encore à bord du véhicule au moment de la prise du cliché.

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Au fil des années et au gré de ses déplacements, l’artiste a pu élargir son éventail de reposoirs pour ses bijoux de famille. Que ce soit pendant une tournée de concessionnaires où il s’improvise acheteur potentiel, à l’occasion de salons de l’auto ou durant ses voyages, Hippolyte s’expose pour la cause.

Les devantures d’hôtels, où on laisse parfois traîner des voitures de luxe comme un signe de prospérité, constituent également un bon terrain de chasse.

Mais attention, Hippolyte s’est quand même fixé quelques critères :

– Ne pas vandaliser les voitures (outre que déposer ses couilles dessus);

– Cibler des voitures valant plus de 100 000$ (ou qui sont très flashy, comme des modèles modifiés);

– Adopter la même pose pour chaque photo, soit de manière à suggérer que la voiture est le prolongement de son sexe.

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« Je veux dénoncer de manière ludique, mais aussi montrer le pathétisme relié à dépenser de telles sommes pour des voitures », note Hippolyte, qui raille au passage l’instrumentalisation des femmes qu’on associe trop souvent à de tels bolides, notamment dans des vidéoclips ou calendriers de garage en région.

Les raisins dans le sac banane

Chaque « sortie couillue » (ça ne vient pas de moi, je le jure) est méticuleusement préparée et coordonnée. D’abord, ça prend des pantalons qu’on peut descendre et remonter à la vitesse de l’éclair. La plupart du temps, Hippolyte est accompagné, et le cliché se prend en l’espace de quelques secondes. Un vrai quicky.

« Je sors d’abord mes testicules, que je place derrière un sac banane. À la personne qui m’accompagne, je le dis cinq secondes à l’avance. Je suis discret, je ne suis vraiment pas un exhibitionniste », assure l’artiste, qui ne s’est que rarement fait prendre.

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Le plus ironique, c’est qu’en enjambant les barrières le séparant de ces bolides qu’il méprise tant – par exemple dans les salons de l’auto – pour s’approcher de ses proies, il passe souvent pour un simple admirateur qui bande devant ces belles carrosseries.

Évidemment, sortir ses testicules en public – même furtivement – comporte certains risques*.

*Vous l’aurez sans doute compris, l’écriture de ce texte me divertit beaucoup.

S’il ne s’est encore jamais fait tabasser, Hippolyte s’est fait pourchasser à plusieurs reprises par des propriétaires catastrophés de voir leur précieuse bagnole souillée par les couilles d’un artiste circassien. « À Miami, j’ai bien failli me faire péter la gueule et je me suis fait pourchasser vraiment longtemps. Heureusement, je cours très vite! »

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Autrement dit, il est passé maître dans l’art de partir sur une gosse (merci).

Il l’a aussi échappé belle lorsqu’il s’est fait prendre sur le fait par un propriétaire de char et ses deux gorilles. « Il était rouge tomate de colère, j’ai improvisé en lui demandant dix minutes de son temps pour lui expliquer mon projet et ma démarche. Finalement, il a mis de l’essence dans ma voiture », se targue Hippolyte, qui a l’intention de bonifier sa collection jusqu’à sa mort, peu importe l’élasticité de ses couilles.

D’ici là, libre à vous de profiter du week-end de la F1 pour visiter l’exposition d’un artiste qui a des couilles.

Bon, j’ai fait le tour des jeux de mots, là.