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Une exploration de ce qui se trouve au-delà du réel au MAC
URBANIA et le Musée d’art contemporain de Montréal s’unissent pour vous présenter cet article sur l’exposition immersive Phase Shifting Index, de l’artiste canadien Jeremy Shaw.
Originaire de Vancouver et installé depuis une dizaine d’années à Berlin, Jeremy Shaw a fait sa marque sur la scène internationale grâce à des installations qui offrent des expériences immersives. Les amateur.trice.s d’art québécois pourront découvrir sous peu Phase Shifting Index [Index d’états de transition], sa dernière œuvre, au Musée d’art contemporain (MAC) de Montréal.
« Index d’états de quoi? », vous demandez-vous peut-être. Afin d’y voir plus clair, URBANIA s’est entretenu avec John Zeppetelli, le directeur général et conservateur en chef du musée et commissaire de l’exposition.
« Shaw s’intéresse aux limites de la perception humaine », indique d’emblée Zeppetelli. Et ne vous laissez pas berner par l’allure rangée et sobre de cet artiste : ce qu’il offre avec Phase Shifting Index est un « vortex vraiment intense ».
Sept écrans présentent autant de faux documentaires d’une trentaine de minutes qui relatent des rituels par le mouvement. Tous dotés d’une narration, ils donnent l ’impression d’avoir été produits dans un futur lointain afin de commenter des tendances datant des dernières décennies du 20e siècle.
Comment les champs d’intérêt et les thèmes favoris de Jeremy Shaw se manifestent-ils dans cette installation? En voici un résumé (sans divulgâcheur) en quelques mots-clés.
Désorientation
En utilisant « la grammaire du documentaire », Jeremy Shaw crée une dose de confusion chez son public, explique John Zeppetelli :
« Tout a été filmé en format numérique, et c’est lui qui a retouché l’image pour suggérer différentes technologies du siècle passé : VHS, 16 mm, Hi-8… Et c’est étrange, parce que tous ces faux documentaires qui semblent provenir d’une époque passée sont commentés par une voix qui, elle, semble plutôt appartenir à une époque future… »
En résulte une « désorientation spatio-temporelle » qui force l’auditoire à remettre en question ce qu’il regarde, alors qu’il plonge tranquillement dans l’expérience.
Les sept vidéos racontent chacune leur propre histoire, mais plus on se rapproche de la fin, plus ce qu’elles montrent se synchronise (on n’en dira pas plus ici). Mais ce qui en résulte, c’est « une énergie frénétique, une visualisation intense, puissante et belle », analyse le directeur général et conservateur en chef.
« Et à la toute fin, une espèce de paix intérieure s’installe », conclut-il.
Transcendance
Jeremy Shaw s’est toujours intéressé à ce qui dépasse la perception et le réel; la plupart du temps, ses œuvres explorent le concept de transcendance.
« En 2004, Shaw a conçu une installation vidéo dans laquelle il a administré à une trentaine de personnes du DMT, un hallucinogène ayant un potentiel révélateur. Par la suite, il menait des entrevues auprès des participant.e.s qui essayaient de verbaliser l’expérience qu’ils venaient de vivre », raconte John Zeppetelli. « Depuis, Jeremy Shaw a fait toutes sortes d’autres œuvres portant sur la quête de transcendance. Ses œuvres sont une expérience quasi religieuse dans un monde laïc », poursuit-il.
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Selon le site Web du MAC, « l’œuvre attire l’attention sur le fossé qui sépare la notion intemporelle de transcendance et les tentatives scientifiques de l’expliquer, de la situer et de la définir ». Avec Phase Shifting Index, le vecteur de transcendance n’est pas une drogue, mais plutôt les rituels présentés sur les écrans. Mais la transe n’est pas réservée qu’aux personnages : les membres du public aussi pourraient fort bien vivre une expérience qui dépasse les limites de leurs cinq sens pendant les 35 minutes qu’ils passeront dans la salle.
Mouvement
D’ailleurs, ce qui lie les sept rituels de l’exposition, c’est qu’ils utilisent tous la « thérapie par le mouvement », une forme de thérapie intimement liée à la danse.
Jeremy Shaw est un ancien DJ en plus d’être amateur de la culture techno et des clubs (pas surprenant, pour un homme qui habite Berlin depuis longtemps) : son intérêt pour la danse ne provient donc pas de nulle part.
« Dans l’exposition, les danses culminent à un point si intense qu’on atteint cet autre état de perception », indique John Zeppetelli.
En entrevue avec Berlin Art Link, Jeremy Shaw explique l’inspiration bigarrée derrière les sept chorégraphies : « Un des groupes danse dans un style hardcore américain; […] un autre fait du “pop & lock”; un autre pratique une forme bâtarde de danse moderne. »
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« Toute expression artistique est une tentative de donner forme à des expériences intenses et importantes », estime le commissaire. Pour l’artiste, cette démarche s’exprime par des danses filmées et présentées dans une installation fictive qui reprend des éléments du réel. Le tout se recoupe en plusieurs couches et provoque un état de confusion et de désorientation.
Immersion
Si le terme « immersif » peut sembler avoir la cote, ces derniers temps, ce n’est certes pas un cliché quand il s’agit de décrire l’œuvre de Shaw. Et le MAC est l’endroit tout indiqué pour vivre ce genre d’expérience. C’est du moins l’opinion de son directeur général.
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« On a une tradition de montrer de grandes installations vidéo, sonores, avec l’ajout cette fois d’une lumière stroboscopique. On sait que le MAC a l’expertise nécessaire pour donner vie à cette installation », assure John Zeppetelli. « C’est une expérience formidable qu’on voulait partager avec nos publics. »
L’immersion commence dès l’arrivée du public grâce à une installation connexe intitulée Cathartic Illustration, qui donne un aperçu de l’intérieur de l’espace. Encore une fois, on ne veut pas trop en dire, mais le public pourra faire l’expérience d’« une espèce d’extase » avant même de commencer à vivre Phase Shifting Index en tant que tel.
Ensuite, selon Zeppetelli « les visiteurs seront plongés dans l’expo, et l’expérience sera intense. »
Votre curiosité est piquée? L’exposition est en cours et se poursuit jusqu’au 25 février. Plus d’infos par ici!